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La jeune fille se tourna vers lui, son museau froncé, les dents découvertes. Des oreilles de loup s’aplatissaient sur son crâne. De la fourrure blanche, soyeuse, couvrait ses joues. Des poils poussaient sur ses bras, mais le reste de son corps était encore humain.
Afficher en entierJusque-là indifférent, l’homme-loup tourna alors la tête vers Ivar. Dans ses yeux vitreux, le jeune homme surprit une petite étincelle d’étonnement et plus curieux encore, une estime étrange, une considération brute – aussitôt dissipée. Sa gorge se serra. Dans quelques jours, il serait comme lui. Son âme humaine disparaîtrait dans l’abîme de son corps monstrueux.
Afficher en entierLes yeux baissés, le forgeron se focalisa sur l’expression éteinte du berserkir. L’homme-loup se tenait à quatre pattes comme une bête, pantelant sur ses avant-bras musclés. Sur sa fourrure, les plaques d’acier couvertes de runes lui brûlaient la peau. Dire qu’Ivar aurait pu libérer l’animal en retirant ces simples gris-gris…
Afficher en entierDe petits nuages roses coloraient l’horizon dentelé par les cimes. La rivière miroitait, encore couverte de fines écharpes de brume. A plusieurs centaines de mètres de là, un élan nageait dans l’eau froide. Totalement immergé, Ivar n’en voyait que la tête dressée, couronnée d’une gigantesque ramure. Le ruban gris se froissait derrière le majestueux animal et le garçon se trouva curieusement rasséréné par ce spectacle. Son monde intérieur pouvait s’effondrer, il resterait toujours de jolies choses. Il y aurait d’autres aurores, toutes aussi splendides que celle-ci, d’autres jeux d’ombres et de lumières. Même après sa mort, les bagues colossales de l’océan continueraient de s’élever et de retomber avec fracas. Dans cet univers gigantesque, il n’était qu’une étincelle, la flamme ténue d’une bougie – que le parasite allait souffler.
Afficher en entierDans la végétation gisait un corps massacré.
Ivar s’étrangla de stupeur. Malgré l’état du cadavre, il reconnut la femme la plus âgée de leur groupe, une pauvre folle qui avait couru vers l’autel lors de la cérémonie. De son ventre ouvert se déversaient ses entrailles noires de sang. Ses jambes formaient un angle bizarre, et son bras gauche se terminait par un moignon déchiqueté.
Le jeune homme, se sentant partir, la tête légère et les genoux en coton, détourna précipitamment le regard.
Ne tombe pas dans les pommes ! s’ordonna-t-il.
Pas après pas, il recula pour s’éloigner du corps, et heurta Kaya qui venait vers lui.
— Tu ne peux pas faire gaffe ? râla-t-elle. Qu’est-ce qui se passe ? Tu as trouvé quelque chose ?
Ivar posa son index contre ses lèvres. De sa main libre, il attira l’attention d’Oswald et de Hilde qui fouillaient un buisson à plusieurs dizaines de mètres de là.
— Je crois qu’il y a un berserkir dans le coin, chuchota-t-il. Il faut qu’on fiche le camp d’ici.
Afficher en entier"- Qui êtes-vous? osa demander Ivar.
- Je suis le Premier. Si craint, si redouté, qu'ils ont préféré me jeter aux oubliettes plutôt que de m'accorder la faveur d'une mort rapide.
(…) Donne-moi ton bras, Ivar.
Comme s'il n'était plus qu'un personnage dans le cauchemar d'un autre, Ivar s'exécuta. Le jeune homme avait anticipé une douleur foudroyante - rien ne vint.
- Je te fais cadeau du feu, annonça le fantôme.
(…)
Un tatouage argenté marquait sa paume, son poignet, et descendait presque jusqu'au creux de son coude, dessinant le manche d'un candélabre, tandis que les cinq branches remontaient le long de ses phalanges. Il leva le bras un peu plus haut; cinq flammes blanches embrasèrent le bout de ses doigts.
- Regarde-moi, Ivar, ordonna le monstre.
Il obéit aussitôt.
- Écoute bien. Je te donne les moyens de te battre, de rendre au centuple ce que l'on t'a fait. Tu aimes le feu, n'est-ce pas?
Incrédule, le jeune homme se sentit acquiescer.
- Mais le feu n'est pas fait pour que l'on se réchauffe frileusement à son contact. Grâce à mon cadeau, tu ne sombreras pas dans le noir. Ma flamme éclairera tes pas. Sois-en digne.
Il recula et Ivar aperçut dans le trou de ses narines humides, un lehrling qui tordait ses anneaux blêmes. Un autre ver coulait sur sa joue velue. La créature était infestée par les parasites.
- Je t'attendrai, Ivar…
La lumière s'éteignit brutalement.
- …dans les ténèbres.
Afficher en entier- S'il vous plaît, souvenez-vous de ce que je vous ai dit, coupa Ivar. On peut lutter contre la fatalité. Il faut qu'on s'accroche, qu'on garde espoir.
Oswald se voûta, serrant ses genoux pliés contre sa poitrine.
- Tout ça pour quoi ? marmonna-t-il. Une ou deux secondes de lucidité avant de replonger dans un cauchemar ?
- N'imagine pas le pire ! Personne ne sait rien des berserkirs en réalité. Si ça se trouve, de nombreuses personnes s'en sortent. Il faut juste ne pas se décourager.
Kaya acquiesça distraitement.
- Dites, tous les deux... Est-ce que vous avez eu une vision lorsque vous avez avalé le ver ? demanda-t-elle.
Ivar tressaillit de surprise et Oswald se fourra aussitôt les ongles dans la bouche.
- Oui, finit par concéder le forgeron. Un homme étrange qui se tenait au milieu d'un feu noir.
- Le roi des fauves, compléta Oswald.
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Afficher en entierNous devons vivre sans regret
Afficher en entierCe gâchis, cette injustice lui donnait envie de hurler. Il effleura l'aile immaculée de la créature en une lente caresse respectueuse.
- tu as raison, lui dit-il, vole, maintenant.
Afficher en entier- Je ne sais pas qui est le plus déprimant de vous deux, soupira Kaya. Vous croyez que la métamorphose est douloureuse ? Les spasmes qu’ils ont tout le temps, c’est sûrement parce que quelque chose cloche dans leur corps… Est-ce que les berserkirs vivent longtemps ?
- Centenaires, répondit Ivar avec une feinte assurance.
- Si tu deviens un mammouth peut-être, rétorqua Oswald, mais si tu te changes en loup, n’espère pas dépasser la petite dizaine. Compte tenu de ma chance, je vais sans doute me métamorphoser en lièvre ou un truc du genre.
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