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Il était mieux préservé que les autres bâtiments de la vieille cité – à tel point que l'enveloppe de pierre n'était pas altérée et que seuls le mobilier et les tentures, délabrés depuis longtemps, avaient disparu. Mais la nature avait mis ses propres tentures, qui étaient affreuses. C'était un endroit lugubre, au mieux mystérieux, parmi les ombres hideuses rôdaient les formes obscènes de polypes monstrueux et d'étranges poissons difformes qui avaient l'air de créatures de cauchemar. Je me souviens de limaces de mer pourpres, énormes, rampant en grand nombre, et de gros poissons plats et noirs gisant comme des tapis au sol, avec de longs tentacules mouvants terminés par des flammes vibrantes. Nous devions marcher avec précaution car le bâtiment était rempli de créatures hideuses bien capables de se révéler aussi empoisonnées qu'elles en avaient l'air.
Afficher en entierUne grande créature remontait le tunnel de lumière que nous projetions dans les abysses. À l'endroit où il disparaissait dans les ténèbres de la fosse, nous distinguions les vagues écarts et les bonds d'un corps monstrueux effectuant une lente ascension. Avec des mouvements maladroits, la créature remontait vers le bord du gouffre en jetant de faibles lueurs. Maintenant qu'elle approchait, elle se trouvait dans notre rayon, et nous vîmes nettement sa forme affreuse. C'était une bête inconnue de la science, comportant pourtant des analogies avec plusieurs de celles que nous connaissions. Trop longue pour être un crabe géant, trop petite pour être un homard géant, ses formes se rapprochaient plutôt de la langouste, avec deux monstrueuses pinces tendues de chaque côté et une paire d'antennes longues de cinq mètres balançant devant des yeux noirs, ternes et maussades. La carapace, d'un jaune clair, faisait quelque trois mètres de largeur, et sa longueur totale, sans compter les antennes, n'était guère inférieure à neuf mètres.
Afficher en entierComme nous étions parvenus dans la région des poissons lumineux, nous nous amusâmes à éteindre nos lumières et, dans les ténèbres totales – ténèbres dans lesquelles on pourrait suspendre pendant une heure une plaque sensible sans trouver trace d'un rayon ultra-violet –, à observer l'activité phosphorescente de l'océan. De petits points de lumière se déplaçaient sur une sorte de rideau de velours noir avec la régularité d'un paquebot, la nuit, qui, de sa longue rangée de hublots, laisserait un trait de lumière. Une terrifiante créature biblique menaçait de ses dents lumineuses l'obscurité externe. Une autre avait de longues antennes dorées, une autre encore, un plumet de flammes sur la tête. Aussi loin que portait la vue, des points brillants luisaient dans le noir, chaque petit être vaquait à ses occupations, éclairant sa course aussi sûrement que le taxi de nuit, à l'heure des théâtres, sur le Strand.
Afficher en entierVoilà comment j’ai mis le nez dans notre mystère. Ensuite nous avons traversé une zone de vilain temps ; après quoi nous avons traîné quelques chaluts en eau profonde au nord-ouest du cap Juby, juste à côté de la côte ; nous avons lu des températures et enregistré des salinités. C’est assez sportif, ce dragage dans l’eau profonde avec un chalut qui ouvre une gueule de six mètres de large pour avaler tout ce qui se trouve sur son chemin. Parfois il plonge à quatre cents mètres et ramène tout un éventaire de poissonnerie. Parfois, à huit cents mètres de fond, il récolte un lot tout à fait différent ; chaque couche océanique possède ses propres habitants, aussi distincts que s’ils vivaient dans des continents différents. Il nous est arrivé de remonter une demi-tonne de gélatine rose, la matière brute de la vie. Il nous est arrivé aussi de ramener une épuisette de limon qui sous le microscope se divisait en millions de petites boules rétiformes séparées par de la boue amorphe. Je ne vous fatiguerai pas avec les brotulides et les macrurides, les ascidies et les holothuries, les polyzoaires et les échinodermes. Vous pensez bien que nous avons agi en moissonneurs diligents de la mer. Mais j’ai eu constamment l’impression que Maracot ne s’intéressait guère à ce travail, et qu’il avait d’autres plans dans sa momie de tête. J’aurais parié qu’il expérimentait ses hommes et son matériel avant de se lancer dans une entreprise d’envergure.
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