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Extrait long: partie 2; chapite 32; pages 173-174
Oui, il faudrait qu'ils l'aiment, lorsqu'ils seraient sous le charme de son parfum; non seulement qu'ils l'acceptent comme l'un des leurs, mais qu'ils l'aiment jusqu'à la folie, jusqu'au sacrifice de soi, qu'ils frémissent de ravissement, qu'ils crient, qu'ils pleurent de volupté, sans savoir pourquoi, il faudrait qu'ils tombent à genoux comme à l'odeur de l'encens froid de Dieu, dés qu'ils le sentiraient, lui, Grenouille! Il entendait être le Dieu tout-puissant du parfum, comme il l'avait été dans ses rêveries, mais que cette toute-puissance s'exerce dorénavant dans le monde réel et sur des êtres humains réels. Et il savait que cela était en son pouvoir. Car les hommes pouvaient fermer les yeux devant la beauté, et ils pouvaient ne pas prêter l'oreille à des mélodies ou à des paroles enjôleuses. Mais ils ne pouvaient se soustraire à l'odeur. Car l'odeur était sueur de la respiration. Elle pénétrait dans les hommes en même temps que celle_ci; ils ne pouvaient se défendre d'elle, s'ils voulaient vivre. Et l'odeur pénétrait directement en eux jusqu'à leur coeur, et elle y décidait catégoriquement de l'inclination et du mépris, du dégout et du désir, de l'amour et de la haine. Qui maîtrisait les odeurs maîtrisait le coeur des hommes.
Grenouille était tout à fait détendu, sur son banc de la cathédrale Saint-Pierre, il souriait. Il n'était pas euphorique, en forgeant le projet de dominer les hommes. Il n'y avait nul éclair de folie dans ses yeux, ni grimace démente sur son visage. Il n'était pas dans un état second. Il était si lucide et si serein qu'il se demanda pourquoi il voulait cela, au fond. Et il se dit qu'il le voulait parce qu'il était foncièrement méchant. Sur quoi il sourit, très content. Il avait l'air tout à fait innocent, comme n'importe quel homme qui est heureux.
Un moment, il resta là assis, dans le calme du recueillement, aspirant à grands traits l'air saturé d'encens. Et de nouveau un sourire amusé flotta sur son visage: que ce Dieu avait donc une odeur pitoyable!Qu'il était donc ridiculement mauvais, le parfum qui répandait autour de lui ce Dieu. Ce n'était même pas de l'authentique encens, qui funaillait dans ces casseroles. C'était un mauvais ersatz à base de bois de tilleul, de poudre de cannelle et de salpêtre. Dieu puait. Ce pauvre petit Dieu était puant. On l'escroquait, ce Dieu, ou bien il était lui-même un escroc, tout comme Grenouille-seulement bien plus mauvais!
Afficher en entier"Qui maîtrisait les odeurs maîtrisait le coeur des hommes"
Afficher en entierMême la nuit, il y avait des hommes. Même dans les régions les plus reculées, il y avait des hommes. Ils s'étaient seulement retranchés dans leurs trous de rats pour y dormir. La terre n'était pas débarrassée d'eux, car même dans leur sommeil ils la salissaient par leur odeur, qui filtrait par les fenêtres de leurs logis, envahissant l'air libre et empestant une nature qu'ils n'avaient abandonnée qu'en apparence.
Afficher en entierL'instinct de chasse le prit. Il avait à sa disposition la plus grande réserve d'odeurs du monde : la ville de Paris.
Afficher en entierle roi lui-même puait, il puait comme un fauve, et la reine comme une vieille chèvre, été comme hiver.
Afficher en entierQuand Grenouille se montra à la fenêtre, les hurlements cessèrent. Il se fit d'un seul coup un silence aussi complet qu'un jour d'été brûlant, à l'heure de midi, quand tout le monde est aux champs ou bien se tapit dans l'ombre des maisons. Personne ne bougeait pied ni patte, ne se raclait la gorge, ne respirait. La foule resta ainsi pendant plusieurs minutes, bouche bée et l’œil rond. Personne n'arrivait à croire que ce petit bonhomme fluet et tassé sur lui-même, là-haut, à la fenêtre, ce vermisseau, ce petit tas de misère, ce rien du tout, fût censé avoir commis plus de deux douzaines de meurtres. Il n'avait tout simplement pas l'air d'un meurtrier.
Afficher en entier"L'odeur d'un cheval écumant de sueur avait pour lui autant de prix que le délicat parfum vert de boutons de roses qui se gonflent, la puanteur âcre d'une punaise ne valait pas moins que les effluves d'un rôti de veau farcit, embaumant depuis les cuisines de quelque notable. Tout, il dévorait tout, il absorbait tout. Même dans la cuisine olfactive de son imagination créatrice et synthétisante, où il composait sans cesse de nouvelles combinaisons odorantes, aucun principe esthétique ne prévalait encore. C'était des bizarreries, qu'il créait pour les démonter aussitôt, comme un enfant qui joue avec des cubes, inventif et destructeur et apparemment sans principe créateur."
Afficher en entier"L'exécuteur des hautes oeuvres, M.Papon, n'ayant eu à rompre les membres d'aucun criminel depuis bien des années, se fit forger une lourde barre de fer à section carrée et se rendit à l'abattoir pour s'entraîner sur des cadavres d'animaux.
Il n'avait le droit que de porter douze coups, et devait briser à coup sûr les douzes articulations, sans endommager les parties nobles du corps, comme le torse ou la tête: tâche difficile, qui exigeait une grande finesse d'exécution."
Afficher en entier"Qu'il était donc ridiculement mauvais, le parfum que répandait autour de lui ce Dieu. Ce n'était même pas de l'authentique encens, qui fumaillait dans ces casseroles. C'était un mauvais ersatz à la base de bois de tilleul, de poudre de cannelle et de salpêtre. Dieu puait. Ce pauvre petit Dieu était puant. On l'escroquait, ce Dieu, ou bien il était lui-même un escroc, tout comme Grenouille - seulement bien plus mauvais!"
Afficher en entier"Grenouille était tout à fait détendu, sur son banc de la cathédrale Saint-Pierre, il souriait. Il n'était pas euphorique, en forgeant le projet de dominer les hommes. Il n'y avait nul éclair de folie dans ses yeux, ni grimace démente sur son visage. Il n'était pas dans un état second. Il était si lucide et si serein qu'il se demanda pourquoi il voulait cela, au fond. Et il se dit qu'il le voulait parce qu'il était foncièrement méchant. Sur quoi il sourit, très content. Il avait l'air tout à fait innocent, comme n'importe quel homme qui est heureux."
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