Extraits

Parfois, il regrettait d’avoir laissé Lasse le connaître aussi bien. Souffrir était déjà difficile, mais savoir que l’ami assis tout contre lui savait la profondeur de sa peine ne l’adoucissait pas. Au contraire ! D’une certaine manière, son chagrin n’en était que plus intense.

– Es-tu un homme ou un petit garçon ? Car tes paroles sont celles d’un enfant qui en menace un autre, avant de l’empoigner et de rouler dans la poussière, comme si ça pouvait prouver qui a raison et qui a tort. Sommes-nous une de ces tribus de la forêt, où les hommes se tuent entre eux ou finissent estropiés après les bagarres ? Non ! Nous sommes du peuple des rennes. Les nôtres ne s’entretuent pas !

- Allume le feu ! ordonna-t-elle d'une voix qui secoua la tente. Tout de suite !

- Je ne peux pas. Je ne sais pas. Je veux ma pierre !

Il y avait de la peur dans sa voix, en plus du défi. A un autre moment, la colère de Tillu aurait fondu. Mais elle avait froid, faim, et elle en avait assez de servir de tuteur à son fils.

[...]

- Ramasse-les ! Tout de suite, Kerleu ! Tu les ramasses et tu essaies ! Tu crois que je serai toujours là pour te faire le feu et la cuisine ? Et si je m'étais perdue, aujourd'hui ? Si un ours m'avait tuée ? Si j'étais tombée et que j'avais une jambe cassée ? Tu resterais assis dans cette tente à gémir : "Je ne peux pas !" jusqu'à ce que tu meurs de froid ou de faim ? Hein ?