Vous utilisez un bloqueur de publicité

Cher Lecteur,

Nous avons détecté que vous utilisez un bloqueur de publicités (AdBlock) pendant votre navigation sur notre site. Bien que nous comprenions les raisons qui peuvent vous pousser à utiliser ces outils, nous tenons à préciser que notre plateforme se finance principalement grâce à des publicités.

Ces publicités, soigneusement sélectionnées, sont principalement axées sur la littérature et l'art. Elles ne sont pas intrusives et peuvent même vous offrir des opportunités intéressantes dans ces domaines. En bloquant ces publicités, vous limitez nos ressources et risquez de manquer des offres pertinentes.

Afin de pouvoir continuer à naviguer et profiter de nos contenus, nous vous demandons de bien vouloir désactiver votre bloqueur de publicités pour notre site. Cela nous permettra de continuer à vous fournir un contenu de qualité et vous de rester connecté aux dernières nouvelles et tendances de la littérature et de l'art.

Pour continuer à accéder à notre contenu, veuillez désactiver votre bloqueur de publicités et cliquer sur le bouton ci-dessous pour recharger la page.

Recharger la page

Nous vous remercions pour votre compréhension et votre soutien.

Cordialement,

L'équipe BookNode

P.S : Si vous souhaitez profiter d'une navigation sans publicité, nous vous proposons notre option Premium. Avec cette offre, vous pourrez parcourir notre contenu de manière illimitée, sans aucune publicité. Pour découvrir plus sur notre offre Premium et prendre un abonnement, cliquez ici.

Livres
714 476
Membres
1 012 359

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode

Ajouter un extrait


Liste des extraits

Après un dernier coup d’œil à Blair, Lorna suivit Lady Ailis. Elle avait pour la femme de son père la plus grande estime. Cette femme de noble naissance avait été mariée très jeune à un homme qu’elle n’avait pas choisi. Si elle n’aimait pas son époux, il le lui rendait bien. La pauvre lady s’était depuis longtemps habituée à le savoir partager d’autres lits, mais elle avait heureusement trouvé de la joie dans la naissance de leurs enfants. Deux grands fils, ceux-là mêmes qui combattaient aux côtés de leur père au sein de la rébellion, et une adorable fillette nommée Sorcha, encore bébé. Lady Ailis avait toujours traité Lorna avec bienveillance et avait même essayé de la faire accepter par son père. En vain.

Afficher en entier

** Extrait offert par Natacha J. Collins **

Chapitre 1

Highlands, Domaine de Loch Abar, un peu plus d’un an plus tard…

— Rory, oh, Rory !

Les gémissements voluptueux de la femme – Marsali, ou peut-être s’appelait-elle Mhairi, il n’avait pas pris la peine de retenir son prénom – furent le signal qu’attendait Rory Fraser. Ses coups de reins se firent de plus en plus rapides, de plus en plus violents. En réaction, elle s’accrocha à lui et poussa bientôt un long cri d’extase. Enfin, presque machinalement, il laissa à son tour échapper un grognement sourd. Juste à temps ! On tambourinait et hurlait rageusement derrière la porte.

— Femme, ouvre cette porte ! Tout de suite ! Je sais que tu es là !

Rory sourit à sa conquête d’un soir.

— Eh bien, ton époux a l’air sacrément furieux.

— Gordie est une brute. Il essaiera certainement de vous casser en deux, s’il vous trouve ici. Ce qui serait plutôt dommage, à mon avis…

Il manqua s’esclaffer devant sa minauderie.

— En effet, et c’est pourquoi cela n’arrivera pas.

Il la gratifia d’un baiser sonore, puis d’un bond il s’extirpa du lit. Se rhabiller serait rapide. Ce n’était guère la première fois !

— Tout ira bien, pour toi ? Tu es sûre ? demanda-t-il à la femme tout en enfilant une botte.

Elle haussa les épaules, esquissa un sourire mutin.

— Gordie est fou de moi, il ne me fera pas de mal et je sais comment lui parler. Vous, par contre, s’il…

Les coups portés à la porte redoublèrent de violence. Cette dernière semblait sur le point de sortir de ses gonds. Les hurlements de rage du mari cocufié retentirent, lourds de menaces.

— Diable ! Marjory ! Ouvre cette foutue porte avant que je la défonce !

Marjory ! Évidemment. Rory se donna une tape sur le front. Cela lui revenait, à présent.

— À votre place, murmura-t-elle en s’adressant à lui, je ne traînerais pas davantage.

