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** Extrait offert par Peggy Moreland **

-- Le Lien du coeur --

- 1 -

Addy reposa le téléphone et resta un instant sous le choc, les yeux dans le vague, debout devant le comptoir de sa cuisine.

Puis elle reprit le combiné et composa le numéro de sa mère.

Quelques minutes plus tard, elle écartait le téléphone de son oreille et portait la main à son front avec lassitude.

Cette conversation s’avérait plus pénible qu’elle ne l’aurait cru. Tendue par l’effort de garder son calme, elle se crispait et sentait se réveiller la douleur sourde qui lui avait martelé le bas du dos toute la journée. Une journée de travail aux urgences de l’hôpital qui lui avait paru particulièrement longue. Elle aurait dû prendre le temps de se reposer avant d’appeler.

Elle s’arma de patience et reprit la parole :

— Ecoute, maman, je sais que tu détestes qu’on parle de lui, mais j’ai l’impression que c’est important. Cette Stéphanie Parker qui vient de m’appeler me dit que mon père était au Viêt-nam avec le sien, qu’ils étaient très bons copains.

— Bon, et alors ? Ils n’étaient pas les seuls ! répliqua sa mère sur un ton ironique. Ils étaient des centaines de milliers là-bas.

Addy ne releva pas l’absurdité de la remarque, déterminée à poursuivre la conversation sans s’énerver.

— Justement, dit-elle. C’est bien pourquoi cet appel m’intrigue. Stéphanie m’a dit avoir découvert récemment que son père avait envoyé à sa mère la moitié d’un document, un papier officiel visiblement déchiré en deux. Elle se demandait si tu avais reçu la même chose.

— La seule chose que j’aie reçue d’Antonio Rocci, ma chère, c’est toi. Et tout à fait par accident.

Addy ne se laissa pas troubler par ce rappel de son illégitimité. Elle se l’était si souvent entendu reprocher qu’elle y était habituée. Depuis sa plus tendre enfance, sa mère ne lui avait rien laissé ignorer des circonstances aléatoires de sa naissance, et cela avait depuis longtemps cessé de l’émouvoir.

— Ce papier pourrait avoir de la valeur, reprit-elle sans se laisser décontenancer. Ne te souviens-tu pas avoir reçu un tel document ?

— Comment veux-tu que je me souvienne ? Il y a près de trente ans ! Tu sais que je n’ai guère de mémoire.

— Un document déchiré, insista Addy. C’est assez étrange pour avoir retenu ton attention, non ?

— Non, répliqua sa mère d’un ton péremptoire. Bon, si c’est tout ce que tu avais à me dire… Tu es en train de me faire manquer mon émission préférée.

Et avant qu’Addy ait pu réagir, elle lui raccrocha au nez.

Addy reposa brutalement le téléphone, furieuse de se sentir blessée par le manque de sollicitude de sa mère.

— Je vais bien et le bébé aussi. Merci de t’en inquiéter, marmonna-t-elle pour elle-même.

Marie Claire Richards-Smith-Carlton-Sullivan était une écorchée vive, à moitié névrosée, qui accumulait les désastres conjugaux. D’aussi loin qu’Addy s’en souvienne, sa mère était rongée par une colère interne qui couvait en permanence. Elle se repliait sur elle-même, indifférente aux autres, y compris à sa propre fille.

Addy repoussa ses cheveux en arrière, désabusée. Une fois de plus, elle survivrait. L’indifférence de sa mère à son égard n’avait rien de nouveau. Pourquoi espérer la voir changer d’attitude ?

Elle se pencha pour défaire ses chaussures, mais s’arrêta net en voyant son reflet dans la porte-fenêtre du patio. Elle se releva lentement et considéra l’image que la vitre lui renvoyait.

C’est à peine si elle se reconnaissait. Son ventre était aussi volumineux que si elle avait dissimulé un ou deux ballons de foot sous son T-shirt. Ses pieds et ses jambes étaient enflés au point d’en être éléphantesques, et ses longs cheveux noirs — d’ordinaire sa fierté — se dressaient au sommet de sa tête en un misérable chignon à moitié défait. Ajoutez à cela une tenue fatiguée et des Reeboks qui avaient fait leur temps… Elle était presque heureuse que Ty ne la voie pas dans cet état.

