Extraits

- Le bois se chargera d’eux, fit Dusk l’air intrigué.

- C’est ce que je pensais, mais il semble qu’ils arrivent à avancer sans aucun problème, comme si les arbres s’endormaient à leur approche. Quelque chose ou quelqu’un les protège. Et je pense qu’il s’agit d’assassins voulant attenter à la vie du futur Riothime, en sachant parfaitement qui chercher et où.

- Cela signifie juste que ma présence était requise. Et j’ai déjà repéré une troupe d’hommes en arme non loin. J’ai tué deux de leurs éclaireurs. Un tour de Gatya peut-être ?

- Improbable, elle n’y gagnerait rien à voir le fils du Seigneur mourir si ce n’est à perdre sa meilleure défense au Nord. J'entends aussi des rumeurs étranges, concernant un allié dans le bois même, qui soutiendrait les ennemis de Bléhévan. C’est surtout cela qui m’intrigue et m’inquiète bien plus que toute autre considération.

- Quel peuple pourrait soutenir les humains ? Ils sont à peine supportés par la plupart d’entre nous, et le reste les ignore.

- Il y a bien un ancien peuple qui est actuellement en passe de reprendre de mauvaise habitude, mais je ne peux lancer d’accusations tant que je ne l’aurais de mes yeux vu. Les arachnides de l’Est.

- Les araignées ? Ne gardent-elles pas notre frontière Est justement ?

L’homme observait la pointe de ses chaussures Gucci à mille dollars avec un étonnement croissant. Une légère brume passa entre ses pieds, paresseusement.Autour de la semelle en caoutchouc naturel, il y avait des aiguilles de pin. Ou d’un autre arbre. Difficile de déterminer la chose. Il n’était pas proche de la nature. Sa spécialité était les ordinateurs. Pas les arbres. Un peu de terre s’était aussi collée au cuir noir, s’incrustant sur les reliefs finement cousus. Il écarquilla encore un peu plus les yeux, car son portable éclairait relativement mal. Il clignotait comme s’il était sur le point de mourir. Or c’était absurde. Il l’avait rechargé ce matin même, sur la prise de sa table de nuit, deux heures plus tôt.Mais ce qui était vraiment absurde, complètement absurde, se disait-il, c’était qu’il n’était pas là où il était supposé être. Ce que la lumière clignotante de son smartphone agonisant lui montrait, ce n’était pas le trottoir de la cinquième avenue où se dressait le building de son client. Ni la portière jaune du taxi qu’il venait de laisser derrière lui. C’était un alignement de troncs d’arbres, larges, anciens, couverts d’une mousse verdoyante dont même la lumière blafarde artificielle qu’il brandissait n’arrivait pas à en amoindrir le vert éclatant.L’homme secoua la tête, souffla et renifla, car il faisait froid. Il resserra les pans de son manteau et se faisant, son téléphone en profita pour rendre l’âme. Il pressa frénétiquement l’écran puis le bouton d’allumage, sans succès. Le noir absolu. La voûte végétale occultait le ciel. Impossible de savoir s’il y avait des étoiles ou une lune. Il n’apercevait même plus ses Gucci. Il paniqua et cria dans l'obscurité. Il crut entendre en écho des rires cristallins. Loin au-dessus de lui. Mais il eut beau tendre le cou, rien n'était visible.Puis la luminosité changea autour de lui. Il discerna un tronc d’arbre proche. Puis deux. Une légère lueur dansante s’approchait, lui permettant enfin de distinguer quelque chose.