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Le lendemain, en revanche, j'ai comme une légère déprime. Roussel m'a expliqué que s'appelait un "lull" en anglais. Un moment à la fois de répit et de tristesse. Quand la tension disparaît. Quand on est fier, mais fatigué. Quand la tempête du quotidien s'apaise, pendant quelques heures.
Afficher en entierLéo - 17 ans - Terminale L1
J'ai mal au ventre. J'ai tellement mal au ventre que j'ai failli ne pas venir. J'étais à deux doigts de renoncer quand j'ai croisé Valentine qui, de son ton autoritaire, m'a rappelé que ce n'était pas la bonne direction pour l'atelier d'écriture. Que la séance se déroulait dans la salle Mozart, juste au-dessus du restaurant pédagogique. J'étais coincé. Je connais Valentine depuis plus de dix ans maintenant, vu qu'on était au primaire ensemble, et elle a toujours eu beaucoup d'ascendant sur moi. Il se dégage d'elle une force impressionnante. D'abord elle est grande. Elle est forte aussi. enfin, ça c'est l'adjectif qu'on utilise quand on veut être gentil, sinon, on dit "grosse". Et puis elle parle avec assurance. On voit qu'elle fait du théâtre. Elle sait ménager ses effets. Personne ne se moque de Valentine au lycée. Elle aurait pu être un objet de moquerie facile, mais elle a su retourner la situation à son avantage. Elle est la porte-parole de tous les mouvements de grève et de toutes les révoltes. Elle était aux premières loges des manifestations contre la nouvelle loi Travail. Elle a même été interviewée par la télévision régionale qui avait besoin d'une représentante du mouvement étudiant. Et évidemment, elle s'est exprimée avec clarté et exactitude, impressionnant les journalistes. Quand Valentine dit quelque chose, on obéit. C'est exactement ce que j'ai fait.
Afficher en entierL'avenir. C'est ce qui me fait mal au ventre. L'avenir lointain - quelle carrière ? quel chemin ? quels amis ? quel genre d'existence ? Je n'arrive pas à me projeter dans les décennies prochaines.
Afficher en entierJ'écoute certains morceaux en boucle. Et j'écris. La musique est intrinsèquement liée à mon écriture. Sans elle, je resterais muet.
Afficher en entierFranchement. Il lit des livres, Boris ? Et on enchaîne mentalement avec tous les clichés inhérents aux garçons qui choisissent l'économie ou la gestion, les ES ou les STMG, glandeurs sympathiques, organisateurs de soirée, sportifs en chambre, j'en passe et des meilleures. (...)
C'est confortable, le stéréotype. Les gens te mettent dans une case, et si tu te conformes en gros à ce qu'ils attendent de toi, ils te laissent vivre ta vie. Les profs, comme les élèves. Correspondre à un stéréotype, c'est gagner de la liberté, et continuer son chemin à couvert. (...)
Voilà. Je refuse de choisir. Je suis les deux. Ce garçon qui aime bien sortir en bande avec ses copains, qui rêve de traverser l'Europe puis l'Asie en moto ou en voiture, qui parle trop fort et boit beaucoup dans les soirées. Et ce garçon qui n'aime rien tant que disparaître quelques heures dans sa chambre, au point que ses parents ne savent plus s'il est là ou pas, pour dévorer des romans qui ne parlent pas que d'aventures, et pour taper discrètement sur son ordinateur des histoires qui, petit à petit, prennent de l'ampleur.
Afficher en entierLe dernier jour, le professeur qui s’occupait de l’atelier d’écriture – mais comment s’appelait-il déjà, Blondel, Roussel, Brunel ? un truc en “-el” en tout cas – nous avait demandé d’imaginer notre vie, dans vingt ans.
Afficher en entierJe m'appelle Marion et j'ai 36 ans. Je suis assise dans la salle Wolfgang Amadeus Mozart. A cette heure-ci, d'habitude, je fonce au supermarché en attendant d'aller chercher les enfants à l'école.
Quand je suis rentrée dans la salle tout à l'heure, j'ai tout de suite remarqué la reproduction de Guernica sur le mur du fond parce que je trouve ça choquant de la trouver là, ou alors parce qu'elle correspond à mon état mental au moment de commencer cette mise à nu. Alors donc, c'est ça un atelier d'écriture!
Je me suis inscrite parce que l'écriture m'attire et me fait peur depuis toujours, pour moi, c'est le plus grand mystère de l'univers (après les hommes). Mais je suis avant tout une grande lectrice et mon livre de chevet c'est "La Critique de la Raison pure" de Kant parce que j'aime la beauté qui se dégage des systèmes philosophiques complets, ils sont comme des constellations dans le ciel nocturne.
Quand je regarde l'animateur de l'atelier, je me dis que je suis censée être son égale, là, alors que j'ai l'impression d'être totallement démunie. Voilà, maintenant je suis curieuse et j'ai hâte que ça commence VRAIMENT.
from chap: "14 janvier-Séance 1", "Marion Grand-36 ans-prof"
Afficher en entierMais écrire des choses qui viennent des tripes, des mots qui viennent fouiller autour du coeur et qui descendent dans le foie et les intestins, des paragraphes qui coulent dans les veines et dans les artères, des textes qui donnent un sens à toute cette biologie en nous, jamais.
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