Elle se pencha de nouveau pour délacer ses chaussures en se traitant de vaniteuse. De toute façon, se dit-elle pour la centième fois, il n’avait pas intérêt à venir. Il ne passerait pas le seuil de sa porte !

A vrai dire, Ty Bodean brillait plutôt par son absence. Ce beau parleur, ce jouisseur que seul l’argent intéressait avait disparu comme par enchantement peu après qu’elle lui avait annoncé qu’elle était enceinte. Comment avait-elle pu se laisser prendre au charme de cet individu superficiel ? Mieux valait pour elle en être débarrassée, même si cela voulait dire qu’elle devrait élever seule son bébé.

Avec un soupir, elle sortit son pied de la chaussure, réfléchissant à ce qui l’attendait.

Pas évident. L’argent allait devenir un souci majeur. Dix-huit mois plus tôt, elle s’était lancée dans l’achat de la maison, ce qui avait englouti l’essentiel de ses économies et nécessité un emprunt dont les remboursements pesaient lourd sur son budget. A cette époque, cela lui avait paru un bon investissement. Elle avait toujours rêvé de posséder sa maison, et l’ancien propriétaire la lui avait cédée à un prix très compétitif. Evidemment, à ce moment-là, elle n’était pas enceinte et ne projetait pas de le devenir dans les prochains mois. Il avait fallu cette aventure aussi courte que désastreuse avec Ty pour que tous ses projets soient bouleversés.

L’autre problème était de savoir qui allait s’occuper du bébé. Elle détestait l’idée de devoir l’abandonner à des mains étrangères, mais malheureusement il était hors de question qu’elle quitte son poste d’infirmière pour s’occuper de lui. Qui les ferait vivre ?

Quant au troisième problème, c’était celui d’élever un enfant sans la présence du père.

Elle n’avait pas le choix, puisque Ty avait fui ses responsabilités dès le jour où elle lui avait appris la nouvelle de sa future paternité. Depuis, elle s’était faite à l’idée que cela n’en valait que mieux pour elle et le bébé. Elle était persuadée qu’elle réussirait sans peine à faire pour son enfant ce que sa mère n’avait pas fait pour elle : l’entourer de son amour, le protéger des aléas dus à sa situation d’enfant sans père. Elle aimait déjà de toutes ses forces ce bébé qu’elle avait choisi de garder malgré le mépris que lui inspirait son ex-amant.

Evoquer sa mère lui rappela l’appel qu’elle avait reçu, et elle repensa à ce père qu’elle n’avait jamais connu. Que pouvait bien être le document mentionné par Stéphanie Parker ? Un cadeau posthume de son père ? Avait-il eu des remords tardifs envers son enfant ? S’était-il préoccupé d’assurer son avenir d’une manière non conventionnelle ? Et si cela pouvait lui changer la vie ?

Se reprenant, elle se moqua d’elle-même. Inutile de faire des châteaux en Espagne à partir d’un bout de papier qu’elle n’avait même pas en sa possession. Elle pourrait toujours fouiller dans les affaires que sa mère avait entreposées dans son garage avant de suivre son quatrième mari à Hawaii. S’il y avait un endroit où elle était susceptible de le trouver, c’était là, dans ce fouillis.

Elle s’occuperait de cela plus tard. Pour le moment, elle se sentait épuisée. Elle n’avait qu’une envie : regarder la télévision, confortablement installée dans un fauteuil, les pieds sur un pouf.

S’appuyant de la main au comptoir, elle se mit en devoir de défaire sa seconde chaussure.

C’est alors qu’une douleur fulgurante la traversa de part en part.

Les yeux écarquillés, elle porta la main à son ventre et se laissa glisser au sol.

Accroupie, la main sur le carrelage, elle se força à respirer lentement et chercha dans sa tête la raison de cette douleur.

Trop tôt pour l’accouchement, qui n’était prévu qu’un bon mois plus tard. Plutôt ce qu’on appelait un « faux travail ». Ce n’était pas la première fois, elle avait déjà eu des alertes. Cela allait sans doute passer, il suffisait d’attendre un peu…

Toutefois, quand elle voulut se relever, la douleur se fit plus intense encore, plus persistante, comme si un étau lui enserrait tout le ventre. Elle se mit à transpirer, incapable de bouger et de respirer, et sentit la peur s’emparer d’elle.

