Ajouter un extrait
Liste des extraits
Cet homme sans foi ni loi me quitte, nous abandonne, pour se rendre à Bergame sous un faux nom afin d’y rencontrer quelque gueuse ! Ma qué ! ma mama ne m’a pas mise au monde pour me voir traitée comme la dernière des dernières ! Un murmure approbatif assura la signora Tarchinini qu’on partageait son opinion quant aux intentions de feue sa mère. Romeo essayait de se faire entendre, mais en vain. Tout au plus, le locataire du dessous, un vieux garçon qui enviait son bonheur familial, consentit-il à lui dire : — On n’aurait pas cru ça d’un homme de votre âge et de votre condition, Signore
Afficher en entierCe ne fut qu’au moment où il approchait de la via Pietra, que Romeo se dégrisa. Il lui fallait redescendre des hauteurs où l’avait entraîné la conviction d’être supérieur à tous les Véronais, ses contemporains, afin de revenir à la sordide réalité et, pour l’heure, la réalité consistait à affronter Giulietta Tarchinini, à lui apprendre qu’elle ne partait pas en vacances, qu’il fallait avertir au plus vite la cousine Eusebia et que son mari la quittait pour un temps indéterminé que seule son intelligence bien connue pourrait ramener à des limites décentes. L’ennui tenait à ce que la signora Tarchinini possédait autant d’imagination que son mari. Au fur et à mesure que la distance le séparant de sa demeure diminuait, l’humeur de Romeo s’assombrissait
Afficher en entierSi tu as besoin d’aide, tu téléphoneras le soir au domicile particulier de Manfredo mais seulement d’une cabine publique, ou tu m’appelleras chez moi. Des objections ? — Je n’aime pas tellement les Napolitains... — Ils s’en consoleront. Tu es en congé spécial dès maintenant, inutile donc de retourner au bureau. Pour tout le monde, et par faveur spéciale, je t’ai donné une demi-journée de vacances de plus. Tu vas susciter des jalousies... Tarchinini faillit se mettre en colère pour tout de bon et seule une seconde grappa s’avéra capable d’apaiser son amertume indignée
Afficher en entierTu as tout le temps. Tu ne pars que demain. Arrivant de Naples, tu te seras arrêté à Vérone pour y étudier l’influence vénitienne. Tu auras sur toi, des lettres des meilleurs spécialistes véronais sur la question, te fixant rendez-vous. Tu garderas dans ta poche le billet d’autocar qui t’aura été donné, théoriquement, à Naples, et la note de l’hôtel où tu auras séjourné trois jours. Naturellement, je t’ai fait fabriquer de faux papiers. À partir de demain matin, tu seras le Pr Amintore Rovereto, célibataire de cinquante-six ans
Afficher en entierComme jadis Hercule avait nettoyé les écuries d’Augias. Ce rapprochement né spontanément dans sa cervelle perpétuellement en ébullition, enflamma Romeo. Sans plus réfléchir au danger, aux vacances retardées, au désappointement de Giulietta, à l’aigreur possible de la cousine Eusebia, il s’écria : — J’espère, Celestino, que pas un instant tu n’as douté de mon acceptation ? — Pas un instant. Ils étaient aussi sincères l’un que l’autre. Après que Gioco soit venu s’informer de l’opinion de ses hôtes sur le repas qui leur avait été servi et qu’il eut reçu les louanges méritées, Malpaga commanda deux grappa de la réserve personnelle du maître des lieux. Réchauffant son verre d’alcool dans sa main, Celestino expliqua : — Voilà comment je vois les choses, tu me diras si tu es d’accord
Afficher en entierJe suis convaincu que tu es capable d’amoindrir beaucoup ce danger. — Et si je n’y parviens pas ? Celestino haussa les épaules. — Je te répète que tu es libre de refuser. Tu n’appartiens pas au service de la lutte contre les trafiquants, et Bergame n’est pas de mon ressort. Je ne souhaite que te prêter si tu y consens. Manfredo est d’accord. Il désire vivement ta venue car il te connaît de réputation. Il est au courant de tous tes succès et il juge comme moi que si quelqu’un est capable de démasquer ces canailles, c’est toi et personne d’autre
Afficher en entierÀ mon idée, dans cette affaire, on a commis, une erreur dès le départ. En arrivant à Vérone, Ludovico s’est rendu à la police criminelle. On l’a su, sans aucun doute possible. À plusieurs reprises, il a rencontré Manfredo Sabazia dans son bureau. Cela aussi on l’a su. On a donc été au courant de ses relations avec Ernesto Bacoli... On l’a abattu lorsqu’on a senti qu’il approchait de la vérité
Afficher en entierLa vérité, Romeo. Tout ce que Ludovico a confié à Manfredo Sabazia c’est qu’il était devenu l’ami d’un certain Ernesto Bacoli qui vit dans la vieille ville. Cet Ernesto est un artiste, jeune et un peu bohème. Il semble que, par lui, Ludovico ait eu la conviction d’arriver à son but. — On a interrogé Ernesto Bacoli ? — Non. — Pourquoi ? — Parce qu’il a disparu. — Et on ne sait pas où il habite ? — Non. — Ma qué ! ce n’est pas possible ! — À moins de supposer que ce garçon n’ait pas révélé son véritable nom à Ludovico ? — Complice, alors. — Pas forcément. Peut-être avait-il suffisamment à craindre de la police pour ne pas vouloir que son gîte lui fût connu...
Afficher en entierRepris par sa passion du métier, Romeo écoutait si scrupuleusement qu’il ne prit pas garde au gâteau qu’on lui mettait sous le nez tandis qu’un sommelier débouchait avec infiniment de soin et de respect une bouteille d’Ammandolato. Dès qu’il en eut absorbé une gorgée, Romeo s’attendrit, en toute sincérité, sur les ennuis de Manfredo Sabazia, qu’il ignorait encore d’ailleurs. C’est avec émotion – ayant achevé son dessert et en attendant le café – qu’il se fit attentif aux explications de son chef et ami. — Craignant que ses inspecteurs ne fussent trop connus, Manfredo a demandé à Milan de lui envoyer quelqu’un. On lui expédia un policier de valeur assurée, spécialiste de la lutte contre les trafiquants de drogue, Ludovico Velano... — Et alors ? — On a retrouvé son corps, il y a deux jours, près de la voie de chemin de fer... — Un accident ? — Un meurtre. Ludovico Velano avait reçu deux balles dans la poitrine dont l’une a touché le cœur. — On ne sait rien de ses meurtriers ? — Rien
Afficher en entierPourquoi voudrais-tu que je me prive de vacances ? — Que tu les repousses, seulement... — Évidemment, s’il ne s’agit que de les repousser... Tarchinini mollissait visiblement. L’arrivée du maître d’hôtel apportant un filet de bœuf en croûte farci au foie et au gorgonzola, finit de convaincre Romeo qu’après tout, la demande de son chef n’était peut-être pas aussi exorbitante qu’il l’avait cru tout d’abord. Entre deux bouchées, Tarchinini s’enquit : — Quelles raisons as-tu, Celestino, de vouloir bouleverser mon emploi du temps ? — L’urgence
Afficher en entier