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Il y a deux réponses à cette question, comme à toutes les questions. Celle du savant et celle du poète. Laquelle veux-tu en premier ?
Le souffle coupé, Ellana s'assit. Elle ouvrit la bouche pour une question, l'inconnu la prit de vitesse. Il n'avait pas cessé de sourire.
- Je m'appelle Jilano Alhuïn et j'ai traversé la moitié de l'Empire pour te rencontrer.
- Je suis censée croire une telle absurdité ?
Ellana s'était tendue. L'émotion passée, elle était désormais contrariée de s'être laissé berner aussi facilement. Réponse du savant, réponse du poète... le hasard était surprenant, certes, mais n'importe qui pouvait parler ainsi. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle. [...] Elle s'apprêta à se lever.
- Je possède peu d'amis, mais j'ai en eux une confiance absolue. Sayanel Lyyant fait partie de ceux-là.
Jilano Alhuïn s'était exprimé d'une voix tranquille, comme s'il poursuivait une conversation engagée depuis longtemps. Ellana interrompit son mouvement.
- Vous connaissez Sayanel ?
- Depuis plus de vingt ans. Je l'ai croisé il y a quelques semaines et il m'a parlé de toi avec un tel enthousiasme que je n'ai eu de cesse de découvrir qui tu étais.
- Je... je...
- Il m'a aussi raconté que tu te posais beaucoup de questions et qu'il t'avait offert un indice pour t'aider à trouver des réponses.
Un indice. Ellana se rappelait parfaitement le dernier mot que lui avait confié Sayanel, comme elle se rappelait la sensation intense que ce simple mot avait déclenché en elle.
Marchombre
L'impression qu'une porte s'ouvrait sur une voie nouvelle. La voie qu'elle attendait depuis sa naissance.
Impression fugace. Sayanel parti, elle avait cru que la porte s'était refermée.
Il n'en était rien. La porte était restée entrebâillée. Jilano Alhuïn lui offrait-il la possibilité de la franchir ? Comme s'il lisait dans ses pensées, il hocha la tête.
- Sais-tu ce que sont les marchombres ?
- Non.
- Regarde.
Il tira un stylet de sa manche et, de sa pointe acérée, traça quelques mots dans le bois de la table. Elle se pencha pour les déchiffrer.
Élan de vie
Mots oubliés
Libre.
Ellana demeura immobile un long moment, son cœur battant à grands coups dans sa poitrine. La porte était béante. Six mots. Six flèches s'étaient fichés en elle comme si...
- Celui qui comprend la poésie des marchombres a accès à leur âme. Et peut à son tour arpenter la voie.
Il planta ses yeux de ciel danse regard noir d'Ellana.
- Sayanel aurait souhaité te prendre comme élève, mais il a déjà Nillem. De mon côté, j'avais juré de ne plus guider personne...
Un bref arrêt, le temps d'une respiration, puis un sourire, et il poursuivit :
- ... mais je ne peux ignorer la force qui émane de toi. La décision doit toutefois rester tienne.
Afficher en entierEst-ce raisonnable de s'attacher aux gens alors qu'à tout moment ils pouvaient vous être arrachés ?
Afficher en entier"Ne jamais dépendre de personne et ne laisser personne dépendre d'elle"
Une maxime qui avait guidé ses pas depuis presque deux ans.
Afficher en entierElle inspira profondément et se plaça en garde.
Lorsque les premiers hommes se jetèrent sur elle, elle était prête.
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La lune était haute lorsqu'elle rejoignit Jilano Alhuïn assis sur une marche dans la ruelle. Le marchombre hocha la tête avec gravité et se mit en route. Elle le suivit sans un mot.
Dans la taverne, au milieu d'un fouillis indescriptible de tables et de chaises fracassées, une vingtaine d'hommes s'assirent en gémissant. Plusieurs avaient des os cassés, quelques-uns saignaient, tous souffraient. Dans leur corps et, surtout, dans leur amour-propre.
