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Extrait ajouté par Armony22 2017-04-28T22:25:49+02:00

Peut-être que le bonheur est héréditaire. Il nous vient de nos parents. Ça expliquerait bien des choses.

Ou alors, c'est comme une maladie contagieuse. Pour l'attraper, il faut y être exposé. Or, je vis dans un tel isolement...

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Extrait ajouté par marine1241 2019-05-05T15:17:33+02:00

Vouloir changer et changer réellement sont deux choses bien différentes. De même que vouloir retrouver son passé et être de taille à l'affronter.

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Extrait ajouté par Armony22 2017-04-28T22:23:47+02:00

Le bonheur est un talent qui s'acquiert et moi, j'avais du mal à apprendre.

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Extrait ajouté par francesca21 2021-05-22T22:26:16+02:00

Tout le monde rêve. Les petits garçons, les petites filles, les enfants des ghettos, les gosses de riches. Tout le monde aspire à devenir quelqu un, à faire quelque chose de sa vie.

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Extrait ajouté par Yulii 2021-03-22T22:33:56+01:00

Tessa posa sa tasse, lui renvoya son regard sérieux et dit : « Tu connais le dicton : la seule chose à craindre, c’est la peur elle-même.

– C’est débile ! Il y a des tas de choses à craindre.

– Je sais, Sophie. Nous sommes bien placées pour le savoir. Je suppose que c’est ça qui m’effraie. On passe tellement de temps à s’attendre au pire, toi et moi, qu’on risque de rater le meilleur. Regarde ce qui nous arrive. Je rencontre un type bien, tu vas avoir un chiot adorable, et pourtant… on se comporte comme si le ciel allait nous tomber sur la tête encore une fois. Ce n’est pas un mode de vie particulièrement génial, tu sais. Il faudrait voir le bon côté des choses et y mettre un peu plus de conviction. Apprendre la confiance. »

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Extrait ajouté par magaliB 2020-12-06T22:11:40+01:00

« Regarde, maman ! Regarde ! Je vole. »

Elle part en courant, les bras grands ouverts. Avec sa petite bouche en cœur, elle imite le bruit d’un moteur d’avion. J’admire les longs cheveux bruns qui dansent dans son dos pendant qu’elle gambade dans la pièce exiguë.

Je me demande si j’avais la même énergie, à son âge. Si j’avais comme elle le courage de sauter par-dessus un obstacle puis de contourner adroitement le suivant.

Je pense que la réponse à cette question se niche quelque part au fond de mon esprit. Qu’elle y reste.

Profite de l’instant. Vero a quatre ans. Elle apprend à voler.

Elle glousse, elle accélère, gagne de la vitesse. Ses cris de joie allègent un peu le poids qui m’oppresse. Elle amorce un virage, passe derrière le canapé marron – tellement usé que la mousse sort par une fente du tissu, quelqu’un devrait arranger ça, aurait dû arranger ça ? – et je vois ressurgir sa frimousse, ses bonnes joues roses, ses yeux gris qui pétillent sous ses cils touffus. Elle fonce droit vers moi, comme un bombardier sur sa cible.

« Maman ! Je vole, je vole, je vole. »

Je t’aime. Je le pense mais je ne le dis pas. Les mots sont coincés dans ma gorge et je reste plantée là, prête à encaisser le choc de son petit corps contre le mien.

Ralentis. Vas-y doucement. Comme si je savais par avance ce qui va se produire.

À la dernière seconde, sa petite chaussure accroche le pied de la table basse. L’espace d’un bref instant, elle s’envole pour de bon, tête la première, battant l’air de ses membres.

Vero écarquille les yeux.

Sa bouche forme un O parfait.

« Maman ! » hurle-t-elle.

Je souffle chut, ne fais pas de bruit. Il va t’entendre.

L’atterrissage est brutal. Boum. Crac.

Le braillement redouté démarre aussitôt.

Je redis chut, le plus bas possible.

Ses yeux noyés de larmes cherchent les miens.

On entend un homme gueuler dans la chambre. Puis des pas lourds, inquiétants.

« Maman, je vole », répète Vero mais sans pleurer. Une simple constatation.

Je voudrais lui dire je sais, je comprends.

J’aimerais lui tendre la main, toucher ses cheveux, caresser sa joue.

