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"Tous les crève-coeurs de l'enfance sont des douleurs saignantes qui se referment et laissent des cicatrices. La sagesse n'est rien d'autre qu'un réseau de stigmates".
Afficher en entierCa simplifie tellement les choses, me suis-je dit, quand on sait exactement ce qu'il faut faire! Il n'y a pas d'impair, pas de brutalité, pas d'erreur, tout tombe juste, on fait ce qu'il faut quand il faut, les autres même peuvent regarder, c'est comme un spectacle (...) Dans ton histoire décidément, tout était propre et net. De la première rencontre à la piscine, du premier flirt à la boum jusqu'aux élans de jalousie provoqués par Antoine Mangenuit, de la tentation du sexe, finement écartée, jusqu'au dénouement romantique et cordial de ce dimanche. Parfait. (...) Moi, mes amours étaient brouillonnes, monstrueuses - j'ignorais encore jusqu'à quel point.
Afficher en entierJe n'ai jamais douté que j'avais des racines, moi. Je ne les ai jamais arrachées. Tout juste ai-je tiré parfois sur certaines lianes qui me gênaient, qui m'empêchaient d'avancer.
Afficher en entier"Il avait les yeux fermés. Comme un blessé, à qui les coquelicots faisaient des blessures en fleurs. Mais celui-là vivait, il vivait de toutes ses forces. Je voyais ses côtes se soulever au rythme de sa respiration. Sa peau était dorée, d'une couleur de pain qui sort du four. Son visage était souriant et calme. Sans doute, ce n'était pas un homme."
Afficher en entierIsolée,peut-être,mais au milieu des bruits,dont chacun prenait dans le monde une place nette aux contours précis.Ce n'était pas une vaste cacophonie,c'était un orchestre.
Afficher en entierJe sens à cet instant précis où ma poitrine se soulève pour former un gros soupir, que l'heure est venue de tout te raconter. Depuis quinze ans, je cherche en vain le bon moment.[...] Ce matin, les tapis ont quitté leurs sols et exposent à tous les regards leur intimité poussiéreuse.
Alors je vais parler sans te regarder, les yeux fixés sur les dessins compliqués du tapis rouge. D'abord je ferai le tour de la bordure extérieure, et puis j'en viendrai au motif central. Et tu m'écouteras, parce que tu es assise, désoeuvrée, parce que tu es ma soeur et que nous n'avons rien à faire de mieux, maintenant qu'on a tout vidé dans la maison, que de nous montrer sur ce banc.
Afficher en entier.. Je n'ai pas de surprise. Plutôt l'impression que tout conduit là, tout mène là, que la vie jusque-là, c'était un tunnel, un entonnoir, ça débouche ici. "Vous qui entrez, laissez là toute espérance", c'est la Divine Comédie, qui commence. Mais pourquoi divine ? Pourquoi comédie ? ça ne ressemble à rien d'écrit. ça ne ressemble pas à ce qu'on raconte. Ou alors, si c'est ça, il fallait le dire tout de suite, que ce serait si simple, ça n'était pas la peine de pondre des milliers de livres là-dessus et de nous faire peur avec toutes ces machineries On se monte la tête. Et puis arrive l'instant où on est dans le goulot d'engorgement de l'entonnoir. Il va bien se passer quelque chose, maintenant. On ne sait pas ce qu'il faut faire avec ça, ce sexe au garde-à-vous qu'on n'osait même pas imaginer, qu'on ne voyait pas avant, quand il reposait bien tranquille dans son nid de poils, lorsque le garçon dormait au bord de la rivière. Mais ça a l'air de savoir. Il n'y a qu'à attendre que ça trouve son chemin. C'est comme une petite bête qui cherche. ça finit par trouver. Et alors là, oui, c'est le plus étonnant.
Afficher en entierLa vraie découverte, ce n'est pas le sexe de l'autre, c'est le sien. Comprendre tout à coup dans une sorte de révélation à quoi ça sert, jusqu'où ça va, pourquoi c'est mou, pourquoi c'est creux, pourquoi c'est mouillé. C'est comme découvrir une nouvelle pièce dans la maison où on habite depuis toujours.
Afficher en entierC’est une croix, plantée à la sortie du village. Je l’ai encore vue ce matin, en allant à la déchetterie. Elle est toujours là, au bord de la route. Longtemps, je n’ai pas osé tourner la tête de ce côté-là de la départementale. Lorsqu’on arrivait au village, je fixais les champs, la montagne un peu plus loin, le ciel, la vieille publicité Dubo, Dubon, Dubonnet peinte en bleu sur le pignon d’une maison.
Cette fois, je me suis arrêtée tout près d’elle, sans sortir toutefois de la voiture, laissant le moteur tourner.
J’ai regardé les fleurs, toujours les mêmes à en juger par leur usure. Ce sont des fleurs en plastique aux couleurs fanées qui tirent toutes vers le rose, exactement comme les photos qui restent trop longtemps au soleil, à croire que le rose est la couleur originelle de toute chose. On devine ce qu’elles ont été : des bouquets serrés de faux lys, d’orchidées, de freesias, le tout en nylon, noué contre le bois de la croix. Certains pétales sont déchirés, mangés par des bêtes ou par l’humidité.
Afficher en entierLa croix est surmontée d’un toit fait de deux planchettes. Le tout est couvert de mousse. Au sommet, pend une pochette en plastique qui a contenu une photographie. Le plastique a moisi, la photo est probablement décolorée comme les fleurs. Je n’ai pas eu le courage de l’extraire de la pochette. Je connais le visage qu’elle montre, mais le regarder est au-dessus de mes forces. Je préfère penser qu’elle est trop délavée pour qu’il soit reconnaissable.
Des coquelicots poussent dans les ornières, derrière la croix.
Ce n’est pas une tombe. Pas plus que ne le sont, sur les bords des nationales, les silhouettes noires découpées dans le métal, sur les sites des accidents meurtriers. C’est vide, ça ne contient rien, ça ne protège rien. C’est juste un lieu, une borne, un espace délimité pour fixer le souvenir du drame qui s’est joué là, il y a quinze ans. Un drame auquel je n’ai pas assisté. Un drame dont je ne suis peut-être pas responsable.
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