Une légende était en train de naître.
Afficher en entierLe poignard planté jusqu'à la garde au milieu de la poitrine, le Raï poussa un grognement sourd et ne bougea plus. Déjà Isaya courait. Elle rejoignit Homaël qui combattait avec l'énergie du désespoir.
Elle ramassa une hache et, refusant de regarder les corps de leurs compagnons, se campa près de son mari. A eux deux, ils réussirent à repousser la horde raï.
Quelques secondes.
Le temps de s'étreindre une dernière fois.
D'échanger un ultime regard.
Puis les monstres se regroupèrent.
Fondirent sur eux.
Dans la cachette sous le chariot, une fillette ferma les yeux.
Très fort.
Afficher en entierN'oublie jamais, celui qui croit savoir n'apprend plus p197 LDP
Afficher en entierAvec la nuit, le désert avait changé d'apparence, gagnant en mystère ce qu'il perdait en somptuosité. Ellana avait le sentiment de se gorger de beauté. Elle avait lâché la main de Nillem mais le savait proche. Elle ne ressentait toujours pas de fatigue et avait perdu toute notion de la distance parcourue. Elle était profondément heureuse.
Afficher en entierEllana percevait d'heure en heure avec d'avantage d'acuité en quoi une formation de marchombre était essentielle pour survivre au désert.
Ecrasant de puissance, il réduisait en poussière ceux qui le défiaient.
Il fallait le comprendre, se fondre en lui, oublier les automatismes les plus courants pour en trouver d'autres, indispensables. Adopter une démarche glissée, accorder de l'importance au moindre geste, lire les lignes invisibles qui parcouraient le sable pour deviner le meilleur chemin qui n'était jamais le plus court.
Alors que sa compréhension s'affinait, Ellana en vint à oublier la chaleur et la soif pour s'ouvrir à la beauté du paysage qui l'entourait. Le galbe épuré des dunes l'émouvait, comme l'émouvaient la pureté de l'air, le silence ou les énigmatiques courbes tracées par le vent dans le sable.
Elle s'en ouvrit à Nillem à l'occasion d'une halte.
- J'ai changé d'avis, lui annonça-t-elle.
- A quel propos ?
- J'aime le sable.
Afficher en entierEn fin de repas, la formation des deux apprentis fut évoquée. Nillem, qui n'avait presque pas ouvert la bouche, sourit en entendant Jilano raconter l'épisode de la rivière.
- Ainsi tu as eu droit toi aussi aux séances de bain forcé ? s'exclama-t-il.
- Forcé et gelé, rétorqua Ellana en lui rendant son sourire.
- Et l'escalade des tours ?
- Uniquement la nuit quand il pleuvait. Sayanel t'a-t-il fait subir l'épreuve des dix serrures ?
- A ouvrir en dix secondes ? Tous les matins pendant trois mois ! Le lancer de couteau dans le noir ?
- Toutes les nuits depuis trois mois ! Et ...
Un raclement de gorge les interrompit. Sayanel et Jilano les regardaient, bras croisés, une lueur amusée dans les yeux.
- Seriez-vous en train de vous plaindre ? demanda Sayanel. Je dois vous avertir que de la part d'élèves en qui nous avons placé quelque espoir, ce serait malvenu !
Nillem rougit, mais Ellana ne se démonta pas.
- Nous ne nous plaignons pas. Nous comparons simplement nos expériences afin de juger l'originalité de nos professeurs. Je dois avouer que je suis un peu déçue !
Sayanel se tourna vers Jilano.
- Tu n'as pas réussi, n'est-ce pas ?
- A lui enseigner mesure et humilité ? Non. Sur ce plan-là, j'admets un échec complet.
Afficher en entierEllana la voie des marchombre ne t'apportera ni richesse ni consecration elle t'apportera en revanche un tresor que les homme ont oublies ta liberté
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