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Sandro n'avait pas mis les pieds à la gendarmerie de Crest depuis deux ans, au bas mot, lors de la nomination de son camarade au grade d'adjudant. Ça restait un excellent souvenir de fiesta. Francis est ce que l'on nomme couramment un bon vivant qui sait recevoir quand il invite.
Par conséquent, ce sera l'occasion de revoir aussi sa femme, Irène. Sandro se gare sur le parking et rejoint l'entrée principale. Il est accueilli chaleureusement par les gars qui évoquent avec lui les bons moments vécus autour de Francis. Celui-ci arrive, à cause du bruit provenant de l'accueil. Râblé, les cheveux coupés en brosse, il arbore son galon avec fierté, ainsi que l’écusson de la région. Ses lèvres charnues se fendent en un large sourire de bienvenue. Après quelques plaisanteries avec ses camarades, il attire Sandro dans son bureau, satisfait de le garder pour lui tout seul.
« Alors, bandit, qu'est-ce qui t'a délogé de ta contrée ? le taquine-t-il tout en lui rappelant tout de même qu'il n'a pas donné signe de vie depuis des lustres.
- Le plaisir de te voir !
- Je vais te croire, tiens ! Ça va par chez toi ? demande Francis en désignant la chaise plaquée contre un mur.
Sandro y prend place.
- Faut pas se plaindre ! La routine en ce moment. Rien de bien fracassant, mais on attend l'arrivée des fêtes de Noël avec une certaine appréhension.
- Tu as raison, l'abus d'alcool mêlé à un taux d'angoisse important entraînent souvent leurs lots d'interventions, d'agressions en tous genres. C’est la routine, en effet.
- Comme tu dis.
- En tout cas, ce ne sera pas pire que la nuit où je me suis fait tirer dessus, lors d'une interpellation, quand j'étais encore en poste à Valence, rappelle Francis, le visage éclairé par le plaisir du souvenir de cette grosse montée d'adrénaline.
- Oui, je me souviens, le petit gars roulait en scooter, sans casque, quand la voiture de patrouille l'a croisé. Et, au moment de lui demander ses papiers, il a sorti un fusil à pompe et a tiré.
- Heureusement qu'il visait comme un plouc, sinon je me prenais un beau pruneau dans le buffet. La balle a juste égratigné la manche de ma tenue. Mon équipier a super bien réagi, il l'a désarmé illico-presto et on a découvert qu'il cumulait les infractions. Le scooter avait été volé une heure auparavant, à Fontbarlette.
- Il faisait partie de la bande à Sabattier, accusée de braquages et de car jacking en solo ? se remémore Sandro.
- On n'a jamais réussi à le prouver. Les indices n'étaient pas assez solides. On n'a pas pu le faire tomber en même temps que Sabattier et ses six co-accusés. Il n'a pris qu'un an avec sursis ! râle Francis, en tapotant de la main l'endroit de la cicatrice due à l'impact de la balle...
- Sales moments ! concède Sandro.
- Eh dis, ce soir, tu manges à la maison, hein ? Tu joues pas les types qui partent comme des voleurs quand ils ont trouvé ce qu'ils cherchent !
- Promis, j'ai même pris des chocolats Valrhona pour ta femme. Tu vois que t'es pris en flagrant délit de mauvais traitement sur officier !
- Ok, j'avoue ! Mais ne me fais pas croire quand même que tu ne t'es déplacé que pour mes beaux yeux ou le vague à l'âme de nos vieux souvenirs. On me la fait pas à moi, oh !
Sandro et Francis se tapent dans les mains, réempruntant le chemin rassurant de leur ancienne connivence.
- Je ne te ferai pas cet affront. En effet, j'ai besoin de toi.
- J'en étais sûr, raille l'adjudant, la mine rosie de plaisir.
Sandro apprécie cet homme qui possède une réelle capacité de générosité, non feinte. À plusieurs occasions, il eut recours à son aide inconditionnelle. Le sous-officier mettrait tout en œuvre pour le seconder dans sa mission.
- Que t'arrive-t-il ? demande Francis, se croisant les bras, attentif.
- Je voudrais que tu voies si, dans vos archives de 1974, se trouve un dossier au nom de Renata Amorie.
- Affaire classée ou pas ?
- Je crois qu'elle a été classée, à l'époque.
- En quoi une histoire vieille de trente-huit ans t'intéresse-t-elle tout à coup ?
- Dans une certaine mesure, ça touche un peu la famille d'Anita. Du coup, j'aimerais bien comprendre ce qu'il s'est passé à l'époque.
- Ah bon ! Et de quoi s'agit-il ?
- D'une soirée d'anniversaire qui aurait mal tourné. D'après les dires du frère de la victime, l'enquête aurait conclu à un accident...
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