Extraits

Prends soin de toi, Gorath, mon vieil ennemi. Que personne d’autre que moi ne puisse mettre fin à ton existence.

— Et toi, tu as intérêt à rester en vie pour que je puisse prendre ta tête un de ces jours, répliqua Gorath.

— On dirait que dans le fond, vous vous aimez bien tous les deux, fit remarquer Owyn lorsque le vieux Moredhel et ses compagnons furent partis.

Quand leurs ennemis surgirent, James, interrompu dans sa lecture, se leva brusquement et fit jaillir son épée de son fourreau. Deux personnes tentèrent d’enfoncer la porte en se jetant dessus et Owyn fut propulsé en avant par l’impact. Pendant ce temps, les volets de la fenêtre explosèrent vers l’intérieur de la chambre. Un assassin qui se balançait au bout d’une corde attachée à la poutre du toit venait de démolir les volets en bois et de sauter dans la chambre.

Ils empruntèrent à la suite du baron un couloir qui traversait l’ancienne salle commune de l’auberge, à présent divisée en plusieurs pièces. L’escalier qui menait à l’étage se trouvait tout au bout de ce même couloir et James se demanda distraitement si l’ancien comptoir existait toujours. Il ne le saurait sans doute jamais car le baron les fit entrer dans une pièce d’angle avec deux grandes fenêtres qui donnaient sur la place du village. L’oncle Corvallis désigna trois chaises et en prit une pour lui-même.

— Nous avions l’intention de faire assassiner Damon Reeves, le dirigeant de leur guilde. (Il baissa la tête, honteux.) Je ne le voulais pas, mais lorsqu’ils m’ont informé de cette partie du plan, j’étais déjà trop impliqué. Ils m’ont dit qu’ils s’arrangeraient pour faire croire à un acte commis par les Faucons de la Nuit, afin que la responsabilité de ce meurtre ne nous incombe pas. En fait, ils devaient se débrouiller pour faire croire que quelqu’un à l’intérieur même de la guilde voulait se débarrasser de Reeves, comme ça, la guilde se serait dissoute d’elle-même, à cause de ses dissensions internes. Je connais Damon depuis des années ; c’est un vieil ami à moi mais je ne pouvais rien faire.

Deux des hommes qui se trouvaient derrière la barricade discutèrent rapidement entre eux. Puis l’un partit en courant et franchit un petit pont qui séparait la route du Roi de celle qui entrait dans Romney. Aucun des camarades de Widger ne parut vouloir contourner la barricade pour défier James, mais ce dernier savait qu’il ne pouvait pas venir à bout de douze hommes armés.

Arutha le remercia. Makala quitta la pièce en compagnie de Gardan, laissant seul le prince. Ce dernier resta assis là jusque tard dans la nuit, pesant et mesurant l’avertissement du chef moredhel renégat. Plusieurs fois, il fut tenté d’en faire abstraction en le considérant comme de la comédie ou le résultat d’une lutte de pouvoir entre différentes factions des nations moredhels. Mais il ne put s’y résoudre. Une autre guerre se profilait à l’horizon, le prince le sentait jusqu’au plus profond de lui-même.

Locklear hésita un moment. Le temps que l’écuyer prenne sa décision et bouge à son tour, l’elfe noir tombait déjà sur les deux individus. Le premier se retourna juste à temps pour voir la mort arriver, car Gorath lui ouvrit la poitrine et l’épaule.

Le second tira son épée et tenta de frapper le Moredhel à la tête, mais Locklear s’interposa et para le coup en hauteur, ce qui permit à Gorath de transpercer leur adversaire. En quelques secondes tout fut terminé.

— J’ai vécu enfant dans ces montagnes, avant que vous les humains ne veniez nous empoisonner l’existence. Mon peuple habitait dans cette région avant que votre race ne l’infeste. J’ai pêché dans ces rivières et chassé dans ces montagnes. J’ai peut-être allumé mon feu de camp à l’endroit où vous autres humains avez bâti cette maison, ajouta-t-il en baissant la voix. À présent, partons. Ce voyage n’est rien pour un Moredhel mais vous, les humains, vous vous fatiguez facilement. En plus, tes blessures te ralentissent encore davantage.

Bientôt, les quatre cadavres reposèrent à quelques mètres au fond de la ravine. Locklear se remit en selle, tout comme Gorath et Owyn. Laissant pour le moment derrière eux le mystère de ces Moredhels embusqués dans cet endroit isolé, au bord d’une piste rarement empruntée, les trois voyageurs poursuivirent leur chemin.

Lorièl apparut devant eux, une petite ville – ou, plus exactement, un gros bourg – nichée au creux d’une grande vallée qui s’étendait vers l’est et d’une autre orientée vers le sud.

— C’est quoi un Brak Nurr ? s’enquit Owyn. Je n’ai jamais entendu parler d’une telle créature.

— C’est généralement plus un parasite qu’une menace, expliqua Dubal. Il s’agit d’une créature plutôt stupide, mais qui reste d’ordinaire dans les mines et les galeries tout au fond de la montagne. Elle possède un corps vaguement humanoïde, mais ressemble à un tas de cailloux qui marche. C’est ce qui la rend en partie dangereuse, gamin, ajouta le nain en s’adressant directement à Owyn. La plupart du temps, tu ne t’aperçois de sa présence qu’en lui marchant sur les pieds. Le problème, c’est que ces créatures lourdes et lentes sont pourtant très fortes : elles peuvent briser le crâne d’un homme d’un seul coup ! Je pense que l’éboulement a libéré celle-ci, mais, quelle que soit l’origine de sa présence, elle a essayé de blesser deux de nos gars.