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Introduction
Gaëlys, 2000 ans avant récit : Nelle
- Est-elle encore en transe? demanda la mère d’un ton anxieux et d’un regard inquiet.
Le vieux Prêtre examina calmement les yeux de la petite. Il savait que la crise qui venait d’affliger la jeune Nelle était le balbutiement d’un pouvoir nouveau et unique. Il peinait à contenir l’excitation d’être le premier témoin d’une séance de divination.
- Non. Elle reprendra ses esprits sous peu.
Il posa une main chaude et rassurante sur celle froide et moite de la mère.
- Ne t’inquiète pas, Maeve, le don sacré varie d’une personne à l’autre. C’est tout à fait normal.
Il fit une pause, griffonna quelques notes sur un parchemin déjà bien rempli et poursuivit:
- Chaque individu est unique, chaque fleur a ses particularités… sa beauté intrinsèque, il en va de même d’Hermaël. En soi, Nelle n’est pas différente de moi et de mes propres pouvoirs.
La mère fit une moue qui se transforma aussitôt en un sourire timide. Elle venait de passer des moments angoissants alors qu’à peine quelques heures plus tôt, sa petite Nelle avait subitement été victime de convulsions, le regard fixe et distant qu’avait affiché l’enfant s’apparentant dangereusement à un état catatonique. Les phrases qu’elle avait prononcées avaient été incohérentes, mais le flot de mots, intarissable. Ce fut après plusieurs minutes que la mère sortit en courant de la chaumière pour demander au vieux Prêtre de lui venir en aide.
- Merci, Duncàin. Merci infiniment de ton aide.
Elle se leva et se dirigea vers la cuisine.
- Je peux t’offrir un remontant?
Duncàin sourit de la voir reprendre confiance aussi rapidement.
- Tu me connais, je ne dis jamais non à ton whisky!
Elle versa d’une belle carafe en bronze le liquide ambré dans un gobelet en bois taillé qu’elle tendit au vieux Prêtre.
- Qu’est-ce que tu griffonnais sur ton parchemin, tu comprenais vraiment ce que Nelle racontait?
Duncàin huma son whisky et prit une grosse gorgée qu’il roula autour de sa langue afin de bien goûter toutes les subtilités du bois, des fruits et de l’agréable arrière-goût d’eau salée qui était unique au whisky de Maeve. Il la regarda en fronçant les sourcils et soupira. Il devait lui dire la vérité au sujet de Nelle. Étant celui qui avait mis Maeve au monde trente ans plus tôt et l’ayant connue toute sa vie, il savait que le meilleur moyen de lui parler était d’aller droit au but.
- Ta fille a le pouvoir de voir l’avenir… à tout le moins un avenir probable, se reprit-il.
Maeve regarda l’homme qu’elle aimait comme un père. Sa simple présence était rassurante, mais une question lui brûlait les lèvres:
- Le charabia qu’elle racontait tantôt à propos d’une nouvelle religion, c’est un événement qui ne s’est pas encore produit?
- Un avenir lointain, un avenir proche, le présent... difficile à dire.
Duncàin fit une pause pour déguster une autre gorgée. Il déposa son gobelet sur une petite table en bois et se leva tranquillement pour aller près du lit de la petite qui dormait paisiblement. Il poursuivit la discussion, excité d’en dire plus.
- Nelle a brossé un portrait clair d’une nouvelle religion qui prend ou prendra racine à Bebhionn. Quand? Où? Qui? Tout ceci reste un mystère, mais ses propos étaient sans équivoque. Elle a fait mention de « Vérités » ; d’une Église construite sur un mont ; d’un prophète nommé Castel. Tous ces éléments convergent vers une possible nouvelle religion qui…
Le Prêtre ne put terminer sa phrase. La jeune fille ouvrit ses petits yeux et sourit lorsqu’elle vit sa mère et Duncàin.
- J’ai faim, maman. Qu’est-ce qu’on mange pour souper?
Maeve soupira.
- Tu vois, Duncàin? Il y a des choses qui ne changent pas!
- Comment te sens-tu, ma chérie ? demanda le Prêtre. Te souviens-tu de ce qui est arrivé?
- J’ai vu des images dans ma tête.
- C’est la première fois que ça t’arrive?
- Non, j’ai souvent des visions.
- Ces visions proviennent d’Hermaël. C’est une des facettes du don sacré. Tu te souviens des images?
- Tout le temps ! répondit-elle fièrement.
- Maeve, tu n’as jamais été témoin de ces crises?
La mère répliqua de la cuisine sans en sortir :
- Oui, mais elles n’ont jamais provoqué de convulsions auparavant. Je ne veux pas que ceci s’ébruite dans le clan, d’accord?
Maeve sortit de la cuisine en s’essuyant les mains sur son tablier, regarda sérieusement Duncàin et poursuivit :
-Il y a assez de bisbille entre les trois autres Prêtres et toi. Tu t’imagines la jalousie qu’ils auraient si le mot venait à leurs oreilles que Nelle maîtrise Hermaël en plus de posséder un don unique? Ces imbéciles sont bien capables de la lapider sur la place publique! Alors, tu gardes ce secret pour toi et tu viens t’asseoir à table. Nelle, va te laver les mains, ma puce.
***
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