Ajouter un extrait
Liste des extraits
Ainsi parlait le Grand Grenouille et, déployant largement ses ailes, tandis qu'au-dessous de lui le petit peuple des parfums dansait et faisait joyeusement la fête, il se laissait descendre de son nuage d'or, parcourait le paysage nocturne de son âme et rentrait chez lui, dans son cœur.
Afficher en entierCar les Hommes pouvaient fermer les yeux devant la grandeur, devant l'horreur, devant la beauté, et ils pouvaient ne pas prêter l'oreille à des mélodies ou a des parole enjôleuses.Mais ils ne pouvaient se soustraire à l'odeur. Car l'odeur était sœur de la respiration. Elle pénétrait dans les Hommes en même temps que celle-ci; ils ne pouvaient se défendre d'elle, s'ils voulaient vivre. Et l'odeur pénétrait directement en eux jusqu'à leur cœur, et elle y décidait catégoriquement de l'inclinaison et du mépris, du dégoût et du désir, de l'amour et de la haine.Qui maîtrisait les odeurs maîtrisait le cœur des Hommes.
Afficher en entierMaintenant il sentait qu'elle était un être humain, il sentait la sueur de ses aisselles, le gras de ses cheveux, l'odeur de poisson de son sexe, et il les sentait avec délectation. Sa sueur fleurait aussi frais que le vent de mer, le sébum de sa chevelure aussi sucré que l'huile de noix, son sexe comme un bouquet de lis d'eau, sa peau comme les fleurs de l'abricotier... et l'alliance de toutes ces composantes donnait un parfum tellement riche, tellement équilibré, tellement enchanteur, que tout ce que Grenouille avait jusque-là senti en fait de parfums, toutes les constructions olfactives qu'il avait échafaudées par jeu en lui-même, tout cela se trouvait ravalé d'un coup à la pure insignifiance.
Afficher en entier"Il soupçonnait que ce n'était pas lui qui suivait le parfum, mais que c'était le parfum qui l'avait fait captif et l'attirait à présent vers lui, irrésistiblement. "
Afficher en entier«L’intention des parfums est de produire un effet enivrant et séduisant.»
Afficher en entierIl avait l'étrange prescience que ce parfum était la clé de l'ordre régissant tous les autres parfums et qu'on ne comprenait rien aux parfums si l'on ne comprenait pas celui-là ; et lui, Grenouille, allait gâcher sa vie s'il ne parvenait pas à le posséder. Il fallait qu'il l'aie, non pour le simple plaisir de posséder, mais pour assurer la tranquillité de son cœur.
Afficher en entierCe parfum n'était pas un parfum comme on en connaissait jusque-là. Ce n'était pas un parfum qui vous donne une meilleure odeur, pas un sent-bon, pas un produit de toilette. C'était une chose entièrement nouvelle, capable de créer par elle-même tout un univers, un univers luxuriant et enchanté, et l'on oubliait d'un coup tout ce que le monde alentour avait de dégoûtant, et l'on se sentait si riche, si bien, si libre, si bon...
Afficher en entier« Grenouille ne voulait plus aller nulle part, il ne voulait plus que fuir, fuir loin des hommes. »
Afficher en entierDans tout art, et aussi dans tout métier, le talent n'est presque rien, et l'expérience est tout, que l'on acquiert à force de modestie et de travail.
Afficher en entierCette double cure de décontamination et de revitalisation dura cinq jours. Le marquis fit alors arrêter les ventilateurs et amener Grenouille dans une buanderie où on le laissa tremper plusieurs heures dans des bains d’eau de pluie tiède, pour le laver enfin des pieds à la tête avec du savon d’huile de noix provenant de la ville andine de Potosi. On lui coupa les ongles des mains et des pieds, on lui nettoya les dents avec de la craie des Dolomites en poudre fine, on le rasa, on lui tailla et démêla les cheveux, qui furent coiffés et poudrés. On fit venir un tailleur, un bottier, et Grenouille se retrouva avec une chemise de soie, jabot blanc et dentelle aux manchettes, avec des bas de soie, avec une redingote, une culotte et une veste en velours bleu, et avec de jolis escarpins de cuir noir, dont le droit dissimulait habilement son pied estropié. De sa blanche main, le marquis farda au talc le visage couturé de Grenouille, lui mit du carmin sur les lèvres et les pommettes et, à l’aide d’un crayon gras en charbon de bois de tilleul, donna à ses sourcils une courbe véritablement distinguée. Puis il le vaporisa avec son parfum personnel, une eau de violette assez rudimentaire, recula de quelques pas et eut besoin d’un long moment avant de trouver les mots qui exprimassent son ravissement
Afficher en entier