Mais au lieu de cela, je ferme les yeux parce que quelque part au fond de ma tête, je sais ce qui va se passer.

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Extrait ajouté par magaliB 2020-12-06T22:10:03+01:00

J’ai mal… Partout. Du sommet du crâne aux ongles des orteils, des genoux jusqu’aux coudes. D’abord, je me dis que je suis tombée du vingtième étage et que je me suis brisé tous les os. Ensuite, je me demande pourquoi ils ont pris la peine de me rafistoler. Si j’ai eu le courage de faire ce geste, ils auraient dû respecter mon choix et me ficher la paix.

Puis je l’aperçois, assis dans le fauteuil au pied de mon lit. Il dort, le menton sur la poitrine.

Mon cœur se serre. Je pense : Je t’aime.

Ma tête éclate. Je pense : Dégage, ne t’approche pas de moi !

Puis : Mais bon sang, comment s’appelle-t-il déjà ?

Son visage buriné, plissé par l’inquiétude et le stress, même quand il dort, est loin d’être repoussant. C’est celui d’un homme qui a vécu. Une bonne trentaine d’années, plus probablement quarante et quelques. Cheveux bruns, quelques mèches grises, encore mince malgré son âge. Son corps me plaît ; c’est une évidence.

Et pourtant, je ne veux pas qu’il se réveille. Surtout, j’aurais préféré qu’il ne me trouve pas.

« Maman, je vole », murmure Vero au fond de ma tête.

C’est comment déjà, cette vieille blague de pilote ? Le plus dur n’est pas de voler mais d’atterrir.

L’homme ouvre les yeux.

Ils sont bruns, tristes, profonds. Ça ne m’étonne pas.

« Nicky ? dit-il à mi-voix, les mains posées sur les accoudoirs, le corps tendu comme un arc.

– Et Vero ? fais-je d’une voix rauque. Je t’en prie… dis-moi où est Vero ? »

Il se tait, retombe dans le fauteuil. À peine ai-je ouvert la bouche que je l’ai déjà contrarié. Il pose la main sur ses yeux, peut-être pour m’empêcher de voir la réponse qui s’y cache.

Après cela, l’homme que j’aime, l’homme que je déteste – mais comment s’appelle-t-il ? – me chuchote d’un air las : « S’il te plaît, ma chérie. Ne recommence pas. »

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Extrait ajouté par magaliB 2020-12-06T22:06:56+01:00

« Un vol plané de toute beauté », murmura Wyatt en retraçant la trajectoire qui menait jusqu’à la dernière demeure du Q5.

Poursuivant son exposé, Kevin lui montra le virage que l’Audi avait raté. La route tournait à gauche, la voiture était partie à droite. « C’est là qu’elle a perdu le contrôle », dit Wyatt en observant la courbure de la chaussée derrière lui, avant de passer aux empreintes de pneus laissées dans la boue, près de ses pieds. « Sinon, la sortie de route se serait produite nettement plus loin.

– Elle s’est peut-être endormie. Ou évanouie. Ce genre de chose. Todd connaît le problème par cœur. »

Wyatt confirma d’un signe de tête. Patrouilleur expérimenté, l’agent Todd Reynes avait longtemps exercé au sein de la DARE, la brigade de prévention contre la drogue. Il repérait les conducteurs bourrés à plusieurs kilomètres de distance, disait-il pour plaisanter. C’était aussi un joueur de hockey hors pair. Deux talents fort utiles dans cette contrée montagneuse du New Hampshire.

« Todd dit qu’elle puait la gnôle. Il y avait une bouteille dans sa voiture. Elle a dû exploser dans l’accident, parce que ses vêtements étaient imbibés de whisky.

– Du whisky ?

– Du scotch, plus exactement. Et pas n’importe lequel. Glenlivet, single malt, dix-huit ans d’âge. Mais je triche – j’ai vu les restes de la bouteille. »

Wyatt leva les yeux au ciel. « Donc notre conductrice s’envoie une lampée de scotch, en renverse sur elle et rate le virage. Soit elle n’y voit plus clair, soit elle est déjà dans les vapes. En tout cas, elle part dans le décor.