Le téléphone était hors de portée. Qui appeler, de toute façon ? Faire le numéro des urgences lui répugnait. Elle était bien placée pour savoir que beaucoup de femmes enceintes en abusaient, et si ce n’était que de fausses contractions, elle s’en voudrait d’avoir agi comme la première des ignorantes. Par contre sa voisine, Mme Baker, lui serait une aide précieuse. Cela lui donnerait le temps de se rendre compte de ce qui lui arrivait.

Elle tenta de se relever pour atteindre l’appareil, mais une douleur d’une intensité phénoménale la ramena au sol. Gémissant de souffrance, elle se roula en boule pour atténuer la douleur. Elle sentit quelque chose de chaud entre ses jambes et vit avec horreur une flaque s’agrandir sur le carrelage, l’inondant jusqu’aux genoux.

Elle ferma les yeux, terrifiée, ne sachant que trop bien ce que cela voulait dire : elle était en train de perdre les eaux.

« S’il vous plaît, mon Dieu, pria-t-elle, ne permettez pas que je perde mon bébé ! »

* * *

Avant de sortir de sa voiture, Mack vérifia qu’il était bien devant la maison dont l’adresse figurait sur le papier. Il remit celui-ci dans sa poche et, un instant, observa l’endroit, surpris par le charme discret, rétro, du pavillon.

Au fil des années, d’autres démarches du même genre l’avaient amené dans des complexes ultramodernes, des gratte-ciel pour célibataires branchés. Cette maison, au contraire, dégageait un air de confort tranquille. La bordure d’impatiences le long de l’allée et les paniers de fougères suspendus aux poutres du toit constituaient le cadre idéal pour une vie de famille.

Se souvenant que s’il était là c’était justement à cause d’un membre de sa famille, il jura tout bas et remonta l’allée vers la porte d’entrée, désireux d’en finir au plus vite avec la mission désagréable qu’il s’était assignée.

Il frappa à la porte peinte d’un beau rouge profond et, se reculant, attendit.

Une longue minute s’écoula sans réponse.

Il frappa de nouveau, plus fort, et entendit une voix de femme sans bien comprendre ce qu’elle disait.

Probablement l’informait-elle qu’elle allait venir lui ouvrir ?

Toutefois, comme rien ne se produisait, il s’étonna et essaya d’ouvrir, mais la porte était fermée à clé. Il alla vers les fenêtres, espérant que malgré les stores baissés il pourrait jeter un œil à l’intérieur. Effectivement, il aperçut ce qui devait être la pièce principale. N’y voyant aucun signe de vie, il se mit de biais et son regard parcourut le hall d’entrée qui menait vers l’arrière de la maison.

Quelque chose qui bougeait sur le sol attira alors son attention.

Il colla son visage à la vitre, protégeant ses yeux de ses mains pour mieux voir, et poussa une sourde exclamation : une main de femme, les doigts crispés, dépassait derrière la cloison et semblait lui faire signe.

Etait-elle ivre ? Ou droguée ? Cela ne l’aurait pas surpris, étant donné les fréquentations de Ty Bodean. Ou alors il y avait eu effraction, viol peut-être, et elle était blessée ?

Ce fut cette éventualité qui le propulsa à l’arrière de la maison.

Il fonça, grimpa les marches du porche et fut soulagé quand la porte s’ouvrit dès qu’il tourna la poignée. Il la repoussa contre le mur et s’avança prudemment à l’intérieur.

— Madame ? appela-t-il. Ça va ?

— Aidez-moi, je vous en prie.

La voix venait de l’autre extrémité de la pièce. Il fit le tour du comptoir qui occupait le centre de la cuisine et découvrit une jeune femme qui lui tournait le dos, allongée sur le sol. D’après sa position, il comprit qu’elle l’avait entendu frapper et s’était traînée vers l’entrée.

Il mit un genou sur le carrelage.

— Vous êtes blessée ?

— Je…

Elle poussa un cri étouffé et se recroquevilla sur elle-même.

— J’ai perdu les eaux, réussit-elle à dire entre deux grimaces de douleur.

Mack sentit un frisson d’appréhension lui courir dans le dos. Il savait que la femme était enceinte, mais il ne s’était pas attendu à ce qu’elle en soit à ce stade.

