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L'HOMME LE PLUS HEUREUX DU MONDE
Tout le monde aimait mon père. Ma mère disait toujours que c'était l'homme le plus heureux du monde. Et il rendait heureux tous ceux qui le voyaient.
Quand j'étais enfant unique, il me juchait sur ses épaules pour galoper jusqu'à la rivière ; il m'attrapait alors sous les aisselles et faisait tremper mes pieds nus au fil de l'eau. Le froid me faisait crier, mais après, il glissait mes pieds dans les poches de sa veste, un de chaque côté, et nous repartions au galop, sans cesser de rire.
Quand j'étais enfant unique, il m'installait dans son rickshaw et pédalait sur la route, zigzaguant d'un côté à l'autre, boum boum boum sur les pavés, tout en chantant à pleine gorge. Je sautais sur le siège à chaque cahot. Même si je lui criais d'arrêter, j'avais envie qu'il continue.
Quand j'étais enfant unique, il m'apprenait à jouer aux échecs et au go ; il m'arrivait de gagner, mais c'était parce qu'il le voulait bien. Nous faisions des parties de mah-jong avec Oncle et ma mère. Chaque fois qu'on tombait sur « le pépiement des moineaux », nous nous mettions à gazouiller bêtement, mon père et moi, ce qui nous valait un regard désapprobateur d'Oncle tandis que ma mère levait les yeux au ciel d'un air faussement exaspéré.
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