– Ça se tient. » Ils en auraient le cœur net dès que l’équipe technique (TAR) aurait reconstitué la scène. Pour ce faire, leurs collègues se serviraient d’un tachéomètre, comme en ont les géomètres pour mesurer les angles, les trajectoires, les distances. Après, ils entreraient toutes ces données dans un ordinateur qui les recracherait en langage intelligible – quoi, comment, pourquoi. Par exemple, dans le cas d’un conducteur inconscient, le véhicule a tendance à quitter la route au ralenti ou au point mort, car la personne n’appuie plus sur l’accélérateur. En revanche, un chauffeur ivre mais éveillé roulera de manière assez incohérente – un dérapage par-ci, un coup de frein par-là – pour laisser des traces de gomme sur la chaussée. Wyatt et Kevin faisaient eux-mêmes partie de l’équipe TAR. Ils n’en étaient pas à leur premier constat, ni à leur dernier.

Mais ce matin, il y avait plus urgent. Ce matin, comme les dizaines d’autres flics en uniforme – police municipale, du comté, de l’État – qui piétinaient dans le froid et la boue, ils poursuivaient un seul et unique objectif : retrouver une petite fille disparue.

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Extrait ajouté par magaliB 2020-12-06T22:03:56+01:00

1

Je suis déjà morte une fois.

Je me rappelle ce que j’ai ressenti, si tant est que je puisse me rappeler quoi que ce soit aujourd’hui. Une douleur intense, cuisante, suivie d’une immense et accablante fatigue. Je voulais tout laisser tomber ; ça, je m’en souviens parfaitement. J’avais besoin que ça s’arrête. Mais je ne l’ai pas fait. J’ai lutté contre la douleur, la fatigue, la lumière blanche à la con. Je me suis accrochée et, petit à petit, je suis revenue dans le monde des vivants.

Pour Vero. Parce qu’elle avait besoin de moi.

Qu’as-tu fait ?

Maintenant je flotte entre ciel et terre. J’ai l’impression que ce n’est pas normal. Les automobiles sont trop lourdes, elles ne sont pas faites pour voler, surtout les gros 4 × 4 de luxe. Il y a une odeur étrange, un truc âcre qui m’agresse les narines. De l’alcool. Du whisky Glenlivet, plus précisément. Je ne bois que du bon, par principe.

Qu’as-tu fait ?

Je voudrais crier. Je fends les airs ; dans une seconde, je vais mourir une deuxième fois. Si je dois y passer, j’aimerais au moins faire entendre ma voix. Mais rien ne sort.

À la place, je regarde fixement à travers le pare-brise. Il fait noir comme dans un four. Et, comble de l’ironie, il pleut.

Comme cette nuit-là. Avant que…

Qu’as-tu fait ?

Voler n’est pas si désagréable. Au contraire, la sensation est plutôt plaisante, jubilatoire même. Je défie les lois de la pesanteur, je laisse derrière moi les contraintes de la vie terrestre. Je devrais tendre les bras pour mieux étreindre cette deuxième mort qui s’annonce.

Vero.

Ma belle petite Vero.

Et puis…

La force de gravité reprend ses droits. Dès qu’elle entre en contact avec le sol, ma voiture retrouve son poids d’origine. Un terrible fracas. Une onde de choc. Mon corps, si léger l’instant d’avant, heurte le volant, le tableau de bord, le levier de 1

Je suis déjà morte une fois.

Je me rappelle ce que j’ai ressenti, si tant est que je puisse me rappeler quoi que ce soit aujourd’hui. Une douleur intense, cuisante, suivie d’une immense et accablante fatigue. Je voulais tout laisser tomber ; ça, je m’en souviens parfaitement. J’avais besoin que ça s’arrête. Mais je ne l’ai pas fait. J’ai lutté contre la douleur, la fatigue, la lumière blanche à la con. Je me suis accrochée et, petit à petit, je suis revenue dans le monde des vivants.

Pour Vero. Parce qu’elle avait besoin de moi.

Qu’as-tu fait ?

Maintenant je flotte entre ciel et terre. J’ai l’impression que ce n’est pas normal. Les automobiles sont trop lourdes, elles ne sont pas faites pour voler, surtout les gros 4 × 4 de luxe. Il y a une odeur étrange, un truc âcre qui m’agresse les narines. De l’alcool. Du whisky Glenlivet, plus précisément. Je ne bois que du bon, par principe.

