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Nous avons atteint Salt Lake City cet après-midi.
La ville des mormons. Il est impossible de s’imaginer, à l’approche de cette cité, qu’elle n’existe que depuis dix-huit ans. Nous sommes entrés dans la vallée par le sud. Pendant vingt-cinq kilomètres, progressant sur un plateau surélevé, nous avons pu la voir s’approcher, comme un immense damier de taches blanches sur fond vert, contrastant avec l’aride désert dont elle est entourée. Sur notre droite, de hauts massifs culminant à près de trois mille mètres forment un gigantesque mur protecteur. Sur notre gauche, le Grand Lac Salé, surplombé de ses deux îlots de montagnes, reflète l’azur d’un ciel sans nuages.
L’impression générale est agréable. Les rues, toutes numérotées en fonction de leur position par rapport au temple mormon, divisent la cité en d’identiques pâtés de quarante mètres de côté, le long desquels coulent de vifs torrents d’eau cristalline bordés de trottoirs généreusement plantés d’arbres.
Afficher en entierVoici douze jours que nous avons pris la route. Marie a assez mal supporté les longues étapes sur les chemins caillouteux de la Sierra Nevada. Nous venons d’atteindre la Eight-Mile-station. Nous y avons croisé une diligence en provenance de l’Utah. Ils nous ont annoncé la grande nouvelle : la guerre civile est terminée. Nous nous sommes tous mis à danser sur la piste. Nous étions une bonne dizaine au milieu du désert. Je pense que nous avons vidé autant de bouteilles de bourbon qu’il y avait de personnes présentes.
J’ai observé les voitures de l’Overland Stage Company, ils ne sont pas mieux lotis que nous, et de surcroît serrés par quatre sur des banquettes de trois. Tirés par leurs six chevaux, ils avancent bien sûr très vite, mais sans tenir compte des irrégularités de la route. Tous se plaignent de mal de dos, de torticolis, et de leurs postérieurs couverts de bleus.
Coincé entre deux Géorgiennes chiquant du tabac à longueur de journée, un passager italien m’a confessé qu’il n’avait jamais croisé créatures aussi immondes. Trouvant sa tournure très imagée, je me permets de la transcrire en ses termes : « Crachant et rotant dans des mouchoirs devenus marron foncé dont elles gardent les épaves gluantes sous leur robe, glissés entre leurs poitrines rutilantes dont s’échappe une puissante odeur de vomissure ». J’en déduis que nous sommes bien mieux lotis avec nos mulets et notre corbillard.
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