Sisters of Battle, Tome 2 : Le Marteau et l'Enclume

Le sable s’insinuait partout. Chaque creux de son plastron, chaque interstice entre ses vêtements, chaque pièce de son armure. Sur ce monde désolé, nettoyer quotidiennement son matériel était presque devenu une partie de leur rituel, un sacrement à accomplir en même temps que les autres rites prescrits par la Grande Chanoinesse. Dans les corridors et les chambres, dans les petits comme les grands espaces, le sable s’amoncelait en amas si l’on n’y prenait garde. Il semblait qu’aucun déflecteur, aucun champ électromagnétique ne soit assez efficace pour éloigner ce sable omniprésent.

Une fois, Sœur Elspeth avait dit en plaisantant que le sable était peut-être vivant, qu’il pourrait s’agir d’une sorte d’essaim d’animaux microscopiques à la recherche de chaleur et d’un peu d’ombre. Elspeth était morte maintenant, tuée juste après matines lorsque se produisit l’attaque. Le sable était devenu son tombeau, buvant avidement la vie qui s’écoulait de ses plaies ouvertes. Decima lui avait tenu la main comme la poussière orange pâle se transformait lentement en une boue écarlate.

Decima repensa à Elspeth tandis qu’elle progressait à grand-peine parmi les dunes, courbée en avant face au vent violent, ralentie par la poussière qui s’accumulait autour de ses chevilles tandis que les rafales menaçaient d’arracher le shemagh enroulé autour de son visage. Elspeth l’astucieuse, qui était si bonne au régicide et à tous les jeux de cartes, Elspeth la pieuse, qui marmonnait parfois des prières dans son sommeil. Mais elle n’était plus, tuée par un monstre tel qu’aucune sœur de bataille n’en avait connu.

Elle tressaillit, malgré la chaleur écrasante de la journée. La corde enroulée à son bras la tira en arrière, son fardeau refusant d’avancer, et Decima jeta un œil au container. Le fût de métal était gris et sale, et il laissait derrière lui une longue trace qui se perdait dans la tempête de sable et menait directement au couvent. Decima plissa les yeux et observa longuement cette trace.

À quelle distance se trouvait-elle, maintenant ? Une nouvelle fois, elle se maudit d’être partie avec une telle précipitation, sans prendre la peine d’emporter le casque de son armure énergétique de modèle Sabbat. Les lentilles à infrarouge et le système de vision de chasse lui auraient pourtant été très utiles.

Mais elle n’avait pas eu le temps. L’ordre qu’elle avait reçu ne souffrait aucun retard. Partez maintenant, avait dit la chanoinesse d’une voix dure et autoritaire. Prenez ceci et partez.

Decima voulait croire que l’officier avait vu en elle une étincelle de courage et l’avait récompensée en lui confiant une tâche aussi vitale, mais elle savait en son for intérieur que ce n’était pas le cas. Le rôle de gardienne lui était revenu pour la simple raison que personne d’autre n’était là. Elle n’avait aucun grade, n’avait guère accompli d’actions d’éclat et son chapelet n’avait que quelques perles. Son statut était sans doute fort prestigieux comparé aux masses anonymes des sujets de l’Imperium, mais Decima n’était qu’une sœur militante parmi d’autres, un simple soldat dans les Guerres de la Foi.

Elle se surprit à se demander si cette épreuve n’était pas une chance pour elle d’accéder à la grandeur, mais elle se reprocha immédiatement d’avoir eu l’audace de penser cela, car c’était vanité qu’imaginer de telles choses, et la vanité était un péché.

Son lot était d’obéir aux commandements de Celui qui Règne depuis le Trône d’Or, l’Empereur-Dieu de l’Humanité, dont la lumière illumine le firmament. Decima avait été introduite dans l’ordre alors qu’elle était encore une enfant, recrutée comme des millions d’autres orphelins par la Scholia Progenium pour servir les différents corps de la machine impériale, et comme eux, elle ne savait rien de la vie en dehors de son sacerdoce. Decima faisait partie des légions de l’Adepta Sororitas, l’armée vertueuse au service de la grande Église de l’humanité.