Qu’as-tu fait ?

Je voudrais crier. Je fends les airs ; dans une seconde, je vais mourir une deuxième fois. Si je dois y passer, j’aimerais au moins faire entendre ma voix. Mais rien ne sort.

À la place, je regarde fixement à travers le pare-brise. Il fait noir comme dans un four. Et, comble de l’ironie, il pleut.

Comme cette nuit-là. Avant que…

Qu’as-tu fait ?

Voler n’est pas si désagréable. Au contraire, la sensation est plutôt plaisante, jubilatoire même. Je défie les lois de la pesanteur, je laisse derrière moi les contraintes de la vie terrestre. Je devrais tendre les bras pour mieux étreindre cette deuxième mort qui s’annonce.

Vero.

Ma belle petite Vero.

Et puis…

La force de gravité reprend ses droits. Dès qu’elle entre en contact avec le sol, ma voiture retrouve son poids d’origine. Un terrible fracas. Une onde de choc. Mon corps, si léger l’instant d’avant, heurte le volant, le tableau de bord, le levier de vitesse. Comme une poupée de chiffon. Le bruit du verre qui éclate. Mon visage qui part en mille morceaux.

Une douleur intense, cuisante, suivie d’une immense et accablante fatigue. Je veux tout laisser tomber. J’ai besoin que ça s’arrête.

Je pense : Vero.

Et puis : Oh mon Dieu, qu’ai-je fait ?

Mon visage est trempé. Je me passe la langue sur les lèvres. Elles ont un goût d’eau, de sel, de sang. Je lève doucement la tête. Un élancement me déchire la tempe. Je grimace. Par réflexe, je baisse le menton. Mon front endolori heurte une surface en plastique rigide. Le volant. Il est enfoncé dans ma cage thoracique ; ma jambe est bizarrement tordue, mon genou coincé sous le tableau de bord froissé. Je suis tombée, me dis-je, et je ne peux pas me relever.

J’entends un rire. Ou peut-être un sanglot. Un bruit insolite en tout cas, comme un gémissement suraigu, interminable, malsain.

C’est de moi qu’il émane.

La pluie a réussi à pénétrer dans l’habitacle. Ou alors non, c’est moi qui ai réussi à en sortir, je ne sais pas très bien. Le whisky. Ça sent tellement fort que j’en ai la nausée. En fait, c’est mon pull qui empeste comme ça. J’ai du mal à accommoder mais je repère les morceaux de verre éparpillés autour de moi ; des tessons de bouteille.

Je devrais agir. Sortir de là. Appeler à l’aide. Faire quelque chose.

Ma tête est si mal en point que des éclairs de lumière blanche explosent sur le velours noir de la nuit, où que mes yeux se posent.

Vero.

Ce nom s’impose à mon esprit, m’ancre à la réalité, me guide, me pousse en avant. Vero, Vero, Vero.

Je bouge. Laborieusement. J’essaie de m’extirper de mon siège. La plainte continue devient un hurlement effroyable. On dirait que le nez de mon véhicule est fiché dans le sol ; le tableau de bord à moitié défoncé me rentre dans le thorax. Je ne suis pas assise à la verticale mais légèrement penchée vers l’avant, comme si mon Audi n’arrivait pas à retomber sur ses roues arrière. Et je dois redoubler d’efforts pour dégager mon corps coincé entre le siège, le volant et le tableau de bord.

La masse de l’airbag m’entrave, me colle. J’en ai plein les mains, je l’insulte. Je recommence à brailler, à me débattre, à fulminer. Une colère aveugle qui a l’intérêt de noyer ma fatigue sous des flots d’adrénaline. Ne reste plus que la douleur, terrible, infinie. Une douleur dont je sais qu’elle dépasse ce que je peux supporter. À force de me tortiller, je parviens à m’extraire de là. Et je m’écroule, hors d’haleine, sur la console centrale. Mes jambes fonctionnent. Mes bras aussi.

Ma tête brûle littéralement.

Vero.

De la fumée. Ça sent le brûlé ou quoi ? Soudain, la panique me prend. La fumée, les cris, le feu. La fumée, les cris, le feu.

Vero, Vero, Vero.

Sauve-toi. Cours !

