Le seuil, tome 3 : L'enfant

Parmi les drames qui se jouaient quotidiennement, il y avait l’éternel Rivière. Le garçon petit et maigre, portant toujours un vieux jean et une chemise à carreaux qu’il laissait dépasser en vrac. Sûrement pour se donner un genre « intello débraillé ». Il se retirait toujours dans un coin de la cour pour lire un bouquin ou juste jouer avec des feuilles mortes. Elle avait du mal à imaginer qu’il puisse être en troisième. Il ressemblait plus à un élève de primaire qui se serait perdu lors d’une visite de pré-rentrée. Cela faisait de lui une cible particulièrement facile, pour elle, et pour les autres garçons du collège. Et son prénom, comble de l’ironie ne faisait que le désigner d’office pour les moqueries. « Rivière ». Il fallait vraiment être un vicieux tortionnaire pour nommer son enfant de la sorte, se disait-elle.

En début d’année, Thomas s’était fait un malin plaisir à lui rentrer dedans. Histoire de lui apprendre l’ordre des choses. À son sens, seule une stupidité crasse devait être requise pour répondre à un type qui faisait deux fois votre taille. Après un échange de regard et quelques paroles idiotes, Rivière s’était retrouvé par terre, fauché par une violente balayette. Il s’était relevé, tremblant, une expression idiote sur le visage. Puis il avait vu qu’il saignait, une simple éraflure sur sa main. Elle se rappela son regard effaré et sa fuite le long des couloirs, accompagnés par les rires de sa classe. On l’avait soupçonné d’avoir une de ces maladies contagieuses dont la télé parlait. Puis cet évènement fut oublié dans le méandre des incidents scolaire.

Elle vivait dans l’instant. Et pour l’instant, elle marchait avec sa bande, paradant dans un défilé imaginaire.