Afficher en entier

** Extrait offert par Natacha J. Collins **

Prologue

Banedoch, Écosse, 1229

L’orage grondait furieusement sur le Bàideanach1. Accompagné de violents éclairs qui déchiraient le ciel nocturne, le fracas du tonnerre résonnait sinistrement dans les terres. C’était ainsi depuis des jours, comme si les éléments cherchaient à faire écho aux émotions des habitants du château. Depuis le départ quelques semaines plus tôt du maître des lieux et de ses deux fils aînés, bien décidés à renverser le roi Alexandre II d’Écosse, les membres du clan McWilliams ne cessaient de trembler. Soit leur laird réussissait à récupérer la couronne pour laquelle il estimait avoir toute légitimité, soit il échouait et dans ce cas… la vengeance du roi sur son clan serait sans aucun doute terrible ! Aux yeux de Lorna, fille bâtarde du laird et d’une servante, tout cela n’était que folie et orgueil mal placé. Tant de morts, pour si peu ! Que lui importait une couronne qui n’avait apporté que du malheur aux siens ! Pourtant, depuis des années, les McWilliams et leurs alliés fomentaient, tuaient, pillaient, allant jusqu’à brûler la ville d’Inverness, pour espérer obtenir ce qu’ils appelaient « justice ». Hélas, le roi Alexandre II ne valait guère mieux… Lorna soupira lourdement. Si seulement on lui avait demandé son avis, elle aurait clamé sans hésiter que tout cela ne faisait qu’affaiblir l’Écosse, alors que de nombreux dangers extérieurs la menaçaient déjà. À plusieurs reprises, elle avait entendu les hommes en parler, et elle était terriblement consciente des enjeux. À présent que l’armée de son père et de ses alliés jouait ce qui serait probablement leur ultime bataille contre le roi, elle en faisait de terribles cauchemars. La fatigue et l’inquiétude la rendaient maladroite, ce qui lui valait immanquablement de sévères réprimandes de la part de Margaret, la revêche responsable des domestiques, qui semblait guetter la faute pour la critiquer.

— Lorna ! cria cette dernière de sa voix haut perchée. Cesse donc de rêvasser ainsi, le travail ne va pas se faire tout seul ! Seigneur, comment peut-on être si malhabile ! Si Lady Ailis l’autorisait, cela ferait déjà bien longtemps que je t’aurais jetée dehors !

Lorna serra les poings et ouvrit la bouche pour répliquer, mais elle ne prononça pas un mot. Si elle s’y hasardait, elle en paierait chèrement le prix. Cette fois encore, Margaret se plaindrait à son père et cette fois encore, Lorna n’en doutait point, il la ferait fouetter pour avoir osé répondre à sa maîtresse favorite. Elle pouvait bien être de son sang, il ne l’avait jamais aimée, et encore moins traitée comme son enfant. À vrai dire, il semblait à peine remarquer son existence, la plupart du temps. S’il n’y avait eu leurs yeux bleus, si semblables, et la marque de naissance particulière en forme de croissant de lune sur le bas de leurs reins respectifs, rien n’aurait laissé supposer qu’ils fussent parents.

Elle se détourna de Margaret, préférant l’ignorer ostensiblement. Du mépris, voilà tout ce que méritait cette maudite femme ! Aussi splendide extérieurement que mauvaise à l’intérieur, songea Lorna, dépitée que son père puisse choisir de partager la couche de Margaret plutôt que celle de l’admirable Lady Ailis, son épouse légitime. En silence, Lorna continua à débarrasser les tables du dîner. À ses côtés, son amie Blair s’acquittait de sa tâche avec un entrain inhabituel. Elle chantonnait même ! Cela fit sourire Lorna… et l’intrigua.

— Qu’est-ce qui te rend si joyeuse, Blair ? murmura-t-elle.

Les joues rondes de Blair rosirent, et ses yeux marron pétillèrent. C’était une jolie jeune fille, petite et gironde, à la joie de vivre communicative.

— Tu garderas le secret, pas vrai ?

— Bien sûr, tu me connais. Allons, je veux savoir, qu’est-ce qui se passe ? Dis-moi !

— C’est Connor ! Il souhaite m’épouser ! Je suis tellement heureuse, Lorna ! Mon père est ravi, lui aussi. Il adore Connor et, comme ça, la forge restera dans la famille. Nous pourrons nous marier au printemps prochain, et…

— Pauvres idiotes ! Allez-vous enfin cesser de perdre votre temps à babiller ? Vous n’êtes décidément que des bonnes à rien !