Non. Calme-toi. Il n’y a pas de fumée. Tu confonds avec la première fois. On peut mourir combien de fois ? Je n’en sais trop rien. Tout se mélange dans ma pauvre tête : l’odeur de la terre mouillée, la chaleur des flammes et tout le reste. Des sensations multiples mais intimement liées. Je meurs. Est-ce que je suis morte ? Non. Si, je suis bel et bien morte. Mais pour la combientième fois ?

Je suis complètement paumée.

Une seule chose m’importe toujours. Vero. Je dois sauver Vero.

La banquette arrière. Je pivote sur moi-même. Je me cogne le genou gauche puis le genou droit. Je gueule. Bordel. Ça fait mal mais tant pis. La banquette arrière. Il faut que j’atteigne cette foutue banquette arrière.

Je tâtonne dans le noir. Je lèche la pluie, la boue sur mes lèvres. Au même moment, je m’aperçois que le pare-brise est éventré. Le toit ouvrant aussi, d’où la pluie qui détrempe l’habitacle. Mon magnifique 4 × 4 hybride, un Audi Q5 quasiment neuf, a perdu trente centimètres. Le capot a encaissé l’essentiel du choc. J’imagine que les portières avant sont bloquées. En revanche, à l’arrière, on dirait qu’elles n’ont pas trop souffert.

« Vero, Vero, Vero. »

Tiens, je porte des gants. Ou j’en portais. Ils sont tellement déchirés par les éclats de verre qu’ils ressemblent à des lambeaux de peau sanguinolents qui ballottent autour de mes doigts. Ils me gênent. J’arrive à les enlever tant bien que mal. Puis, par simple réflexe, je les enfonce dans une poche de mon pantalon. Pas question de les jeter par terre. Je ne balance pas mes déchets n’importe où. Ma voiture n’est pas une poubelle. Enfin, elle ne l’était pas, devrais-je dire.

Mon mal de tête repart de plus belle. Je voudrais me mettre en boule et dormir, dormir, dormir.

Mais je ne le fais pas. Impossible : Vero.

À nouveau, je m’intime de bouger. Je farfouille dans le noir, à droite, à gauche. Je ne trouve rien. Personne. Je recommence. Je cherche sur les coussins, sur le sol et mes mains tremblent de plus en plus fort. Comme si un petit corps pouvait apparaître sous mes doigts, par magie. Mais non.

Et si… et si elle avait été éjectée au moment du décollage ? L’Audi a bien essayé de s’envoler. Pourquoi pas Vero ?

Maman, regarde. Je suis un avion.

Qu’ai-je fait ? Nom de Dieu, qu’ai-je fait ?

Il faut que je sorte de cette bagnole. Tout de suite. Rien d’autre n’a d’importance. Elle est forcément là-dehors, dans le noir, la pluie, la boue. Vero. Je dois la sauver.

Je me faufile à l’arrière en rampant sur les coudes. Maintenant, il faut que je me casse en deux pour atteindre la portière. Elle ne s’ouvre pas. Je tire. La poignée se 1

Je suis déjà morte une fois.

Je me rappelle ce que j’ai ressenti, si tant est que je puisse me rappeler quoi que ce soit aujourd’hui. Une douleur intense, cuisante, suivie d’une immense et accablante fatigue. Je voulais tout laisser tomber ; ça, je m’en souviens parfaitement. J’avais besoin que ça s’arrête. Mais je ne l’ai pas fait. J’ai lutté contre la douleur, la fatigue, la lumière blanche à la con. Je me suis accrochée et, petit à petit, je suis revenue dans le monde des vivants.

Pour Vero. Parce qu’elle avait besoin de moi.

Qu’as-tu fait ?

Maintenant je flotte entre ciel et terre. J’ai l’impression que ce n’est pas normal. Les automobiles sont trop lourdes, elles ne sont pas faites pour voler, surtout les gros 4 × 4 de luxe. Il y a une odeur étrange, un truc âcre qui m’agresse les narines. De l’alcool. Du whisky Glenlivet, plus précisément. Je ne bois que du bon, par principe.

Qu’as-tu fait ?

Je voudrais crier. Je fends les airs ; dans une seconde, je vais mourir une deuxième fois. Si je dois y passer, j’aimerais au moins faire entendre ma voix. Mais rien ne sort.

