Extraits

«  -Ça va ? demanda-t-il. Tu as le teint un peu vert. Ne me dis pas que tu as le trac ?

-Un peu, répondit Cal. Je n’ai pas l’habitude qu’on me scrute. Enfin si, parfois on me regarde à cause de ma jambe, mais ce n’est jamais de l’admiration.

 -Pense à la scène finale dans Star Wars, quand la princesse Leia donne une médaille à Luke et à Han et que tout le monde applaudit.

Cal leva un sourcil.

 -Et qui est censé incarner la princesse Leia ? Maître Rufus ?

Maître Rufus était le professeur qui encadrait leur groupe d’apprentis au Magisterium, un homme bourru mais très sage.

 -Je suis sûr qu’il porte très bien le bikini doré, répliqua Aaron d’un ton solennel.»

« -Bienvenue dans votre Année de Bronze, dit maître Rufus en faisant les cent pas devant eux, son crâne chauve luisant au soleil. Vous n’êtes peut-être pas le groupe d’apprentis qui m’a causé le plus de problèmes, mais il s’en est fallu de peu. Essayons donc d’aborder cette année un peu différemment.

Étant donné que maître Rufus faisait référence au groupe d’apprentis dont avait fait partie capitaine Poisson en personne, ce n’étaient pas des paroles en l’air.

 -On nous a donné des médailles ! protesta Tamara.

Cette remarque lui valut un regard sévère de l’enseignant, mais elle poursuivit :

 -On est tout sauf des fauteurs de troubles.

Maître Rufus leva les sourcils.

 -Nous allons tout de même veiller à ce qu’aucun de vous ne soit kidnappé, n’adopte un animal porteur de chaos ou ne quitte l’école pour une raison ou pour une autre.

Là, personne ne trouva rien à redire. 

[...]

-Une dernière chose : en ce qui concerne l’espion du Magisterium, Tamara, je ne me rappelle pas t’en avoir parlé directement mais je suis sûr que Cal et Aaron t’ont déjà mise au courant. Tu as le droit de savoir, de toute façon. Mais j’insiste -j’insiste !- pour que vous n’essayiez pas d’attraper cet espion tout seuls. Laissez-nous régler le problème.

Comme personne ne répondait, maître Rufus fronça les sourcils.

 -Vous m avez compris ?

Cal hocha la tête.

 -Oui, répondit Aaron.

 -OK, dit Tamara.

C’était les réponses les moins convaincantes que Cal ait jamais entendues. »

« -Pour vous prouver que mes regrets sont sincères, je pourrais vous donner quelques tuyaux sur la façon de s’y prendre avec les nanas, proposa Jasper.

Cal, qui venait de se percher sur le bras du canapé, rit si fort qu’il tomba à la renverse. Il se cogna la jambe mais la douleur ne parvint pas à calmer son hilarité.

 -Ça va ? demanda Aaron en se penchant pour l’aider à se relever.

 -Oui ! hoqueta-t-il avant de repartir d’un éclat de rire. Oui, oui, ça va !

Jasper lui adressa un regard noir. Manifestement, Cal était incapable d’apprécier les sages conseils qu’il était sur le point de dispenser.

 -Premièrement, quand on s’adresse à une fille, il faut la regarder fixement, sans cligner des yeux. C’est très important. 

 -Mais les yeux se mettent à larmoyer, non ? objecta Aaron.

 -Pas si on s’y prend bien.

Cal se demanda ce qu’il entendait par là. Est-ce qu’on était censé se faire pousser une seconde paupière, comme les lézards ?

 -OK, donc quand une fille te plaît, tu la regardes dans les yeux, résuma-t-il.

 -Deuxièmement, poursuivit Jasper, il faut être d’accord avec tout ce qu’elle dit, et rire tout le temps.

 -Rire... de la fille ? s’enquit Tamara d’un ton dubitatif.

 -Rire parce qu’elle est super drôle. Les filles aiment penser qu’elles ont du charme. Troisièmement : la faire craquer.

 -Hein ? fit Aaron. Comment ça ?

Jasper se redressa, repoussa ses cheveux en arrière puis lui jeta un regard par en dessous.

 -On dirait un taré, commenta Cal.

Jasper plissa les yeux de plus belle puis ferma un œil tout en les regardant fixement de l’autre.

 -Et là on dirait un pirate, renchérit Tamara.

 -Ça marche sur Celia. Elle fond quand je fais ça.

 -Elle doit aimer les pirates, suggéra Aaron.

Jasper leva les yeux au ciel.

 -Quatrièmement, il faut avoir une bonne coupe de cheveux. Bon, c’est sans espoir pour vous deux.

 -Mes cheveux sont très bien ! s écria Aaron.

 -Les tiens, ça va encore. Mais on dirait que Cal a coupé les siens au silex.

 -Est-ce qu’il y a un cinquième conseil ? demanda Tamara.

 -Lui offrir un calendrier avec des chats. Les filles adorent les chats.

Carnage se mit à aboyer et Tamara éclata de rire en s’adossant au canapé. Cal l’avait rarement vue s’amuser autant.

 -Si elle se rend compte que tu penses à autre chose alors qu’elle te parle, ajouta Jasper, dis-lui que tu es distrait par sa beauté. Oh, et quoi qu’elle porte, il faut toujours dire que c’est ta couleur préférée. 

 -Elle ne va pas finir par s’apercevoir que tu en as plusieurs ? s’enquit Aaron.

Jasper haussa les épaules.

 -Non, je pense pas.

Les gloussements de Tamara se transformèrent en une crise de hoquet.

 -Jasper, dit-elle, fais-moi une faveur.

 -Oui ?

 -N’essaie jamais de me draguer. »

Dans ce nouvel ordre où les Makaris n'étaient plus indispensables, ils faisaient peur à tout le monde.

S'il parvenait à tenir Carnage à l'écart des bois et des tueurs d'animaux, si maître Joseph ne décidait pas de revenir, s'il n'y avait vraiment rien qui clochait avec son âme alors tout se passerait bien.

Il était Callum Hunt, élevé par Alastair Hunt, et il n'allait pas commettre les mêmes erreurs que Constantin Madden. Il n'était pas comme lui.

Cal sentit un poids peser sur ses épaules à mesure qu'ils s'enfonçaient dans les entrailles de la terre : la peur, une fois de plus, de ne pas savoir à qui il pouvait se fier.