Extraits

On ne voyage pas pour se garnir d'exotisme et d'anecdotes comme un sapin de Noël, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu'on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels.

Peut-être cette allégresse originelle que nous avons connue, perdue, retrouvée, par instants, mais toujours cherchée à tâtons dans le colin-maillard de nos vies.

C'est sans doute cet appétit de chagrin qui fait la jeunesse parce que tout d'un coup je me sentais bien vieux et perdu dans l'énorme beauté de cette plage, pauvre petit lettreux baisé par les Tropiques.

Cette observation toujours à cheval entre le réel et l'occulte me tue.

L'Aubergiste aurait-il raison lorsqu'il me dit que même en écarquillant les yeux je traverse la vie comme un aveugle.

Le désespoir c'est tout de même mieux que rien du tout, c'est palpable et tenace, plus que la joie qui ne dure jamais plus qu'on en peut supporter.

Le chagrin des autres est une distraction qui n'a jamais rien coûté.

Il faut bien trouver un nom pour les coups bas et trahisons que la vie nous réserve, donner en somme une forme à son malheur.

Personne en tous cas, dans ces catacombes d'argile, ne choisit son destin.

Ici comme partout, les élans du cœur ne vont pas sans danger. La nuit est maintenant faite, la pluie a cessé, la terre est ameublie, on peut risquer l'opération.