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Gian Battista, qui avait quitté le Collège un an plus tôt, s’empressa d’accueillir Teodorico dans l’appartement qu’il louait, au dernier étage d’un vieux palais de la via del Tritone, à une jolie marquise. Carlo Caproli approuva, lui aussi, sa décision bien que les occasions de faire fortune grâce à la musique fussent beaucoup plus rares qu’au sein de l’Églis
Afficher en entierInstallés à l’ombre, au pied du Capitole, sur l’ancien forum, ils sirotaient du vin frais en dégustant des tranches de melon.
- Es-tu certain qu’ils vont venir ? demanda Teodorico.
- Certain. Tous les dimanches, c’est la même chose, répondit Gian Battista.
- De quoi s’agit-il exactement ?
- Tu le verras bientôt.
Afficher en entierCarlo Caproli était un des membres les plus prestigieux de la Congregazione di Santa Cecilia, la plus célèbre académie musicale de Rome. Il habitait le premier étage d’une vénérable demeure qui s’ouvrait sur le Campo dei Fiori. Dès ses premières leçons, Teodorico comprit que celles de l’abbé Columba n’avaient été que l’avant-goût d’un univers infini dont Caproli avait toutes les clefs. Traquant sans pitié fausses notes, erreurs d’harmonie, de tempo ou de solfège, il apprit à son élève les secrets du contrepoint, de la basse chiffrée, acheva de faire de lui un virtuose du clavecin et, lorsque Teodorico lui fit entendre ses premières aria, ne regretta pas de l’avoir pris pour disciple.
Afficher en entierCaproli examina plus attentivement le jeune homme qui venait de lui imposer son talent avec tant d’insolence. Il devait avoir une quinzaine d’années, mais avait déjà la taille d’un homme. Un visage racé, un regard effronté, noir comme l’orage, d’épais cheveux bruns qui lui donnaient l’allure d’un condottiere, habillé à la diable d’une tunique et d’une culotte de drap, les souliers crottés. Encore un provincial qui venait tenter sa chance. Mais celui-là n’était pas comme les autres.
Afficher en entierDe la terrasse du Temple des Nuages, Teodorico Pedrini contemplait le monde. Pékin était loin. Des écharpes de brume filaient à l’assaut des montagnes escarpées. Quelques arbres aux formes tourmentées s’accrochaient dans le vide. Il avait froid. Ses habits de mandarin dont il avait été si fier ne seraient bientôt plus que des loques. Leur soie ternie s’effilochait déjà. La soutane noire avec laquelle il avait débarqué en Chine, trente ans plus tôt, avait perdu, elle aussi, son lustre d’antan. Comme ses vêtements, sa gloire s’effacerait-elle du souvenir des hommes, sa destinée ne laissant pas plus de trace que celle d’un oiseau dans le ciel ?
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