À la place, je regarde fixement à travers le pare-brise. Il fait noir comme dans un four. Et, comble de l’ironie, il pleut.

Comme cette nuit-là. Avant que…

Qu’as-tu fait ?

Voler n’est pas si désagréable. Au contraire, la sensation est plutôt plaisante, jubilatoire même. Je défie les lois de la pesanteur, je laisse derrière moi les contraintes de la vie terrestre. Je devrais tendre les bras pour mieux étreindre cette deuxième mort qui s’annonce.

Vero.

Ma belle petite Vero.

Et puis…

La force de gravité reprend ses droits. Dès qu’elle entre en contact avec le sol, ma voiture retrouve son poids d’origine. Un terrible fracas. Une onde de choc. Mon corps, si léger l’instant d’avant, heurte le volant, le tableau de bord, le levier de vitesse. Comme une poupée de chiffon. Le bruit du verre qui éclate. Mon visage qui part en mille morceaux.

Une douleur intense, cuisante, suivie d’une immense et accablante fatigue. Je veux tout laisser tomber. J’ai besoin que ça s’arrête.

Je pense : Vero.

Et puis : Oh mon Dieu, qu’ai-je fait ?

Mon visage est trempé. Je me passe la langue sur les lèvres. Elles ont un goût d’eau, de sel, de sang. Je lève doucement la tête. Un élancement me déchire la tempe. Je grimace. Par réflexe, je baisse le menton. Mon front endolori heurte une surface en plastique rigide. Le volant. Il est enfoncé dans ma cage thoracique ; ma jambe est bizarrement tordue, mon genou coincé sous le tableau de bord froissé. Je suis tombée, me dis-je, et je ne peux pas me relever.

J’entends un rire. Ou peut-être un sanglot. Un bruit insolite en tout cas, comme un gémissement suraigu, interminable, malsain.

C’est de moi qu’il émane.

La pluie a réussi à pénétrer dans l’habitacle. Ou alors non, c’est moi qui ai réussi à en sortir, je ne sais pas très bien. Le whisky. Ça sent tellement fort que j’en ai la nausée. En fait, c’est mon pull qui empeste comme ça. J’ai du mal à accommoder mais je repère les morceaux de verre éparpillés autour de moi ; des tessons de bouteille.

Je devrais agir. Sortir de là. Appeler à l’aide. Faire quelque chose.

Ma tête est si mal en point que des éclairs de lumière blanche explosent sur le velours noir de la nuit, où que mes yeux se posent.

Vero.

Ce nom s’impose à mon esprit, m’ancre à la réalité, me guide, me pousse en avant. Vero, Vero, Vero.

Je bouge. Laborieusement. J’essaie de m’extirper de mon siège. La plainte continue devient un hurlement effroyable. On dirait que le nez de mon véhicule est fiché dans le sol ; le tableau de bord à moitié défoncé me rentre dans le thorax. Je ne suis pas assise à la verticale mais légèrement penchée vers l’avant, comme si mon Audi n’arrivait pas à retomber sur ses roues arrière. Et je dois redoubler d’efforts pour dégager mon corps coincé entre le siège, le volant et le tableau de bord.

La masse de l’airbag m’entrave, me colle. J’en ai plein les mains, je l’insulte. Je recommence à brailler, à me débattre, à fulminer. Une colère aveugle qui a l’intérêt de noyer ma fatigue sous des flots d’adrénaline. Ne reste plus que la douleur, terrible, infinie. Une douleur dont je sais qu’elle dépasse ce que je peux supporter. À force de me tortiller, je parviens à m’extraire de là. Et je m’écroule, hors d’haleine, sur la console centrale. Mes jambes fonctionnent. Mes bras aussi.

Ma tête brûle littéralement.

Vero.

De la fumée. Ça sent le brûlé ou quoi ? Soudain, la panique me prend. La fumée, les cris, le feu. La fumée, les cris, le feu.

Vero, Vero, Vero.

Sauve-toi. Cours !

Non. Calme-toi. Il n’y a pas de fumée. Tu confonds avec la première fois. On peut mourir combien de fois ? Je n’en sais trop rien. Tout se mélange dans ma pauvre tête : l’odeur de la terre mouillée, la chaleur des flammes et tout le reste. Des sensations multiples mais intimement liées. Je meurs. Est-ce que je suis morte ? Non. Si, je suis bel et bien morte. Mais pour la combientième fois ?