Margaret les toisait si durement que la colère déformait ses traits. À un point tel que Lorna crut déceler en elle un sluagh2, prêt à emporter leurs âmes ! Ce qui n’était peut-être pas si éloigné de la vérité : Margaret avait tout d’un démon dans un corps d’ange. Blair glapit. L’expression blessée et le teint pâle, elle baissa les yeux, mais Lorna ne l’imita pas. Voir l’enthousiasme de son amie ainsi gâché, c’en était trop ! Furieuse contre Margaret, elle se redressa et riva son regard dans celui de la matrone. Tant pis si cela lui valait une correction !

— Ça suffit, Margaret ! Nous méritons plus de respect !

Margaret fit claquer sa langue, qu’elle savait aussi cinglante qu’un fouet.

— Du respect, dis-tu ? Et pourquoi donc le mériterais-tu ? Tu n’es qu’une bâtarde, ma pauvre fille, une idiote, une bouche à nourrir inutile, et ta mère, elle, par le ciel, n’était qu’une misérable catin vaniteu…

La soudaineté de la gifle la fit vaciller. Margaret dévisagea Lorna, comme si elle la voyait pour la première fois. Jamais cette dernière n’avait osé la frapper ! Lorna fit un pas en avant.

— Ne parlez plus jamais de ma mère ainsi. Ou je vous cogne encore. Plus fort.

Sa voix était glaciale. Les dents serrées, elle se retenait avec peine de se laisser entièrement emporter par la colère. Choquée, Margaret la foudroya du regard.

— Misérable, tu le regretteras ! Dès que le laird apprendra ce que tu as fait, il…

— Taisez-vous, Margaret. À moins que vous ne teniez à ce que je vous fasse couper la langue pour ne plus vous entendre.

Toutes les têtes se tournèrent sur Lady Ailis. La châtelaine venait d’arriver dans la grande salle, accompagnée de sa garde. Ses longs cheveux bruns retombaient en cascade sur ses épaules graciles, et ses yeux d’un gris sombre bordés d’épais cils noirs étaient sévèrement rivés sur Margaret. Cette dernière, l’air pincé, capitula sous leur intensité.

— Oui, milady, bien sûr, comme vous le voudrez, grimaça-t-elle.

Après une révérence maladroite, elle releva ses jupes pour sortir de la pièce d’un pas vif. Lady Ailis se tourna vers Lorna, qui cherchait à retrouver son calme.

— Lorna, mon enfant, viens avec moi.

— Oui, milady.

Après un dernier coup d’œil à Blair, Lorna suivit Lady Ailis. Elle avait pour la femme de son père la plus grande estime. Cette femme de noble naissance avait été mariée très jeune à un homme qu’elle n’avait pas choisi. Si elle n’aimait pas son époux, il le lui rendait bien. La pauvre lady s’était depuis longtemps habituée à le savoir partager d’autres lits, mais elle avait heureusement trouvé de la joie dans la naissance de leurs enfants. Deux grands fils, ceux-là mêmes qui combattaient aux côtés de leur père au sein de la rébellion, et une adorable fillette nommée Sorcha, encore bébé. Lady Ailis avait toujours traité Lorna avec bienveillance et avait même essayé de la faire accepter par son père. En vain.

La châtelaine ralentit soudain le pas et posa ses grands yeux sur elle.

— Un peu de tranquillité te fera le plus grand bien, mon enfant. Cette Margaret, c’est un vrai serpent ! Ne laisse pas ses paroles venimeuses t’atteindre.

— Oui, milady.

— Seigneur Dieu, sans la protection que lui offre mon époux, cela ferait déjà longtemps que je me serais débarrassée d’elle…

Comment l’en blâmer ? Selon Lorna, cela serait même une bénédiction, si Margaret disparaissait de leurs vies. Nul n’ignorait qu’elle rêvait de remplacer Lady Ailis non seulement dans le lit du laird, mais aussi dans sa vie !

— Oublions cette harpie, proposa Lady Ailis. Je souhaitais t’en parler moi-même, avant que tu ne l’apprennes de quelqu’un d’autre. Ton père songe sérieusement à te faire épouser l’un de ses fidèles, pour le remercier de sa loyauté.

Lorna tourna la tête vers elle, stupéfaite.

— Mais… Il ne s’est guère préoccupé de moi, jusque-là, et à présent il voudrait me marier pour servir ses intérêts ? C’est injuste ! Ne suis-je vraiment rien de plus pour lui qu’une marchandise ?

Lady Ailis s’immobilisa et prit ses mains entre les siennes. Sa douceur lui fit presque monter les larmes aux yeux.

— Je le sais, mais il est le laird et nous devons lui obéir. Même illégitime, tu restes sa seule fille en âge de se marier, et le laird Henderson a expressément demandé ta main.

Le laird Henderson ? Lorna se souvenait de lui. Un homme au regard lubrique, qui devait avoir trois fois son âge !

