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Un mois s'est écoulé.
Et j'ai su.
Malgré la peur et la guerre qui n'est pas finie... Mais finira-t-elle un jour et comment ?
J'ai su.
Je l'avais pressenti.
Karl m'a fait le plus beau cadeau qui puisse être.
Je porte son enfant.
Afficher en entierJe m’appelle Jeannette Mangenot et je suis gérante de la brasserie La Lorraine au coin de la rue Saint-Jean et de la rue Raugraff. Si on m’avait dit, il y a dix ans, quand j’ai ouvert mon salon de thé à deux pas de la place de la Carrière, que je gérerais cette vaste brasserie installée dans un bâtiment construit dans le style École de Nancy, je ne l’aurais pas cru. J’ai tout de même gardé mon salon de thé, le lieu où je puis m’adonner à ce que je préfère, la confection de quelques gâteaux et biscuits pour lesquels il faut le tour de main. Ah, ce tour de main !
Afficher en entierÀ chaque grand événement dans le monde, je m’interroge : qu’aurait dit et écrit Rodolphe ? Je sais que le couple manque à Valentine, ma fille, et à Luigi, son époux chéri, mes artistes, et à leurs deux enfants qui ne veulent pas entendre parler peinture, mais feront médecine, comme leur tante, ou pharmacien, comme leur grand-père, si la guerre finit bien. Je me rassure. Les deux couples se rencontraient très souvent à Paris ; Valentine et Luigi n’ont jamais envisagé de revenir en Lorraine.
Reste que nous avons perdu la guerre. Cette phrase tourne sans cesse en boucle dans ma tête.
Moi, Philippe le pharmacien, j’ai le cœur triste et pas de remède contre ce mal.
Afficher en entierJ’ai décidé de rester, j’en ai parlé avec Justine, mon épouse, et avec nos enfants, qui me font confiance. En restant unis, nous serons plus forts. Je tremble bien sûr pour Luc, notre jeune fils de dix-sept ans. Si ce conflit dure, il devra partir à la guerre. Luc est mon souci. Il est dans un ailleurs dont personne ne peut le sortir. Il n’est heureux qu’avec ses mottes de terre qu’il malaxe pour en faire sortir des formes. Il parle peu et passe par des périodes de grand désespoir. Marc est plus âgé et il est chargé de famille. De toute façon, il vit maintenant dans le Massachusetts, aux États-Unis, où il enseigne à Harvard. Je sais qu’il rencontre parfois Marie qui s’y est établie avec Wilhem.
Afficher en entierAprès avoir bien bombardé la ville, après avoir fait de nombreuses victimes, ils sont chez eux. Où sont nos soldats ? À quoi a servi la ligne Maginot ? Après des mois de drôle de guerre, Hitler a poussé le bouton de la Blitzkrieg. Nous voilà envahis.
Que Dieu, s’il est encore là, ait pitié de la France !
Ils sont entrés à la mairie.
Ils vont s’y installer. Ils déploient leur drapeau. La préfecture est à deux pas. Ils y entrent le sourire aux lèvres. Ils ont regardé la cathédrale. Indifférente, la belle dame de pierre de Léopold. Elle les toise et sonne les heures et demi-heures.
Afficher en entierCette fois, c’est fini. Je les ai vus arriver, les Allemands. Ils viennent de Belgique. Ils sont passés par Sedan, comme s’ils rejouaient l’épisode de 1870 qui a mis la France à genoux. La Belgique a résisté. Le roi des Belges a accepté la reddition de l’armée, mais n’a pas demandé la paix. Il se considère tel un prisonnier de guerre. Le gouvernement français et la presse en ont fait un pleutre. Ce qui est faux. D’ailleurs, ni les Britanniques ni les Français n’ont été en mesure de venir en aide à l’armée belge qui, sous-équipée, s’est battue tant qu’elle a pu sans parvenir à maintenir la neutralité à laquelle elle était attachée et qui était la sienne avant 1914.
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