— Les contractions ? demanda-t-il. Espacées de combien ?

Elle respira à fond, se tourna vers lui et dit :

— En continu.

Elle se passa la langue sur les lèvres et, les yeux embués de larmes, supplia :

— Aidez-moi. Je ne veux pas perdre mon bébé.

La peur se lisait clairement dans ses yeux.

Dans un premier réflexe, Mack faillit fuir lâchement. Après tout, ce n’était pas son problème. Il pouvait très bien repartir, déchirer le chèque de dédommagement qu’il avait en poche et la laisser se débrouiller. Personne n’en saurait rien, et il se sortirait de ce guêpier ni vu ni connu.

Comme si elle avait senti son hésitation, la main de la jeune femme se referma sur son poignet, ses ongles s’enfonçant dans sa peau.

— S’il vous plaît, aidez-moi. Je vous en prie !

Il hésita encore un instant, puis, hochant la tête, se releva.

S’emparant du téléphone, il composa le numéro du service des urgences.

* * *

Mack faisait les cent pas dans le couloir des urgences, l’estomac contracté et les mains moites.

Ce n’était pas l’inquiétude pour la femme qui le mettait dans cet état, c’était l’hôpital. Il détestait les odeurs d’antiseptiques, le va-et-vient des médecins et des infirmières, les appels que déversait le système électronique et le fameux « code bleu ».

Que faisait-il encore ici ? Il avait fait ce que la femme lui avait demandé. Il avait appelé les secours et attendu avec elle l’arrivée de l’ambulance. Si elle perdait son bébé, il n’y serait pour rien. Ce n’était pas son problème. Il n’avait rien à voir avec cet enfant.

Il rejeta la tête en arrière avec une grimace, effaré de pouvoir envisager cette éventualité. Il ne voulait pas de mal à cette femme et savait d’expérience, hélas, ce que signifiait la perte d’un enfant. Le sentiment d’impuissance, de culpabilité, le vide terrible qui s’instaurait à tout jamais dans le cœur d’un père.

— Monsieur McGruder ?

Il fit volte-face, surpris d’entendre son nom, avant de se souvenir des papiers qu’il avait remplis à l’arrivée. Il vit une infirmière dans l’encadrement de la porte.

— Oui ?

— Elle vous demande.

Elle ouvrit en grand la porte en lui faisant signe d’avancer.

— Si vous voulez bien me suivre, je vais vous montrer le chemin.

Il hésita une seconde, car il ne souhaitait rien d’autre que rentrer chez lui et oublier l’incident. Balayer de son esprit Adriana Rocci et son enfant à naître.

Malgré cela, il suivit l’infirmière le long du couloir.

Elle lui jeta un œil par-dessus son épaule et annonça :

— Vous savez que vous faites figure de héros dans le service ?

Il se renfrogna encore plus.

— Je n’ai rien fait d’héroïque, marmonna-t-il.

— Pour nous, si. Vous avez aidé l’une d’entre nous.

Comme il ne comprenait pas, elle expliqua :

— Addy travaille dans ce service en tant qu’infirmière et nous savons que sans vous elle aurait pu perdre son bébé, et peut-être pire encore !

Avant qu’il ait eu le temps de répondre, elle s’était arrêtée devant une porte qu’elle ouvrit pour le laisser passer.

Le voyant hésiter, elle le rassura :

— Ne vous inquiétez pas, tout va bien maintenant. Elle se repose.

Prenant son courage à deux mains, il entra dans la pièce minuscule.

Addy, c’était le nom qu’avait employé l’infirmière, reposait sur un chariot à moins de cinquante centimètres de lui. Un drap la couvrait entièrement et une perfusion partait du dessus de sa main. Du regard, il remonta de l’aiguille à la bouteille de liquide suspendue à une crémaillère, puis il revint à son visage. Les yeux fermés, les mains posées sur son ventre volumineux, elle avait l’air calme, sereine. La croyant endormie, il se pencha pour constater avec soulagement qu’elle avait repris des couleurs. Elle n’avait plus le teint blafard qui l’avait inquiété avant l’arrivée des secours.

Elle n’était pas d’une beauté spectaculaire, sans toutefois manquer de caractère. Son teint mat, ainsi que ses cheveux noirs, attestaient son ascendance italienne. Elle avait des pommettes hautes et un long cou gracieux.

