Extraits

Un hiver rigoureux sévit encore quand Borderline tourne enfin à plein régime. Une dizaine de villes ont été gagnées, avec la mise en place dans chacune d’elle d’un distributeur, qui cumule à son insu la fonction peu enviable de « fusible », comme établi dans le code. C’est Ernest et ses hommes qui gèrent des contacts payés en liquide ou en poudre pour s’occuper de la surveillance de toutes les branches que gère chacune de ces recrues potentiellement jetables.

Après des jours entiers de débats, un nombre incalculable d’heures de discussions, des centaines de suggestions et de modifications, Akemi a pu savourer un grand moment de fierté. Lorsque tous ses amis ont fini par accepter l’Ecce Lex à l’unanimité, d’y adhérer fidèlement en acceptant de se plier eux-mêmes au code de conduite et de stratégie qu’elle a rédigé, ils sont venus un à un la féliciter pour ce travail extraordinaire.

n entrant dans le squat, Abel Toledo prend une démarche lente et un peu instable. Son visage, occulté par la capuche de son pull, ne peut pas être identifié dans cet endroit sombre. Mais alors même qu’il vacille en avançant, ses yeux se promènent partout. L’endroit est sinistre, mais les occupants ne sont pas regardants. Il doit lutter pour ne pas grimacer quand les odeurs de moisi, d’urine et de sueur le saisissent et envahissent sa gorge.

C’est dans un café lounge que Séverine et Faust font face à leur rendez-vous de ce soir. Par sécurité, Ernest est installé à une autre table avec Mary pour ressembler à un couple venu prendre un verre, mais Ernest a affûté son sens de l’observation, idem pour sa fausse compagne ; armés, ils feront la différence en cas de problème.

Dès son retour dans le bureau, le lieutenant Müller voit que Séverine est toujours prostrée. Son travail de division a vraisemblablement porté ses fruits. Et maintenant, il est sûr de détenir le potentiel succès de cette interpellation.

En entrant dans la salle aux murs gris, Yvan Müller voit que le caïd de bas étage est avachi sur sa chaise, bras croisés, jambes écartées. La capitaine Sylvie Lekain, qui est en charge de la direction de son groupe, est debout de l’autre côté de la table, face à la porte. Laurent Carin, avec lequel il s’entend bien, est appuyé contre le mur, juste à côté du suspect.

Après avoir reçu le message de Stéphane, du Café des Marronniers, l’informant des événements de ce soir, Ernest n’a pas perdu une seconde, bien décidé à agir aussi vite que possible pour dénouer la situation dans laquelle se trouvent Faust et Séverine.

Le business a pris de l’ampleur sans que les Sept du Purgatoire – comme ils se sont un peu tragiquement nommés – s’en soient vraiment rendu compte. Au départ, ce n’était qu’une petite entreprise née pour amortir les coûts de consommation du cercle fermé autour de Faust et Séverine.

Avec sa maîtrise parfaite de l’allemand, Thomas Hornach, alias Blackie, est l’homme de la situation pour les clients de ce soir. Très sûr de lui, il n’a pas demandé d’escortes pour aller livrer des habitués qu’il sait déjà très satisfaits des produits et de leurs conditions de vente.

Une dizaine de personnes occupent les tables de la petite salle. Le vieux Riton est debout dans l’angle du comptoir, comme d’habitude. En bon pilier qui se respecte, il aligne devant lui une jolie série de verres à Ricard vides. Assis à la table du fond, Faust discute avec une belle blonde. Séverine s’installe au bar, sur un grand tabouret en bois à la solidité douteuse, Stéphane lui sourit avec un léger clin d’œil.