Ajouter un extrait
Liste des extraits
Alexandre entendit la sonnerie désespérée des trompettes, mais il ne se retourna pas. Il ordonna au héraut de lever bien haut l'étendard afin que tout le monde puisse le voir. Puis il poussa un cri de guerre, si puissant et si aigu qu'il couvrit le vacarme du combat.
Afficher en entierAlexandre, qui marchait depuis trois mois, ne fut admis dans la chambre du bébé qu’au bout de plusieurs jours, muni d’un petit cadeau préparé par la nourrice. Il s’approcha prudemment du berceau et observa sa petite sœur d’un air curieux, les yeux écarquillés, la tête penchée sur l’épaule. Aussitôt, une servante surgit, craignant que l’enfant ne fût pris de jalousie et ne se comportât mal à l’égard de la nouvelle arrivée. Mais il saisit la main de sa sœur et la serra entre les siennes comme s’il comprenait qu’un lien étroit les unissait et qu’elle serait longtemps sa seule compagne.
Afficher en entierL’étoile du soir commençait déjà à scintiller, rivalisant de splendeur avec la lune qui glissait lentement vers la surface liquide de la mer. C’était l’étoile des Argéades, la dynastie qui régnait sur ces terres depuis l’époque d’Héraclès, une étoile immortelle, la plus belle de toutes les étoiles du ciel. Philippe arrêta son cheval pour la contempler et l’invoquer. « Veille sur mon fils, lui dit-il du plus profond de son cœur, fais qu’il règne après moi et que règnent ensuite ses fils, et les fils de ses fils. » Puis il se présenta à l’improviste au palais royal, épuisé et couvert de sueur. Un bourdonnement l’accueillit, un bruissement de vêtements féminins dans les couloirs, un tintement d’armes résonnant au sein des corps de garde.
Afficher en entierLes représentants de Potidée tentèrent de reprendre leur discours au point où ils l’avaient abandonné, mais Philippe désigna son lieutenant : « Le général Antipatros connaît parfaitement ma pensée, adressez-vous à lui. — Mais sire, intervint Antipatros, il est absolument nécessaire que le roi… » Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase : Philippe avait déjà jeté son manteau sur ses épaules et sifflé son cheval. Antipatros le suivit : « Sire, des mois de siège et de durs combats nous ont été nécessaires pour vivre cet instant, tu ne peux… — Bien sûr que si ! » s’exclama le roi en bondissant sur sa monture et en l’éperonnant. Antipatros secoua la tête. Il s’apprêtait à regagner le pavillon royal quand la voix de Philippe retentit. « Attrape ! dit celui-ci en ôtant le sceau de son doigt et en le lui jetant. Tu en auras besoin. Conclus un beau traité, Antipatros, cette guerre nous a coûté les yeux de la tête ! » Le général saisit au vol la bague royale portant le sceau et regarda le roi filer à travers le camp jusqu’à la porte du Nord. Il cria aux hommes de la garde : « Suivez-le, crétins ! Vous le laissez partir tout seul ? Dépêchez-vous, malheur !
Afficher en entierLes officiers ordonnèrent aux soldats de présenter les armes : les fantassins brandirent leurs sarisses, d’énormes lances de combat mesurant douze pieds, et les cavaliers levèrent au ciel une forêt de javelines, tandis que leurs montures piaffaient et hennissaient en mâchant le mors. Puis tout le monde se mit à scander le nom du prince : Alexandre ! Alexandre ! Alexandre ! Les soldats cognaient leurs lances contre leurs boucliers, pensant que la gloire du fils de Philippe monterait ainsi, avec leurs voix et le vacarme de leurs armes, jusqu’au séjour des dieux, parmi les constellations du firmament.
Afficher en entierPhilippe revint sur ses pas et posa sa main sur son épaule. « Donnez à manger et à boire à cet ami. Tout ce qu’il désire. Et faites-le dormir dans un bon lit parce qu’il m’a apporté la plus belle des nouvelles. » Les ambassadeurs félicitèrent à leur tour le souverain et tentèrent de profiter de ce moment favorable pour conclure les négociations d’une façon plus avantageuse, l’humeur de Philippe s’étant de beaucoup améliorée. Mais le roi s’écria : « Pas maintenant », puis sortit, suivi de son aide de camp. Il réunit aussitôt les chefs de ses unités de combat, commanda du vin et voulut porter un toast avec eux. Puis il ordonna : « Faites sonner les trompettes du rassemblement. Je veux voir mon armée parfaitement rangée, de l’infanterie à la cavalerie. Je veux les convoquer pour l’assemblée.