Au moment où il essayait de se rappeler la couleur de ses yeux, elle souleva les paupières. Bruns, nota-t-il. Elle avait les yeux bruns.

Elle sourit et posa la main sur la sienne.

— Je n’arrive pas à croire que vous êtes là, en vrai. Je me disais que vous étiez un produit de mon imagination.

La voix rauque, basse, presque un murmure, exprimait sa reconnaissance et son émerveillement.

— L’infirmière m’a dit que vous vouliez me voir.

Elle lui pressa la main, disant :

— Oui. Pour vous remercier.

Elle avala sa salive et ferma un instant les yeux. Quand elle les rouvrit, une larme s’en échappa, glissa le long de sa tempe et se perdit dans ses cheveux.

— Je ne sais pas ce qui serait arrivé si vous n’étiez pas intervenu à temps.

Il détourna les yeux, ne sachant que dire. Puis il vit qu’elle l’observait. Dans un instant, elle allait lui demander qui il était et pourquoi il était venu frapper à sa porte au moment opportun.

— Est-ce que nous nous connaissons ? demanda-t-elle.

Il attendit une seconde puis décida qu’elle ne ferait pas le rapprochement et se présenta :

— John McGruder. Mack pour mes amis.

— Mack, répéta-t-elle. C’est très viril. Cela vous va bien.

Avant qu’il ait eu le temps de répliquer, elle s’arcbouta sur le lit, les yeux clos, les mains cramponnées au matelas.

Pris de panique, il chercha la sonnette.

— Voulez-vous que j’appelle une infirmière ?

Elle respira à fond, se détendit progressivement et finit par sourire.

— Non, ça va aller. Les médicaments qu’on m’a donnés ont arrêté le travail, mais le docteur m’a prévenue que j’aurais encore des douleurs.

Il respira plus librement à son tour, soulagé que l’alerte soit passée.

— Et maintenant ? Ils vous renvoient à la maison ?

— Non. Ils me gardent en observation pour vérifier que tout va bien pour le bébé et s’assurer que je reste allongée.

— Jusqu’à quand ?

Addy haussa les épaules.

— Jusqu’à la naissance du bébé. En principe, c’est pour le 15 juillet, mais le Dr Wharton ne pense pas que j’irai jusque-là.

Il fit rapidement le calcul et frissonna d’angoisse : plus de quatre semaines ! Jamais il ne supporterait de rester aussi longtemps sur un lit d’hôpital.

— Est-ce que je peux prévenir quelqu’un ? Votre famille ? questionna-t-il.

— Ma seule famille est ma mère et elle vit à Hawaii, dit-elle.

Il sortit son calepin.

— Donnez-moi son numéro. Je vais l’appeler et lui expliquer la situation. J’imagine qu’elle va sauter dans le premier avion.

— Vous êtes très gentil, mais ce n’est pas la peine. Elle n’avait pas prévu de venir pour la naissance, je ne pense pas que le fait que je sois hospitalisée la fasse changer d’avis.

Le stylo en l’air, il insista :

— Si vous la laissiez décider par elle-même ?

Elle poussa un soupir résigné et dit :

— Après tout, il vaut mieux qu’elle sache ce qui se passe. Elle s’appelle Marie Claire Sullivan et son numéro est le…

Mack écrivit le numéro sous sa dictée puis referma son calepin et le glissa dans sa poche. Mal à l’aise, il parcourut la pièce du regard.

— Il vaut peut-être mieux que je m’en aille avant qu’ils ne me mettent dehors. Y a-t-il quelque chose que je peux vous procurer avant de partir ?

Elle leva les sourcils.

— Quatre semaines de sursis ?

Puis avec un sourire elle balaya sa requête de la main.

— Je plaisante. Tout va bien.

Il se balança d’un pied sur l’autre, gêné, pressé de partir mais ennuyé de la laisser seule.

— Prenez soin de vous, Addy, dit-il. D’accord ?

Elle lui reprit la main et la serra en un geste de gratitude.

— Merci, Mack. Pour tout. Je vous dois beaucoup.

* * *

Pendant qu’il rebroussait chemin vers la sortie, Mack prit le téléphone portable accroché à sa ceinture et composa le numéro que lui avait donné Addy. Il voulait s’acquitter de sa promesse, informer tout de suite la mère de la jeune femme avant de reprendre la route.

