Extraits

- Non, impossible, insista le capitaine en grimaçant. Sa présence m'empêcherait de me concentrer.

- Après les neuf mois que nous venons de passer ensemble, permets-moi de te dire que c'est plutôt en son absence que tu te montres distrait.

Et si je n'ai de cesse de te répéter que je veux que tu deviennes mienne, c'est uniquement parce que je t'appartiens déjà tout entier.

Dans 812 jours tu honoreras ta promesse de m'épouser. Tu es, je le sais, la plus têtue de nous deux, mais dans ce cas précis, je ne tolérerai aucune négociation. Rien n'est plus nécessaire à ma survie, comprends-le. Et si je n'ai de cesse de te répéter que je veux que tu deviennes mienne, c'est uniquement parce que je t'appartiens déjà tout entier.

- La barbe te va bien, même si je vais avoir besoin d'un peu de temps pour m'y habituer.

Sage retira sa main de l'épaule du jeune homme pour lui caresser la joue. L'espace d'un instant, il sembla confus, puis il pouffa de rire.

- Tu ne vas pas le croire mais je l'avais oubliée. Ça m'a simplifié la vie ces derniers mois. Sans oublier que ça m'a tenu chaud en hiver. Tu aimes bien ? finit-il par demander, guettant la réaction de sa fiancée.

- Je ne sais pas encore, répondit-elle avec une moue. Tu es plutôt séduisant avec, seulement comme dans tous mes souvenirs tu es rasé de près, j'ai été prise de court. Et puis, je dois avouer que'elle m'irrite un peu le menton.

- Dans ce cas, je remédie à ce problème dès demain.

- Laisse-moi juste quelques jours pour m'y habituer...

- Rien ne me séparera de ma bien-aimée, dit-il en secouant la tête, et surtout rien qui pourrait l'inciter à éviter mes baisers. De toute façon, rien ne m'empêche de la laisser repousser plus tard.

Le capitaine s'effleura distraitement le visage, là où les mains de la jeune fille s'étaient posées.

Alex enfouit son nez dans la chevelure de la jeune fille.

— Mon amour, je t’assure que je ne connais personne de plus courageux et déterminé que toi, répondit-il avant de déposer un baiser sur sa tête.

C’était l’un des plus beaux compliments qu’il lui avait faits. Pourtant, Sage n’était pas certaine d’être dotée d’assez de courage pour combattre sur un champ de bataille.

"— Quelle est sa faiblesse à lui, Cass ? Est-ce que c’est moi ? demanda-t-elle soudain, les yeux rivés sur le dos d’Alex.

— Vous êtes ce qui lui apporte le plus de force, répondit le jeune homme avec un sourire triste. Mais vous êtes aussi sa plus grande faiblesse, oui."

Sage marchait vers la bibliothèque royale quand Alex apparut soudain derrière elle. Il passa un bras autour de sa taille pour la soulever et la fit tournoyer dans les airs. Puis, le regard pétillant, il l’attira dans une alcôve, à l’abri des regards. Ils y échangèrent un baiser furtif qui raviva en elle la flamme allumée la veille.

— Je connais enfin ma nouvelle affectation, murmura-t-il d’un ton joyeux.

— On dirait bien que la nouvelle te plaît… lança Sage, peu à peu gagnée par la joie du jeune homme. Se pourrait-il que tu restes ici ?

Le sourire de son fiancé se dissipa.

— Non, pas vraiment…

Dans la journée, ton rire me manque. Ton humour et tes sourires aussi, de même que ton esprit vif. Le soir, c'est à tes baisers, tes soupirs et ton attention que je pense davantage. Et certaines nuits, je reste éveillé, consumé par l'idée qu'un jour, je pourrai t'aimer tout entière. Ces moments-là, je suis submergé de désir pour toi. Et alors, des heures peuvent s'écouler pendant que je songe au goût de tes lèvres, au parfum de ta chevelure et à la douceur de ta peau.

Les aiguilles à tricoter ne constituaient pas des armes très efficaces, mais elles convenaient toujours mieux pour s’exercer à l’escrime que les plumes de calligraphie. Sage s’élança vers son élève. La princesse para sans mal l’attaque mais se figea avant d’achever son mouvement.

— Attention ! l’avertit sa préceptrice en reculant d’un pas. Vous devez me forcer à baisser mon épée pour pouvoir vous approcher. Réessayez !

— S’il vous plaît ! s’exclama Carinthia depuis l’autre bout de la salle de classe. Je n’arrive pas à me concentrer avec les cliquetis de vos combats en bruit de fond.

Rose baissa son arme de fortune et leva les yeux au ciel, mais Sage, d’un signe, lui intima de se taire.

— Pardon, Cara. Combien de problèmes vous reste-t-il à résoudre ?

— Cinq.

— Vous en avez assez fait pour aujourd’hui. Vous pouvez partir.

La jeune princesse de onze ans disparut en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.

— Je peux corriger ses exercices à votre place, si vous le souhaitez… proposa Rose.

Sage refusa poliment la proposition. Si la sœur de Carinthia maîtrisait l’arithmétique, elle était surtout prête à tout pour se dérober aux travaux d’aiguilles.

La préceptrice parcourut la feuille laissée par son élève. Douze des quinze problèmes étaient justes. La fillette avait beaucoup progressé en neuf mois.

— Allez-vous vous entraîner cette après-midi ? lui demanda Rose sur un ton nonchalant, sans cesser de faire tourner son aiguille à tricoter entre ses doigts.

Sage, qui y avait pensé toute la matinée, essaya de ne rien laisser paraître.

— Oui, une série de combats est organisée aujourd’hui. D’après Maître Reed, je suis prête.

Après avoir vérifié d’un coup d’œil que la pièce était en ordre, la préceptrice tendit à son élève l’aiguille qu’elle avait gardée en main.

— Tenez, elle pourrait vous faire défaut.

La princesse s’empara de la tige métallique avec une grimace et se rendit dans la pièce adjacente, Sage sur les talons.

A la lueur sombre qu’elle décela dans les yeux de Lani, Sage devina que la princesse préparait minutieusement une revanche à la hauteur de la trahison qu’elle venait de subir (page 471).