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Misérable
Elle est assise sur son banc, avec les neufs autres détenus qui comparaissent ce jour-là devant la cour d'appel, prostrée, le regard vide et la bouche ouverte, son vêtement de pluie jaune vif trop grand pour elle boutonné jusqu’au cou, tâche de couleur dans l’océan de bleu des gendarmes des escortes, qui attire immédiatement le regard; elle est beaucoup trop frêle, beaucoup trop jeune, beaucoup trop “absente”, beaucoup trop menottée, on se dit d’emblée qu’elle ne devrait pas être ici.
L’avocat d’une autre affaire s’assied à côté de “son” gendarme de droite, sur les petits bancs de cette petite Cour, et lui fait un sourire auquel elle ne répond pas, le regardant sans comprendre, et comme sans le voir : il s’aperçoit de suite que cette fille, qui serait jolie si une lumière quelconque mettait son visage en mouvement, n’est pas “normale”, comme on dit… Mais, si c’est vrai, que fait-elle là ?
Cette présidente n’est pas réputée pour être tendre. Toutefois, quand cette jeune femme s’avance, minuscule entre ses deux gardes, son ciré jaune trop grand boutonné jusqu’en haut malgré la chaleur moite répandue dans la salle pleine, un pantalon bleu dégueulasse et trop large lui pendant de la taille, elle ne peut se retenir de la regarder approcher de la barre en fronçant les sourcils.
Elle attrape son dossier tandis qu’on la démenotte, et son visage s’éclaire : ça y est elle se souvient de quelle histoire il s’agit, et cette même présidente ne peut s’empêcher de dire aux deux autres juges, pas assez bas pour que je ne l’entende pas : “Tiens, ce dossier-là, tu vois, il faudrait que notre Ministre soit dans la salle …"
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