Une voix de femme répondit.

— Allô ?

— Marie Claire Sullivan ?

— Qui la demande ?

Le ton agressif de la voix lui fit froncer les sourcils.

— John McGruder. J’appelle de la part de votre fille, Addy. Elle a eu des contractions et a été transportée à l’hôpital. Elle devra y rester jusqu’à la naissance du bébé.

— Etes-vous l’individu responsable de sa grossesse ?

La brutalité de la question le fit sursauter et se renfrogner encore plus.

— Non, dit-il. Je ne fais que vous informer de l’état de votre fille, au cas où vous voudriez prendre des dispositions pour venir auprès d’elle.

— Si elle s’imagine que je vais venir de Hawaii à Dallas pour lui tenir la main, elle se met le doigt dans l’œil. Personne ne m’a tenue la main, à moi, pendant que je la mettais au monde. Non, monsieur. Douze heures qu’il m’a fallu. Douze heures interminables, ajouta-t-elle.

Elle marqua une pause et reprit :

— Même si j’avais envie de venir, ce qui n’est pas le cas, j’ai un mari à me consacrer. Je ne peux pas me promener d’un bout à l’autre du monde et le laisser seul sous prétexte que ma fille accouche. Dites-lui que c’est de sa faute si elle s’est mise dans la panade et que c’est à elle de s’en sortir. Sans moi.

Mack resta sans voix. Comment une mère pouvait-elle se montrer aussi indifférente au sort de sa fille ? Aussi froidement égoïste ?

— Si c’est le prix du billet qui vous pose problème, je peux m’en charger, dit-il.

— Ou vous avez quelque chose à vous reprocher, mon cher, ou vous ne savez pas quoi faire de votre argent, fut la réplique inattendue.

Mack serra les dents.

— J’essaie d’être utile et de faire ce que je peux pour votre fille, dit-il. Je pensais que vous voudriez être avec elle dans un moment difficile.

— Elle n’a pas eu besoin de moi pour se faire faire un enfant. Elle se passera de moi pour le mettre au monde, dit la mère.

— Mais c’est de votre fille qu’il s’agit ! cria-t-il presque, révolté par ces paroles. Elle a besoin de vous.

— J’ai fait mon devoir envers elle. Je l’ai élevée, seule. Sans aucune aide de la part de son salopard de père. Maintenant, ça suffit.

Mack aurait pu l’étrangler si elle avait été à proximité. Il n’en croyait pas ses oreilles.

— Désolé de vous avoir dérangée, grommela-t-il avant de couper la communication.

Encore un peu et il se serait énervé. Il aurait dit sans prendre de gants à cette mère dénaturée ce qu’il pensait de son attitude.

Il remit le téléphone dans son étui et se passa la main dans les cheveux. Il jeta un coup d’œil vers la porte de la chambre et s’imagina Addy étendue sur sa civière, se faisant un sang d’encre pour son enfant, sans personne avec qui partager ses angoisses, sans une main amie pour la réconforter.

Il se dirigea vers le parking, se persuadant que cela ne le concernait pas. Il avait fait ce qu’il fallait pour qu’elle soit en sécurité. Il avait même appelé sa mère, idiot qu’il était ! Ce n’était pas sa faute si cette dernière laissait tomber sa fille.

Bon Dieu !

Sans plus réfléchir, il fit demi-tour et revint aux urgences. Avisant l’infirmière qui l’avait conduit à la chambre d’Addy, il s’approcha.

— Vous partez ? demanda-t-elle.

— Oui. J’ai une longue route devant moi pour rentrer à la maison.

Il sortit une carte de visite de son portefeuille et la lui tendit.

— Je vous serais reconnaissant de m’avertir de tout changement dans l’état de… d’Addy, dit-il. Mon numéro de portable est là, en bas. Vous pouvez appeler à toute heure du jour ou de la nuit. Je répondrai.

Elle dissimula un sourire.

— Et vous prétendez ne pas être un héros !

— Plutôt le technicien de surface de service, marmonna-t-il en se dirigeant vers la porte.

— Le technicien de surface ? s’étonna l’infirmière.

— Oui, celui qui passe derrière les autres pour nettoyer.

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