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Extrait ajouté par Laully 2019-03-22T20:20:18+01:00

Quand, ayant fini de prendre leur repas, les cannibales se retrouvèrent autour du feu, personne ne prononça un mot.

L'un ou l'autre éructait un peu, recrachait un petit bout d'os, faisait discrètement claquer sa langue, poussait d'un petit coup de pied dans les flammes un minuscule lambeau qui restait de l'habit bleu.

Ils étaient tous un peu gênés et n'osaient pas se regarder. Un meurtre ou quelque crime ignoble, ils en avaient tous au moins déjà un sur la conscience, hommes et femmes.

Mais manger un homme? Jamais de leur vie ils n'auraient pensé être capables d'une chose aussi affreuse. Et ils s'étonnaient d'avoir tout de même fait ça aussi facilement et de ne pas éprouver, cette gêne mise à part, la moindre trace de mauvaise conscience.

Au contraire ! Ils avaient bien l'estomac un peu lourd, mais le cœur était tout à fait léger. Dans leurs âmes ténébreuses, il y avait soudain une palpitation d'allégresse. Et sur leurs visages flottait une virginale et délicate lueur de bonheur. Sans doute était-ce pour cela qu'ils craignaient de lever les yeux et de se regarder en face.

Mais lorsqu'ils s'y risquèrent ensuite, d'abord à la dérobée, puis tout à fait franchement, ils ne purent s'empêcher de sourire. Ils étaient extraordinairement fiers.

Pour la première fois, ils avaient fait quelque chose par amour.

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Extrait ajouté par wizbiz06 2012-04-26T21:00:37+02:00

Cette double cure de décontamination et de revitalisation dura cinq jours. Le marquis fit alors arrêter les ventilateurs et amener Grenouille dans une buanderie où on le laissa tremper plusieurs heures dans des bains d’eau de pluie tiède, pour le laver enfin des pieds à la tête avec du savon d’huile de noix provenant de la ville andine de Potosi. On lui coupa les ongles des mains et des pieds, on lui nettoya les dents avec de la craie des Dolomites en poudre fine, on le rasa, on lui tailla et démêla les cheveux, qui furent coiffés et poudrés. On fit venir un tailleur, un bottier, et Grenouille se retrouva avec une chemise de soie, jabot blanc et dentelle aux manchettes, avec des bas de soie, avec une redingote, une culotte et une veste en velours bleu, et avec de jolis escarpins de cuir noir, dont le droit dissimulait habilement son pied estropié. De sa blanche main, le marquis farda au talc le visage couturé de Grenouille, lui mit du carmin sur les lèvres et les pommettes et, à l’aide d’un crayon gras en charbon de bois de tilleul, donna à ses sourcils une courbe véritablement distinguée. Puis il le vaporisa avec son parfum personnel, une eau de violette assez rudimentaire, recula de quelques pas et eut besoin d’un long moment avant de trouver les mots qui exprimassent son ravissement

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Extrait ajouté par wizbiz06 2012-04-26T21:00:17+02:00

Cette posture extrêmement ridicule, il la conserva plusieurs heures durant, tandis que sa peau blanchâtre, déshabituée de la lumière, rougissait comme une langouste, bien que le soleil fut encore faible. Vers le soir, il redescendit à la caverne. De loin, il aperçu le tas de vêtements. Sur les derniers mètres, il se boucha le nez, et ne le relâcha qu’après s’être penché pour le mettre au ras des vêtements. Il procéda à l’essai olfactif comme Baldini le lui avait enseigné, aspirant une grande bouffée et l’expirant ensuite par saccades. Pour capter l’odeur, il fit de ses deux mains une cloche au-dessus du tas, puis y fourra son nez en guise de battant. Il fit tout ce qu’il était possible de faire pour flairer sa propre odeur sur ses vêtements. Mais l’odeur n’y était pas. Elle n’y était décidément pas. Il y avait là mille autres odeurs. L’odeur de pierre, de sable, de mousse, de résine, de sang de corbeau... même l’odeur du saucisson qu’il avait acheté voilà des années près de Sully y était encore nettement perceptible. Les vêtements recelaient un journal olfactif des sept ou huit dernières années. Il n’y avait qu’une odeur qu’ils ne contenaient pas, c’était l’odeur de celui qui les avait portés sans cesse pendant tout ce temps

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Extrait ajouté par wizbiz06 2012-04-26T21:00:09+02:00

Il s’adossait à l’éboulis,. étendait ses jambes et attendait. Il lui fallait alors maintenir son corps tout à fait immobile, aussi immobile qu’un récipient qui risque de déborder parce qu’on l’a trop remué. Peu à peu, il réussissait à maîtriser sa respiration. Son cœur excité battait plus calmement, le ressac intérieur s’apaisait progressivement. Et la solitude recouvrait soudain son âme comme un miroir noir. Il fermait les yeux. La porte sombre de son royaume intérieur s’ouvrait, il la passait. Pouvait alors débuter la représentation suivante du théâtre intérieur de Grenouille

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Extrait ajouté par x-Key 2010-11-19T20:07:54+01:00

Le temps passant, il ne devint pas particulièrement grand, ni fort; il était laid, certes, mais pas laid à faire peur inévitablement. Il n'était pas agressif, pas fuyant, pas sournois, il ne provoquait personne. Il se tenait volontiers à l'écart. Son intelligence, elle aussi, ne paraissait rien moins que redoutable. Ce n'est qu'à trois ans qu'il se tint sur ses jambes, à quatre qu'il prononça son premier mot.

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Extrait ajouté par x-Key 2010-11-19T20:07:54+01:00

«Pour se servir de sa raison, on a besoin de sécurité et de quiétude.»

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Extrait ajouté par x-Key 2010-11-19T20:07:54+01:00

" Il y a une évidence du parfum qui est plus convaincante que les mots, que l'apparence visuelle, que le sentiment et que la volonté. L'évidence du parfum possède une conviction irrésistible, elle pénètre en nous comme dans nos poumons l'air que nous respirons, elle nous emplit, nous remplit complètement, il n'y a pas moyen de se défendre contre elle."

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Extrait ajouté par x-Key 2010-11-19T20:07:54+01:00

Et plus tard, quand il apprit par des récits combien la mer était grande et qu'on pouvait voyager dessus pendant des jours sur des bateaux, sans voir la terre, rien ne le séduisit tant que de s'imaginer sur l'un de ces bateaux, perché à la cime du mât de misaine et voguant à travers l'odeur infinie de la mer, qui de fait n'était nullement une odeur, mais un souffle, une expiration, la fin de toutes les odeurs, et dans ce souffle il rêvait de se dissoudre de plaisir.

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Extrait ajouté par x-Key 2010-11-19T20:07:53+01:00

Être soi-même un gros alambic qui inonderait le monde des parfums qu'il aurait crées seul, tel était le rêve fou auquel s'abandonnait Grenouille.

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Extrait ajouté par NOELL18 2025-02-12T08:19:50+01:00

Il s'appretait déjà à tourner le dos à cet ennuyeux spectacle pour rentrer

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