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On voit passer de futurs couples, passer deux par deux de petites couturières, passer de jeunes gens à la poursuite du plaisir ; on voit fumer sur leur éternel trottoir les retraités de tout, et muser à des riens, sur le pas de leur porte, ces vagabonds immobiles que sont les patrons de boutiques. Lents, robustes ou faibles, les conscrits somnambulisent en bandes tantôt bruyantes, tantôt plus que bruyantes. De temps à autre, on voit paraître quelqu'un de normal.
Afficher en entierIl avait meublé son deux pièces - au prix, inévitablement, de certaines choses essentielles - avec un certain luxe, quoique approximatif. Il apportait un soin tout particulier aux sièges - des fauteuils profonds et moelleux -, aux rideaux et aux tapis. Il assurait avoir ainsi créé un intérieur "qui garantisse la dignité de son ennui".
Afficher en entierIl est des bateaux qui aborderont à bien des ports, mais aucun n'abordera à celui où la vie cesse de faire souffrir, et il n'est pas de quai où l'on puisse oublier.
Afficher en entierNous sommes qui nous ne sommes pas, la vie est brève et triste. Le bruit des vagues, la nuit, est celui de la nuit même; et combien l'ont entendu retentir au fond de leur âme, tel l'espoir qui se brise perpétuellement dans l'obscurité, avec un bruit sourd d'écume résonnant dans les profondeurs!
Combien de larmes pleurées par ceux qui obtenaient, combien de larmes perdues par ceux qui réussissaient ! Et tout cela, durant ma promenade au bord de la mer, est devenu pour moi le secret de la nuit et la confidence de l'abîme.
Que nous sommes nombreux à vivre, nombreux à nous leurrer! Quelles mers résonnent au fond de nous, dans cette nuit d'exister, sur ces plages que nous nous sentons être, et où déferle l'émotion en marées hautes !
Afficher en entierL'heure tombe, légère, vague de lumière qui cesse, mélancolie du soir inutile, nuée sans brouillard qui entre dans mon coeur. Elle tombe, légère et douce, pâleur indéfinie, transparence bleue de la fin du jour aquatique - légère, douce et triste sur la terre simple et froide. Elle tombe légère, en invisible cendre, monotone, douloureuse, d'un ennui sans torpeur.
Afficher en entierL'impossibilité d'agir a toujours été chez moi une maladie à l'étiologie métaphysique. Accomplir une action quelconque a toujours constitué, pour mon sens intime des choses, une perturbation, un dédoublement dans l'univers extérieur ; le simple fait de me mouvoir m'a toujours donné l'impression que cela ne pourrait laisser les étoiles intactes, ni les cieux inchangés
Afficher en entierJe reste toujours ébahi quand j'achève quelque chose. Ebahi et navré.Mon instinct de perfection devrait m'interdire d'achever ; il devrait même m'interdire de commencer. Mais voilà : je pèche par distraction, et j'agis. Et ce que j'obtiens est le résultat, en moi, non pas d'un acte de ma volonté, mais bien d'une défaillance de sa part. Je commence parce que je n'ai pas la force de penser; je termine parce que je n'ai pas le courage de m'interrompre. Ce livre est celui de ma lâcheté.
Afficher en entierQuelle angoisse quand je sens, quel malaise quand je pense, quelle inutilité quand je veux.
Afficher en entierL'amour agite et fatigue, l'action disperse et échoue, personne ne sait savoir, et penser ternit toute chose.
Afficher en entierIl me faut choisir entre deux attitudes détestées - ou bien le rêve que mon intelligence exècre, ou bien l'action, que ma sensibilité a en horreur ; ou l'action, pour laquelle je ne me sens pas né, ou le rêve, pour lequel personne n'est jamais né.
Il en résulte, comme je déteste l'un et l'autre, que je n'en choisis aucun, mais comme, dans certaines circonstances, il me faut bien ou rêver, ou agir, je mélange une chose avec l'autre.
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