Je suis complètement paumée.

Une seule chose m’importe toujours. Vero. Je dois sauver Vero.

La banquette arrière. Je pivote sur moi-même. Je me cogne le genou gauche puis le genou droit. Je gueule. Bordel. Ça fait mal mais tant pis. La banquette arrière. Il faut que j’atteigne cette foutue banquette arrière.

Je tâtonne dans le noir. Je lèche la pluie, la boue sur mes lèvres. Au même moment, je m’aperçois que le pare-brise est éventré. Le toit ouvrant aussi, d’où la pluie qui détrempe l’habitacle. Mon magnifique 4 × 4 hybride, un Audi Q5 quasiment neuf, a perdu trente centimètres. Le capot a encaissé l’essentiel du choc. J’imagine que les portières avant sont bloquées. En revanche, à l’arrière, on dirait qu’elles n’ont pas trop souffert.

« Vero, Vero, Vero. »

Tiens, je porte des gants. Ou j’en portais. Ils sont tellement déchirés par les éclats de verre qu’ils ressemblent à des lambeaux de peau sanguinolents qui ballottent autour de mes doigts. Ils me gênent. J’arrive à les enlever tant bien que mal. Puis, par simple réflexe, je les enfonce dans une poche de mon pantalon. Pas question de les jeter par terre. Je ne balance pas mes déchets n’importe où. Ma voiture n’est pas une poubelle. Enfin, elle ne l’était pas, devrais-je dire.

Mon mal de tête repart de plus belle. Je voudrais me mettre en boule et dormir, dormir, dormir.

Mais je ne le fais pas. Impossible : Vero.

À nouveau, je m’intime de bouger. Je farfouille dans le noir, à droite, à gauche. Je ne trouve rien. Personne. Je recommence. Je cherche sur les coussins, sur le sol et mes mains tremblent de plus en plus fort. Comme si un petit corps pouvait apparaître sous mes doigts, par magie. Mais non.

Et si… et si elle avait été éjectée au moment du décollage ? L’Audi a bien essayé de s’envoler. Pourquoi pas Vero ?

Maman, regarde. Je suis un avion.

Qu’ai-je fait ? Nom de Dieu, qu’ai-je fait ?

Il faut que je sorte de cette bagnole. Tout de suite. Rien d’autre n’a d’importance. Elle est forcément là-dehors, dans le noir, la pluie, la boue. Vero. Je dois la sauver.

Je me faufile à l’arrière en rampant sur les coudes. Maintenant, il faut que je me casse en deux pour atteindre la portière. Elle ne s’ouvre pas. Je tire. La poignée se couvre de sang. Je pousse de toutes mes forces, je pleure, je supplie, j’implore. Rien n’y fait. L’impact ? La sécurité enfant ? Et merde !

Il y a une autre solution. Passer par le coffre. Je me remets en mouvement. Avec une lenteur exaspérante car la douleur dans ma tête me soulève l’estomac. Je sens monter la nausée. Je vais vomir mais je m’en fiche. Il faut que je sorte d’ici. Il faut que je trouve Vero.

Ma bouche s’emplit d’une substance liquide. Je crache un filet de bile, vestige de single malt premier choix et de l’amertume d’une longue nuit.

Je me traîne dans la flaque de dégueulis, toujours résolue à sortir par l’arrière. Enfin une bonne nouvelle : la porte du coffre est entrouverte, sans doute à cause du choc.

Je la relève entièrement. Ensuite, comme ramper me fait trop mal aux côtes – seraient-elles brisées ? –, je me hisse à la force des bras et je m’étale à plat ventre dans la boue. Une boue tellement molle et gorgée d’eau qu’elle amortit ma chute. Je roule sur moi-même, le souffle haché par la douleur, l’effort physique et l’angoisse de me retrouver dans cette situation.

Je t’en prie, la pluie, va-t’en ! Tu tomberas un autre jour.

Maman, regarde, je suis un avion.

La fatigue revient. Immense, accablante. Je pourrais rester là, vautrée dans la gadoue, à attendre les secours. On va bien venir me chercher. Quelqu’un qui aura assisté à l’accident. Un automobiliste qui passait par là. Ou quelqu’un à qui je manquerai. Qui s’inquiétera pour moi.

