Le Marquis et l'Ingénue

Davita avait rougi. Il ne pouvait s’agir que d’un compliment puisqu’elle ressemblait à sa mère, qui passait pour une véritable beauté. À chaque fois qu’elle regardait son portrait, suspendu au-dessus de la cheminée, Davita priait pour lui ressembler encore plus en grandissant. Elles avaient les mêmes cheveux couleur de feu. Non pas de ce vilain roux propre à tant d’Écossais, mais d’un roux profond, celui des premières feuilles d’automne qui semblent retenir le soleil. Et ses yeux, comme ceux de sa mère, étaient gris sous certaines lumières, verts sous d’autres, clairs et innocents comme l’onde d’une rivière. Cependant, la beauté de Davita était encore celle d’une enfant et, dans la douceur des courbes de son visage et de sa bouche, quelque chose évoquait irrésistiblement une fleur.

- Avec ces cheveux et ces yeux, tu devrais avoir tout d’une sirène, lui avait dit un jour son père. Alors qu’en fait tu as l’air d’une enfant fée oubliée parmi les champignons.

Davita n’avait pas réussi à consoler son père de la mort de sa femme et elle s’accusait d’être en partie responsable de ce que, désespéré par sa solitude, il se soit remarié au cours de son séjour à Londres.

Il lui avait d’abord paru inconcevable qu’il ait pu épouser une actrice du Gaiety. Mais après avoir fait la connaissance de Katie Kingston (c’était son nom pour la scène), et surmonté le choc de voir quelqu’un prendre la place de sa mère, elle s’était prise de sympathie pour Katie. La jeune femme était incontestablement séduisante malgré le mascara qui alourdissait ses cils et le rouge qui s’étalait sur ses lèvres et sur ses joues — ce qui en Écosse ne manquait pas de surprendre. Son rire et sa voix mélodieuse avaient le don d’illuminer la maison, comme le soleil passant à travers les nuages.