Afficher en entierIl en fit des compresses et les appliqua sur le ventre d’Olympias. Epuisée, la reine frissonna, mais le médecin ne se laissa pas attendrir et répéta ces gestes jusqu’à ce que les saignements cessent. Puis, tandis qu’il ôtait son tablier et se lavait les mains, il abandonna sa patiente aux soins de ses servantes. Il les autorisa à changer ses draps et à nettoyer sa peau avec des éponges douces, trempées dans de l’eau de rose, à lui passer une des chemises fraîches qu’elle rangeait dans son coffre, à étancher sa soif. Ce fut Nicomaque qui lui présenta le petit : « Voici le fils de Philippe, reine. Tu as accouché d’un magnifique bébé. » Enfin, il sortit dans le couloir, où l’attendait un cavalier de la garde royale en tenue de voyage. « Va, cours auprès du roi et dis-lui que son enfant est né. Dis-lui que c’est un garçon, qu’il est beau, fort et en bonne santé. » Le cavalier jeta son manteau sur ses épaules, s’empara de sa besace et partit en courant. Au moment où il disparaissait au bout du couloir, Nicomaque s’écria : « Dis-lui aussi que la reine se porte bien. » L’homme ne s’arrêta pas. Bientôt on entendit un hennissement dans la cour, puis un galop qui se perdit dans les rues de la ville endormie.
Afficher en entierIl posa l’oreille contre l’aine d’Olympias et se rendit compte que les battements du petit cœur ralentissaient. « Pousse aussi fort que tu le peux, lança-t-il à la nourrice. Le bébé doit naître immédiatement. » Artémisia appuya de tout son poids sur la reine, qui, dans un grand cri, accoucha. Nicomaque noua le cordon ombilical avec un fil de lin, puis le coupa aussitôt avec des ciseaux de bronze et désinfecta la blessure à l’aide de vin pur. L’enfant cria, et le médecin le confia aux femmes afin qu’elles le lavent et le vêtissent. Artémisia fut la première à voir son visage. Elle le regarda d’un air extasié. « N’est-il pas merveilleux ? » s’exclama-t-elle en tamponnant ses joues avec un peu de laine trempée dans de l’huile. La sage-femme lui lava la tête, et lorsqu’elle l’essuya elle ne put retenir un mouvement de stupeur. « Il a la chevelure d’un enfant de six mois et de beaux reflets dorés. On dirait un petit Éros. » Artémisia était en train de lui enfiler une minuscule tunique de lin, car Nicomaque s’opposait à la coutume qui voulait que les bébés fussent étroitement emmaillotés.
Afficher en entierLes douleurs de l’accouchement s’annoncèrent un soir de printemps, après le coucher du soleil. Ses servantes allumèrent des lampes à huile, et Artémisia, sa nourrice, fit appeler la sage-femme et le médecin Nicomaque, qui avait jadis soigné le vieux roi Amyntas et présidé à la naissance de nombreux rejetons royaux, aussi bien légitimes que naturels. Nicomaque se tenait prêt, dans l’attente de ce moment. Il passa un tablier, ordonna aux domestiques de chauffer de l’eau et de lui apporter d’autres chandeliers pour qu’il ne risque pas de manquer de lumière. Il laissa toutefois l’accoucheuse s’approcher la première de la reine, parce qu’une femme préfère être touchée par une de ses semblables au moment de donner le jour à son enfant : seule une femme peut mesurer la douleur et la solitude dans lesquelles on engendre une nouvelle vie. À cet instant précis, le roi Philippe prenait d’assaut la ville de Potidée, et il n’aurait pour rien au monde abandonné le champ de bataille.
Afficher en entierC’est un destin possible, répondit un autre prêtre. Nombreuses sont les routes qui s’offrent à l’homme, mais certains individus sont dotés, dès la naissance, d’une force différente, qui leur vient des dieux et qui essaie de revenir aux dieux. Garde ce secret dans ton cœur tant que la nature de ton enfant ne se sera pas pleinement manifestée. Ensuite, sois prête à tout, même à le perdre, parce que quoi que tu fasses, tu ne parviendras pas à empêcher son destin de s’accomplir et sa renommée de s’étendre jusqu’aux confins du monde. » Il était encore en train de parler quand la brise qui soufflait dans le feuillage des chênes se transforma soudain en un vent du sud, violent et chaud, dont la force augmenta rapidement, au point de fléchir la chevelure des arbres et d’obliger les prêtres à couvrir leur tête de leur manteau.
Afficher en entier