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1.
— C’est toi qui aurais dû être à sa place !
La princesse Leila Al-Ahmar du Surhaadi se figea lorsque la reine Farrah prononça à voix haute cette insoutenable vérité.
Au fond d’elle-même, Leila avait toujours su que sa mère lui préférait sa sœur Jasmine, morte tragiquement dans un accident de voiture. Mais entendre proférer de la bouche même de sa mère cet aveu d’une intolérable cruauté lui transperça le cœur.
Leila s’efforça de ne trahir aucune émotion.
C’était seulement la nuit, dans son sommeil, qu’elle s’autorisait à pleurer son chagrin.
L’absence d’amour maternel l’avait considérablement endurcie. Elle possédait une force peu commune, qui lui permettait de rester impassible même lorsque l’on versait de l’huile bouillante sur ses plaies.
Mais les paroles que sa mère venait de lui souffler au visage la marqueraient au fer rouge — elle en fut convaincue.
Cela faisait maintenant vingt-quatre ans qu’elle esquivait sa douleur. Mais ce soir elle était forcée de la ressentir, de l’affronter — d’accepter la réalité.
Après le dîner, au lieu de disparaître dans sa suite comme elle en avait l’habitude, Leila avait décidé de jouer de son cher qanun, une petite harpe qui était devenue bien plus qu’un instrument de musique : une confidente et une amie, tantôt douce et pure, tantôt violente et fougueuse. Lorsqu’elle en jouait, Leila avait la sensation que l’amour existait.
En dépit du comportement de ses parents.
Farrah méprisait le goût de sa fille pour la musique.
D’ailleurs, à ses yeux, Jasmine jouait infiniment mieux…
Comme chaque soir après le dîner, sa mère s’était installée devant son métier à tisser — cela faisait plus de seize ans qu’elle brodait inlassablement le même ouvrage. La nuit, elle défaisait ce qu’elle avait cousu la veille et recommen-
çait le lendemain, tandis que le père de Leila remâchait silencieusement ses idées noires.
Aux premières notes du morceau, Farrah avait pincé
les lèvres et, d’un air songeur, avait murmuré comme pour elle-même :
— Jasmine savait tenir une note si longtemps que les colombes venaient se jucher sur le rebord de fenêtre pour l’écouter…
Ce n’était pas la première fois que sa mère faisait ce genre de réflexion… Mais ce soir-là Leila avait choisi d’ignorer cette provocation et avait continué à pincer les cordes de son qanun. Si son frère aîné, Zayn, avait été au palais, il aurait désamorcé la tension.
Mais Zayn n’était pas là.
Et bientôt il épouserait la femme qu’on lui destinait depuis son enfance, songea Leila.
Quant à elle, son avenir restait indécis. Elle avait vingt-quatre ans — l’âge de se marier, de l’avis de tous.
Mais ses parents n’avaient pas encore formé de projet matrimonial pour elle. Sa mère restait obsédée par Jasmine, qui aurait fait une si belle mariée et qui aurait eu de si adorables bébés…
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