Extraits

" Alors que je passais devant la porte ouverte du bureau du Sire, mon regard fut attiré par un objet à l'intérieur. Comme l'endroit était désert, je me permis d'entrer. Ce qui avait accaparé mon attention était une immense photo en noir et blanc d'Armand que j'avais prise lorsque nous étions ensemble. Sur le cliché, il était nu, alangui sur son lit, le visage dissimulé par ses longs cheveux bouclés.

Étendu sur le ventre, un drap noir recouvrait à peine ses fesses, dévoilant la cambrure magnifique de ses reins. Plus que la photo en elle-même, ce fut le fait de la voir là, dans son bureau, qui me toucha. Je ne me retournai pas en entendant des pas derrière moi, car j'avais deviné qui se trouvait là.

- Tu l'as gardée... soufflai-je.

- Pourquoi ne l'aurais-je pas fait ? Tu es un formidable photographe.

Armand avait toujours aimé ce que je faisais. C'était lui qui m'avait donné ma chance alors que je n'étais qu'un jeune amateur qui rêvait d'exposer dans ses galeries. Grâce à lui, j'avais vendu plusieurs photos, ce qui m'avait permis de financer mes études et l'achat de matériel plus perfectionné.

- Le modèle n'est pas mal non plus, répondis-je d'un ton amusé.

- Que veux-tu, je n'y peux rien si je suis irrésistible ! "

— Qu’est-ce que tu me caches ?

Il soupira avant de répondre :

— Je suis un vampire et tu es humain… Je t’aime, Julien. Et j’ai très peur du jour où je te perdrai. Car ce jour arrivera, tôt ou tard ! Je respecte ton souhait. Une part de moi en est même soulagée, car, en pensant à ton éventuelle transformation, je revois ce qui est arrivé à ton frère. Je me pose toujours la même question : et si ton corps refusait lui aussi la mutation ? Je ne pourrais pas supporter de te voir mourir par ma faute.

Il s’interrompit un court instant avant de reprendre :

— C’est ce qui m’aide à accepter le fait que tu vas vieillir… et mourir… Depuis que je suis vampire, j’ai perdu beaucoup d’amis… je n’ai jamais réussi à m’y habituer. Et je dois lutter pour ne pas penser à la douleur qui me traversera lorsque tu me quitteras, toi aussi.