— Non ! Je refuse ! C’est hors de question ! Je ne veux pas de cet homme !

— Oh ! ma pauvre petite, je sais ce que tu ressens, pour l’avoir vécu moi-même. Je te promets d’essayer de faire changer ton père d’avis, mais il est terriblement entêté.

— Hélas, je ne le sais que trop bien.

Comment était-ce possible ? Son père semblait enfin réaliser qu’elle existait et qu’elle était de son sang… Mais uniquement parce que cela servait ses intérêts ! Le visage d’un garçon qu’elle avait aimé, par le passé, lui revint brusquement en mémoire. Des yeux rieurs, un sourire enjôleur, un corps divin… et un cœur de pierre. Gavin avait brisé le sien, un an plus tôt. Il l’avait abandonnée sans manifester le moindre regret, après avoir pourtant promis de l’épouser. Elle pensait alors l’aimer, et lui avait offert sa virginité. Quelle idiote de l’avoir cru ! Lui aussi s’était servi d’elle, tout comme son maudit père prévoyait de le faire, en l’offrant à un homme qu’elle méprisait !

Lady Ailis la dévisagea longuement, puis soupira.

— J’essaierai de le convaincre, dès son retour. La victoire le rendra sans doute plus amène à mes paroles.

Lorna la remercia du bout des lèvres, tant elle se sentait mal. Jamais personne ne ferait changer son père d’avis, toutes deux le savaient. Comme une mère aimante le ferait, Lady Ailis l’embrassa sur le front, avant de la quitter. Déconfite, Lorna les regarda, elle et sa suite, bifurquer au bout du couloir. Si seulement elle pouvait contrôler son destin ! Si seulement elle pouvait changer les choses ! Elle joignit ses mains et pria pour que quelque chose se passe, n’importe quoi, afin qu’elle n’ait pas à épouser un homme dont elle ne voulait pas.

— Lorna ! Réveille-toi, je t’en supplie !

L’esprit encore embrumé de sommeil, Lorna grommela et se retourna sur le côté. La voix se mêla à la pluie et au vent qui vrombissait au-dehors, et elle décida de l’ignorer, persuadée qu’il ne s’agissait que d’un rêve.

Hélas, la voix insista.

— Seigneur Dieu, Lorna, debout ! Lève-toi !

Quelqu’un la secouait vigoureusement par les épaules, à présent, et elle ouvrit franchement les yeux. Au-dessus d’elle, Blair était aussi pâle qu’une morte.

— Les Comyn, Lorna ! Les Comyn sont là ! Ils assiègent le château !

Lorna se redressa subitement, parfaitement réveillée et horrifiée. Les Comyn, ici, cela ne pouvait signifier qu’une chose ! Son père avait perdu la guerre et, à présent, les hommes du roi étaient venus se venger sur son clan ! Elle se leva d’un bond et entreprit de se vêtir à la hâte.

Ce n’est pas possible. C’est un cauchemar et je vais bientôt me réveiller…

— Nos soldats ne sont pas assez nombreux, balbutia Blair. Ils ne les retiendront pas longtemps hors de nos murs et… si les Comyn nous attrapent… S’ils te trouvent et découvrent qui tu es, Lorna, ils…

Blair ne termina pas sa phrase, les mots semblant se nouer dans sa gorge. Lorna savait parfaitement ce qu’elle pensait : « S’ils te trouvent, ils te livreront au roi et te tueront. » S’ils ne la violaient pas avant. Il ne fallait pas espérer d’eux la moindre compassion.

— Dépêchons-nous, chuchota-t-elle.

— Connor et mon père nous attendront aux écuries, comme nous l’avions prévu en cas d’attaque, assura Blair, dont la voix fut soudain secouée de déchirants sanglots. Je ne partirai pas sans eux, Lorna. Jamais. Je ne peux pas !

— Tu n’auras pas à le faire. Allons, viens. Ils nous attendent. Tu l’as dit toi-même.

Lorna jeta son baluchon sur son épaule, et elles quittèrent leur chambre. Dans le long couloir, elles se frayèrent un chemin parmi les domestiques et les serviteurs qui couraient, paniqués.

— Ne lâche pas ma main ! ordonna Lorna.

Si elles se perdaient de vue, elles ne se retrouveraient jamais, dans ce chaos ! Un homme la percuta si violemment que… Son baluchon ! Elle l’avait laissé tomber ! Trop tard pour retourner en arrière pour le chercher, elles devaient avancer ! Serrant plus fermement les doigts de Blair entre les siens, elle progressa aussi vite que possible. Tout autour, partout, les gens hurlaient, terrorisés.

Des cris plus forts encore furent poussés de la cour. