Le Nom de la bête

Londres, le 3 septembre 1999

Le téléphone sonna à 17 h 23. L’appel dura exactement sept secondes et l’on ne put déterminer sa provenance. Il y en avait déjà eu vingt-six ce jour-là, tous des canulars, mais ce dernier réussit à faire le vide, car l’homme avait utilisé un mot de code actuel de l’INLA, « Carryduff ». En outre, il connaissait la différence entre la police des transports britannique et son homologue du ministère de l’intérieur, et possédait le numéro de téléphone de la salle des opérations de la police des transports. De toute façon, il y avait déjà eu cette semaine deux attentats à l’explosif dans des gares. Il n’était pas question de courir le moindre risque.

La première bombe avait explosé lundi à Euston, tuant trois personnes et en blessant grièvement quarante-deux autres ; la seconde le mardi à Paddington, mutilant une femme policier occupée à faire dégager les lieux. Mercredi et jeudi, les alertes s’étaient multipliées, aussi bien à Londres qu’en province, mais la compagnie British Rail s’efforçait malgré tout d’assurer le transport des passagers. De toute façon, cette tâche était rendue impérative par l’état de délabrement croissant des autoroutes et la persistance d’un épais brouillard. Les spécialistes de la fausse alerte s’en donnaient à cœur joie, mais personne ne trouvait matière à rire.

Les appels précédant les attentats à Euston et Paddington avaient étonné les autorités car, si l’on avait utilisé des mots de code authentiques connus de la brigade antiterroriste de Scotland Yard, ces mots de code appartenaient à des organisations tout à fait différentes : le premier était utilisé par le FPLP, le Front populaire de libération de la Palestine, et le second par l’ASALA, un groupe de guérilla arménien créé à Beyrouth en 1975. Aucun d’entre eux n’avait de raisons de poser des bombes dans des lieux publics à Londres. Mais l’INLA, oui.