Extrait

** Extrait offert par Catherine George **

2.

Sans savoir alors que sa vie allait en être définitivement bouleversée, Alicia avait décidé d’explorer seule Florence, en ce premier jour de vacances qui était aussi celui de son dix-huitième anniversaire.

Armée d’un plan de la ville, elle avait arpenté les ruelles anciennes aux noms fascinants, toute fière de réussir à atteindre sans aide la Piazza della Signoria. Les yeux grands ouverts derrière ses lunettes de soleil, elle se fraya un chemin à travers la foule et les pigeons en profitant de ce lieu qu’elle avait souvent admiré dans des livres d’art, et surtout dans son film préféré : Chambre avec vue.

Elle se dirigea vers le fameux Caffe Rivoire. En cherchant à éviter deux amoureux qui s’embrassaient, elle trébucha, lâcha son sac et heurta de plein fouet un homme qui s’était précipité pour le ramasser.

— Mi dispiace, dit-il d’une voix profonde tout en l’aidant à retrouver son équilibre.

Rouge de confusion, Alicia releva la tête et découvrit un visage hâlé encadré par une chevelure brune bouclée. Les quelques phrases d’italien qu’elle avait eu tant de mal à retenir désertèrent sa mémoire tandis qu’elle contemplait son sauveur, éblouie.

— Excusez-moi, c’est ma faute, finit-elle par articuler dès qu’elle eut retrouvé sa voix.

— Vous êtes anglaise, répondit-il en souriant. Mais vous tremblez, piccola. Vous vous êtes fait mal ?

— Non.

Elle était simplement bouleversée de se trouver devant cet homme ; un homme dont la photo ornait le mur de sa chambre…

— Après ce choc, vous avez besoin d’une boisson fraîche. Permettez-moi me présenter, Francesco da Luca.

C’était donc vrai ! Elle inspira profondément pour tenter de se calmer.

— Comment allez-vous ? Je m’appelle Alicia Cross.

Une fois installée à la terrasse du Rivoire, à l’ombre du store, elle ôta ses lunettes de soleil et son chapeau blanc flambant neuf. Elle sourit timidement en commandant un chocolat chaud.

— Il paraît que c’est leur spécialité, et j’allais justement ici en prendre un quand je vous ai heurté.

— Vous êtes en vacances à Florence, mademoiselle Cross ?

— Oui.

— Toute seule ? Si jeune ?

— Non. Je suis venue avec Megan, ma meilleure amie, mais elle a été malade dans l’avion, ce matin. Elle se repose à l’hôtel. Elle a insisté pour que je commence à découvrir la ville. Avant que je sorte, elle m’a donné une longue liste d’instructions.

— Je suppose que l’une d’elles est de ne pas parler aux inconnus ? demanda-t-il avec un sourire qui fit battre plus vite le cœur d’Alicia.

— En tête de liste. Pardon, se reprit-elle, je ne voulais pas vous vexer.

— Je ne suis pas vexé, mais charmé par vos fossetti.

Le mot ne figurait pas dans le lexique d’Alicia, mais elle était pratiquement sûre de son sens.

— Je les déteste, dit-elle en souriant au garçon qui déposait devant elle son chocolat, avant de le remercier en italien.

— Vous avez tort. Elles sont adorables.

— Pas pour moi, déclara Alicia, qui avala une gorgée de chocolat. J’ai essayé de les éliminer, mais rien à faire.

— J’ai peur que nous ne nous soyons pas bien compris. Pouvez-vous sourire de nouveau, per favore ?