Le Journal interdit de Pelly D.

Dans un premier lieu, j'ai adoré découvrir la personnalité de Tony V. Un jeune homme simple qui suit les règles, fait ce qu'on lui demande de faire et ne pose pas de questions. Puis, nous somme plongés dans l'univers de Pelly D., lycéenne qui ne s'intéresse qu'aux multiples façons de se mettre en valeur, bien qu'elle soit déjà extrêmement populaire. Sa vie, ses histoires d'amour et son vocabulaire "supersidérant" nous accompagnent tout au long de son récit.

J'ai bien aimé ce livre, je l'ai adoré en fait. Il varie entre journal intime et narration omniprésente, et bascule d'une histoire à l'autre.

Le roman commence dans les ruines d'une ville, détruite par une sorte de guerre dont on ne sait encore rien. Un groupe d'hommes et de femmes sont là pour déblayer les décombres, et soudain Tony V tombe sur un vieux journal intime, qu'il décide de lire. Et nous voilà partit à la rencontre de Pelly D et de son destin.

On rencontre une jeune lycéenne à la vie dorée et provenant d'un milieu aisé, ne s'intéressant à rien d'autre qu'à ses fringues et ses conquêtes. Mais voilà, à la suite de tests rendus obligatoires par le gouvernement, elle découvre qu'elle appartient à une caste génétiquement inférieur, et son monde commence à s'écrouler. On assiste à la lente mise à l'écart des Galrezi, à leur marginalisation progressive, à leur situation qui se dégrade au fil des pages. On voit la dictature et l'eugénisme se mettre en place, avec un tel réalisme qu'il nous secoue. Le style est simple. C'est celui d'un journal intime, d'une adolescente lambda, ça aurait pu être notre journal ou celui de n'importe qui, et c'est finalement ce qui est le plus marquant. Pelly, énervante au début, devient peu à peu attachante, touchante, au fur et à mesure que sa vie s'écroule et s'enfance dans la précarité. On s'identifie à elle, on partage son incompréhension, sa révolte, sa colère.

Et en même temps, on prend un recul presque cruel sur les événements. Parce que si Pelly ne comprend pas le racisme qui s'installe, ce n'est pas la même chose pour nous. À chaque nouvelle loi réduisant les droits des Galrezi, on ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec notre propre Histoire, et l'Holocauste. Ce pan de notre Histoire reste toujours là, quelque part dans notre tête, et nous fait frissonner. Jusqu'où tomberont les Galrezi ? Jusqu'où ira le gouvernement dans sa haine ? Presque malgré nous, on sent planer l'ombre de la Solution Finale au dessus de Pelly. C'est à la fois génial et cruel de nous faire entrevoir cette fin sans jamais la mentionnerSpoiler(cliquez pour révéler) (du moins jusqu'aux dernières lignes).

D'autre part, en parallèle de cet vie qu'on découvre, on voit Tony déblayer la ville et marcher sur les pas de Pelly. On le voit fouler les ruines des lieux ou Pelly a vécu, tenter de comprendre ce qu'il s'est passé dans cette ville, et on sent que quelque chose cloche, qu'il y a quelque chose que le gouvernement cherche à taire. On attend l'instant ou les deux histoires vont se croiser, on se demande comment ce journal a pu passer des mains de la jeune fille au bidon dans lequel Tony l'a trouvé. Et lorsque l'on finit par comprendre, lorsque l'on se prend le destin de Pelly D en pleine face, on referme le livre la boule au ventre.Spoiler(cliquez pour révéler) Parce que l'on a la Shoah en tête, il nous suffit de se retrouver devant le champ de cendres final pour comprendre ce que sont devenu les habitants du ghetto Galrezi.

Tout cela a beau se dérouler dans un monde imaginaire, on a quelque part l'impression de vivre notre propre Histoire entre les lignes, et c'est ça la plus grande réussite de ce livre, et c'est bien la preuve que parfois, les mots les plus simples peuvent aussi être les plus violents. Un très beau roman en forme de coup de poing qu'on referme avec une impression de malaise, et qui gagnerait à être plus connu.