Extraits

J'ai remarqué depuis que la plupart des femmes qui montent bien à cheval ont peu de tendresse. Comme aux Amazones, il leur manque une mamelle, et leurs cœurs sont endurcis en un certain endroit, je ne sais lequel.

En parcourant cette avenue, où je me retournais de moments en moments pour revoir madame de Mortsauf appuyée sur un arbre et entourée de ses enfants qui agitaient leurs mouchoirs, je surpris dans mon âme un mouvement d'orgueil de me savoir l'arbitre de deux destinées si belles, d'être la gloire à des titres si différents de deux femmes si supérieures, et d'avoir inspiré de si grandes passions que de chaque côté la mort arriverait si je leur manquais.

Elles s'étaient bien jugés toutes deux. La grandeur de l'attaque faite par Arabelle me révélait l'étendue de sa peur et sa secrète admiration pour sa rivale.

"Aucune femme, quelque grande moraliste qu'elle soit, ne peut être l'égale d'un homme. Marchez sur nous, tuez-nous, n'embarrassez jamais votre existence de nous. A nous de mourir, à vous de vivre grands et fiers. De vous à nous le poignard, de nous à vous l'amour et le pardon."

Il est des personnes que nous ensevelissons dans la terre, mais il en est de plus particulièrement chéries qui ont eu notre cœur pour linceul.

La morale a ses ruisseaux d'où les gens déshonorés essaient de faire jaillir sur les plus nobles personnes la boue dans laquelle ils se noient.

Les jeunes gens sont sans indulgence, parce qu'ils ne connaissent rien de la vie ni de ses difficultés. Le vieux critique est bon et doux, le jeune critique est implacable ; celui-ci ne sait rien, celui-là sait tout.

La douleur est infinie, la joie a des limites.

Soit une longue allée de forêt semblable à quelque nef de cathédrale, où les arbres sont des piliers, où leurs branches forment les arceaux de la voûte, au bout de laquelle une clairière lointaine aux jours mélangés d'ombres ou nuancés par les teintes rouges du couchant point à travers les feuilles et montre comme les vitraux coloriés d'un chœur plein d'oiseaux qui chantent.

Aucune puissance ne peut briser cette lourde chaîne à laquelle la femme tient par un anneau d'or, emblème de la pureté des épouses.