Le Régiment Perdu

- [...] Je ne sais qui en a donné l'ordre, mais, il y a environ cent révolutions, nos ancêtres n'ont pas massacré les étrangers qui sont arrivés sur notre monde. Ils les ont trouvés utiles, et nous les avons épargnés. Nous avons installé des dirigeants pour les contrôler en notre absence. Nous leur avons confisqué leurs chevaux pour obtenir une race adaptée à notre taille et à nos entreprises. Nous les avons disséminés de par le monde et nous leur avons accordé de riches terres, où ils ont grandi et prospéré. Puis nous en sommes venus à les consommer.

» Et nous sommes devenus leurs esclaves.

Un silence ahuri et des regards confus accueillirent ces paroles.

- Regardez autour de nous, reprit rapidement Qubata, avant que l'indignation le submerge entièrement. Que produisons-nous? Rien! Chaque année, nous voyageons de pays en pays, tous habités par ceux que nous traitons de "bêtes". Nous les abattons et nous nous servons chez eux, avant d'entamer la chevauchée de printemps, celle qui nous amène au pâturage de l'année à venir.

» Finalement, nous en avons emporté des milliers pour chevaucher avec nous. Nous les appelons "animaux domestiques", mais que sont-ils vraiment? Si on doit finement ciseler un objet, c'est l'un d'eux qui s'en occupe. Si quelque chose d'important, y compris nos arcs et nos flèches, doit être fabriqué, le travail est accompli par ceux chez qui nous passons l'hiver, ou encore une fois par nos animaux domestiques. C'est ainsi que nous en sommes venus à ne plus savoir que nous battre, faire des enfants et prendre ceux que nous traitons de bétail. Quel Tugar voudrait s'abaisser à créer de ses propres mains ce que le bétail ou les animaux domestiques peuvent faire?

» Et maintenant nous sommes leurs esclaves. Avec l'arrivée de la maladie, regardez-nous. Nous ne pouvons déjà plus remplacer certaines choses... Même notre réserve de flèches commence à s'amenuiser. Nous avons oublié tout ce que savaient nos pères et nous ne vivons plus que sur la chair et le labeur d'autrui.