Extraits

— Je suis gay, dit Morgan, obligeamment.

— Je sais.

— Merde !

Morgan fronça les sourcils puis secoua la tête.

— Pourrais-je avoir un peu d’intimité ? Ils ont vraiment tout dans vos dossiers.

— Pas dans nos fichiers, idiot. Je l’ai deviné quand vous avez suggéré que je voulais vous voir nu.

« D’autres rêves ? demanda-t-il.

— Humm ?

Nik déposa le café devant Morgan et se glissa dans la chaise en face.

— Tu t’es levé tôt. Est-ce que c’était encore les rêves ?

— Nan, répondit-il en faisant courir ses doigts dans ses cheveux déjà hérissés, en fronçant les sourcils. Tu as pris toutes les couvertures et j’avais froid.

Ce n’était pas ce à quoi Nik s’attendait, et une explosion de rire lui échappa à la vue de l’expression abattue du jeune homme.

— Pourquoi n’as-tu pas tiré dessus ? demanda-t-il avec curiosité.

— Je l’ai fait, mais ton poids d’armoire à glace les retenait et ensuite, tu t’es énervé.

— Énervé ?

— Ouais, dans ton sommeil. Tu as murmuré quelque chose à propos de révolvers. J’ai pensé qu’il valait mieux laisser tomber. »

— Vingt, cent soixante-six, Altamont, Ouest, Cat Black, tarte au citron, vingt, cent soixante-six, Altamont, Ouest, Cat Black, tarte au citron…

— Qui était donc cette fille tuée dans la ruelle, pour l’amour du ciel ?

Et ça, c’était la question à un million de dollars.

— Il nous reste encore huit jours de cet isolement forcé, n’est-ce pas ?

— Huit jours, moins cinq heures. Pour être exact.

— Ensuite, j’irai témoigner. Et en fonction de ce qui se passera là-bas, soit je retournerai à ma vie d’avant, soit je me ferai tirer dessus. Es-tu d’accord avec moi, jusque-là ?

— Oui.

— Eh bien, nous ne nous reverrons peut-être jamais, parce que je serai obligé de me cacher, en tant qu’Abraham Wallis du Connecticut avec un diplôme en geek et je vais probablement finir hétérosexuel. Morgan frissonna délicatement, et Nik sourit. Il le faisait rire.

— Eh bien, quand il a découvert pour quel camp je jouais, c’était du genre « nous avons du temps à tuer, tu veux me sucer ? » ce qui n’a pas franchement fonctionné. En fait, il a passé l’heure suivante plié en deux à cause du coup de pied que je lui ai envoyé dans les couilles.

— Le Sanctuaire. Comme si vous trouviez que ce n’était pas quelque chose qui vous maintiendrait en sécurité, ni comme une église ou quelque chose comme ça, mais plutôt comme une chose réelle.

— C’est une entreprise. Taylor ne vous l’a pas expliqué ?

— Tout ce que Taylor a dit et je cite : Vingt, cent soixante-six, Altamont, Ouest, Cat Black, tarte au citron.

Il décida qu’un inventaire était nécessaire et se figea dans la salle de bain. Les fournitures n’étaient pas remplies à moitié. Il y avait, là, une dizaine de sortes de gel douches, de shampoings, de rasoirs, de préservatifs, et coincé à l’arrière de l’armoire sous le lavabo se trouvait une petite boîte marquée d’une croix rouge. Curieux, il l’attrapa, appuyant sur le loquet pour l’ouvrir, se demandant si c’était juste une mini version de la boîte que Nik avait utilisée la nuit dernière. En l’ouvrant, elle révéla des boîtes d’analgésiques, de pansements, un thermomètre, du Tylenor pour enfants, et une multitude d’autres choses, y compris d’autres préservatifs. C’était quoi ce truc avec des préservatifs partout ?

Les Sanctuaire Opérations ou Ops comme ils étaient communément appelés, étaient ce qu’ils appelaient « Les héros idiots » qui avaient travaillé pour la fondation, avec leur bravade je-suis-en-train-de-mourir-mais-ça-va, ou avec des codes de conduites bizarres. Il ne pouvait pas différencier un opérateur d’un autre, surtout avec l’écho de l’enregistrement de l’appel, sur la ligne du cellulaire

— Pas de questions. Votre bras a besoin de soins. Salle de bain, maintenant.

Stridente et forte, la voix de Nik vint de la droite, derrière Morgan, et celui-ci recula, un éclair de douleur irradiant de sa blessure. Manifestement, ce nouveau garde du corps avait des compétences flippantes de Ninja pour rôder sans bruit. Morgan le suivit jusqu’à la salle de bain, simple, contenant une douche de plain-pied, des toilettes et un lavabo. La douche avait l’air bien, assez grande pour s’étirer longuement. Seigneur, ce qu’il donnerait pour une douche !

— Nous allons devoir enlever votre chemise, déclara Nik en ouvrant un placard sous l’évier et en tirant une boîte étiquetée d’une grande croix dessus, indiquant ainsi des fournitures médicales.

Tout au long de sa fuite, Morgan avait eu conscience des dégâts causés par la balle, mais la chemise avait formé alors un pansement efficace, absorbant assez de sang et formant un bandage contre le saignement. Si Nik enlevait le tissu, merde… la possibilité d’une douleur bien pire le frappa.

— Nous y sommes obligés ? Un vertige l’assaillit et il ferma brièvement les yeux. Nik ignora la question.

— Retirez votre blouson, déshabillez-vous entièrement, sauf la chemise, puis glissez-vous sous la douche pour détendre un peu le tissu afin de le décoller de la blessure.

Une longue phrase, mais teintée d’une note d’impatience. Ce que Morgan dit ensuite sortit de sa bouche, de manière totalement inconsciente, la seule chose qui le guidait était son côté charmeur et une extrême douleur. Enfin, c’était son excuse et il s’y tiendrait !

— Vous me v… voulez seulement humide et à m… moitié nu…

Morgan buta sur les mots, mais ensuite, il aurait immédiatement voulu se mordre la langue. Baissant les yeux, il jeta un coup d’œil au lit. C’était l’instant où il allait soit recevoir un poing dans la figure, soit devoir s’expliquer. Nik grogna puis aboya un « Entrez dans cette putain de douche ! ». Puis il tenta d’aider Morgan à enlever sa veste, mais avec un entêtement dont il ne se savait pas capable, Morgan recula d’un pas, loin du contact de Nik. Ce dernier pourrait juste déchirer la foutue chemise et prétendre que c’était plus facile comme ça. En arrivant à son jean, Morgan fit une pause et regarda l’autre homme, mais celui-ci portait son attention dans une direction complètement opposée.