Le visage d’un homme surgit dans mon esprit mais s’efface avant que je puisse l’identifier.

Je murmure « Vero ». Comme si la pluie pouvait m’entendre, ou bien la boue, ou bien la nuit sans étoiles.

L’odeur de la fumée, me dis-je machinalement. La chaleur du feu. Non, ça c’était la première fois. Fais un effort, bon sang ! Concentre-toi !

Je me remets sur le ventre et c’est parti.

La distance est longue d’ici à la route. Entre deux, il y a de la boue, de l’herbe, des buissons clairsemés, des cailloux pointus. Je perçois des bruits au loin ; des voitures qui passent en sifflant comme des oiseaux exotiques. Et moi qui rampe à la vitesse d’un escargot, je me rends compte du problème. Les véhicules sont tout là-haut ; et moi tout en bas. Jamais ils ne me verront. Jamais personne ne s’arrêtera pour m’aider à trouver Vero.

Encore deux centimètres, cinq, dix. Je heurte une pierre et pousse un cri muet. Puis je m’empêtre dans les broussailles, je jure. Mes doigts tremblants se tendent, encore et encore. La douleur hurle si fort dans ma tête que je dois m’arrêter de temps en temps pour régurgiter de misérables filets de bile.

Vero.

Et puis : Oh, Nicky, qu’as-tu fait ?

J’entends de nouveau ce curieux gémissement. Je n’en tiens pas compte. Je ne veux pas m’avouer que c’est moi, l’animal en détresse.

Ça fait combien de temps que je me contorsionne sur cette pente boueuse ? Au moment où j’atteins le sommet, je suis couverte de la tête aux pieds d’une substance noire et visqueuse. Loin de me perturber, cette pensée m’amuse. Ça me va bien, me dis-je. On a l’aspect qu’on mérite.

Je ressemble à une femme qui sort de sa tombe.

Des phares. Comme deux têtes d’épingle. Ils se rapprochent. Je pousse sur mes bras. Je me mets à quatre pattes, c’est la seule solution pour que l’automobiliste me voie. C’est assez facile parce que je n’ai plus mal aux côtes. Mon corps est comme engourdi, le hurlement dans ma tête a dû faire sauter les circuits et mettre toutes mes fonctions en veille.

Ou alors je suis morte. C’est peut-être ça, la mort, me dis-je en ramenant une jambe sous mon ventre. Je me relève, lentement mais sûrement.

Un crissement de freins. La voiture dérape sur la chaussée mouillée, fait un bref tête-à-queue et, par miracle, s’arrête juste devant ma main levée, mon visage blême, strié de pluie.

« Nom de… » Un monsieur d’un certain âge, visiblement secoué, ouvre sa portière. L’habitacle s’éclaire. Il pose un pied hésitant sur le macadam. « Madame, vous allez bien ? »

Je suis incapable de répondre.

« Vous avez eu un accident ? Où est votre voiture ? Voulez-vous que j’appelle les secours, madame ? »

Pas un mot.

Je pense : Vero.

Et soudain, tout me revient. Je me souviens. Une gigantesque explosion de lumière, de terreur et de rage. Une douleur fulgurante me transperce le crâne mais aussi le cœur. Ça y est, je sais qui je suis. Je suis le monstre caché sous le lit.

Le vieux monsieur recule d’un pas, comme s’il lisait dans mes pensées.

« … Ne bougez pas, madame. Attendez… je, heu, j’appelle une ambulance. »

L’homme replonge dans sa voiture faiblement éclairée. Je ne parle pas. Je reste plantée sous la pluie, les jambes flageolantes.

Je pense une dernière fois : Vero.

Puis le souvenir s’efface comme une page qui se tourne.

Et je ne suis plus personne, juste une femme revenue par deux fois d’entre les morts.

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Extrait ajouté par Gollum 2020-08-07T19:47:51+02:00

« Parce que j’ai peur, voulut dire Tessa. Parce que le bonheur ne ressemble jamais à ce qu’on nous promet à la fin des films. Parfois, ce n’est même pas une fin mais le début d’une nouvelle catastrophe. L’avenir demeure précaire et, trois ans plus tard, le passé peut encore revenir nous hanter. »

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