Commentaire de Ahlstrom

J'ai dans l'ensemble préféré ce dernier tome aux deux précédents, dans la mesure où il m'a paru mieux construit et plutôt bien écrit, mais la fin assez brouillonne a un peu refroidi mon enthousiasme, si bien que cette trilogie me laisse une impression d'inaboutie.

Par rapport aux tomes précédents, l'intrigue est bien plus claire : elle se concentre sur la guerre qui fond sur l'empire et sur les jeux de pouvoir à l'intérieur de celui-ci, avec l'enjeu du contrôle de la lune en toile de fond. Certaines trames plus secondaires, comme la vengeance des Tacsis sur Nona, passent en arrière-plan, au point d'être rapidement expédiées lorsqu'elles sont abordées. Si j'apprécie de moins voir ces intrigues secondaires, dont le fondement m'avait paru un peu bancal, il me semble que, compte tenu des événements du tome 2, se débarrasser aussi facilement des Tacsis était justement trop facile. Même si cela permet de se concentrer sur les deux lignes temporelles, qui sont bien séparées et facilement repérables, et de lier des éléments d'intrigue qui étaient trop parsemés dans les tomes précédents.

Du progrès, il y en a. Oui, mais voilà, la façon dont s'enchaînent les péripéties donne l'impression d'assister à une succession de deus ex machina, ou peut-être plutôt de Vitrage ex machina, car la mère abbesse a beau être absente de ce livre, c'est bien elle qui en contrôle les ficelles. L'auteur a voulu proposer du grandiose en faisant s'opposer l'héroïne et ses amies à des adversaires à la fois plus nombreux et plus forts. Forcément, pour s'en sortir, il fallait proposer quelque chose d'extraordinaire. Le résultat : une simple moniale est capable de venir à bout de dizaines d'ennemis au moins tout aussi forts qu'elle ; surhumaines, les héroïnes réussissent, malgré leurs blessures, à courir, se battre, résister au poison, porter des poids comme si de rien n'était ; le pouvoir des cœurs-de-nef permet finalement d'accomplir de véritables miracles, et ainsi de suite. Les lecteurs.rices n'auront finalement jamais vraiment l'occasion de mesurer la force réelle de ces adversaires pourtant incessamment décrits comme étant particulièrement puissants et effrayants, mais devront se contenter de faire confiance au narrateur et à ses personnages.

Des personnages avec lesquels, on le sent, l'auteur est un peu plus en confiance. Après être passée par une rage presque animale, Nona trouve enfin un équilibre entre ses instincts et son cœur. Elle se montre capable de résister à ses démons, de faire preuve de discernement et surtout, d'accepter ses propres défauts. Une belle évolution pour un personnage qui au départ se caractérisait par sa passivité face aux événements. Certains autres personnages ont également gagné en personnalité, tels que Bouilloire, Ruli ou encore Jula. Mais dans l'ensemble, la plupart des personnages a encore du mal à se distinguer les uns des autres : très peu de descriptions physiques, ou de traits de caractère permettent de les différencier. C'est un peu dommage.

En revanche, le personnage de Zole est vraiment intéressant. Ses motivations sont enfin révélées, de même que son idéal. Plus que le personnage en lui-même, c'est vraiment le concept qui fonctionne. De quoi porter avec brio toute une partie de l'intrigue.

Au final, j'ai vraiment l'impression que cette trilogie, sans être tout à fait mauvaise, aurait pu être largement meilleure, si l'intrigue et les personnages avaient été davantage approfondis et soignés.