Extraits

"Je ne parvenais pas à m’extirper de son emprise. Elle allait pouvoir me mordre et faire de moi son jouet sans même que je proteste. Je savais même que j’allais apprécier ce moment, malgré la terreur et le dégoût qui me submergeaient. Au moment précis où je sentis ses crocs frôler ma peau, une voix familière retentit dans le couloir.

— Puis-je savoir ce qui se passe ici ?

Collins s’approcha, l’air furieux. Sophia Petrova s’écarta de moi, visiblement à contrecœur, puis lui sourit :

— Gabriel et moi étions juste en train de discuter…

— Vous ne devriez pas être ici, Slečna Petrova. Le jour ne va pas tarder à se lever et cette partie de la maison n’est pas protégée du soleil.

Tout en parlant, Collins s’était approché, s’arrangeant pour se glisser discrètement entre elle et moi. Elle nous dévisagea tour à tour pendant quelques instants avant de soupirer :

— Vous auriez dû me prévenir qu’il vous appartenait, Aidan…

Puis elle quitta le couloir de son pas ultrarapide de vampire. Collins attendit quelques secondes avant de se tourner vers moi.

— Vous allez bien ?

— Je crois… Pourquoi je ne peux pas bouger ?

— Il faut quelques minutes pour que l’effet de son pouvoir se dissipe. Est-ce qu’elle vous a mordu ?

Tout en parlant, il avait glissé sa main dans mon cou, là où j’avais senti les crocs de la vampire juste avant. Un nouveau frisson me traversa mais, cette fois-ci, il n’avait rien à voir avec une quelconque hypnose.

— Non. Vous êtes arrivé juste à temps. J’ai bien cru qu’elle allait faire de moi son casse-croûte, au propre comme au figuré.

[...]

— Je suis vraiment heureux d’être arrivé à temps pour empêcher Sophia de se nourrir de vous… Je n’aurais pas supporté de vous voir devenir son animal de compagnie…

Un long frisson me traversa, sans aucun rapport avec un quelconque effet secondaire du pouvoir de la succube. Collins retira sa main, puis se leva.

— Je vais vous laisser vous reposer.

Alors qu’il s’éloignait, une phrase prononcée par Sophia Petrova me revint en mémoire.

— Ai-je bien compris ce qu’elle a insinué lorsqu’elle a dit : « Vous auriez dû me prévenir qu’il vous appartenait. » ?

Collins s’arrêta, la main sur la poignée de la porte, puis il répondit sans se retourner :

— Oui.

— Et ça n’a pas l’air de vous choquer…

Il se tourna vers moi, plongea son regard émeraude dans le mien et souffla d’une voix rauque :

— Pourquoi ? Ça le devrait ?"

Collins me conduisit ensuite jusqu’à leur salle d’entraînement où je pus m’exercer au maniement de l’arbalète. Pendant que je l’essayais, le chef de la sécurité m’observait, attentif au moindre de mes mouvements et, surtout, à mes résultats. Lorsque j’eus fini, il soupira :

— Dommage que nous n’ayons pas le temps, j’aurais aimé vous tester au corps à corps.

Je me figeai et plongeai dans son regard vert, intense. Quelque chose dans son intonation me perturbait. Le double sens de ses mots était flagrant. Ou bien je commençais à devenir totalement obsédé par cet homme, au point de déformer le moindre de ses propos pour lui donner une connotation sexuelle. J’étais sur le point de me traiter mentalement d’imbécile lorsqu’il s’approcha, la démarche féline, puis souffla :

— Mais ce n’est que partie remise…

Et il quitta la pièce, me laissant seul avec mon trouble.

J’étais incapable de dire si ces sentiments étaient ou non le fruit de notre nouveau lien. Ni s’ils étaient réciproques. À l’angoisse des événements imminents s’ajoutait l’incertitude concernant mon avenir avec lui. Je le voulais… et je ne savais pas quelle serait ma réaction s’il s’avérait que je n’étais qu’un amant de passage pour lui.

Il étouffa un bâillement.

— Nous devrions nous reposer, suggérai-je.

Je n’avais pas du tout sommeil, sûrement un effet du sang de Bowman. Mais Aidan avait vraiment l’air épuisé et j’avais très envie de sentir la chaleur de son corps contre le mien, de le tenir dans mes bras pendant qu’il dormait.

— Et puis, après, nous pourrons peut-être prendre une douche ensemble…

Ma proposition fit naître une lueur de désir dans les yeux d’Aidan.

— Enlève-le « peut-être » de ta phrase et je suis ton homme, souffla-t-il dans un sourire avant de se pencher pour m’embrasser.

Sa langue s’insinua entre mes lèvres et je grognai de frustration lorsqu’il la retira presque aussitôt.

— D’abord, on se repose !

Et ensuite… Je levai les yeux au ciel. Cet homme avait le don pour mettre mes sens en ébullition par un simple regard ou avec quelques mots. Aidan ôta rapidement ses vêtements et s’allongea sur le côté. Une fois en boxer, je pris place derrière lui, un bras sous ma tête, l’autre enroulé autour de sa taille. Nos corps s’emboîtèrent parfaitement malgré notre différence de taille. J’embrassai son épaule, ravi de le voir frissonner, et me serrai un peu plus contre son dos puissant. Je n’avais pas l’intention de dormir. Pourtant, au bout de quelques minutes, je calquai instinctivement ma respiration sur le rythme lent de la sienne et me laissai glisser au pays des songes.

L’inconnu se retourna enfin et je retins instinctivement mon souffle. Son visage se grava immédiatement dans ma mémoire alors que son regard émeraude se fixait sur moi.Ses traits n’étaient pas fins ni parfaits. Je lui donnais entre trente-cinq et quarante ans. Son nez un peu épaté avait été visiblement cassé à plusieurs reprises et en conservait une légère déviation. Ses lèvres étaient pour le moment serrées en une ligne fine et je me pris à espérer le voir sourire. Il n’était pas beau à proprement parler, mais il dégageait un charme et un charisme qui ne me laissèrent pas indifférent.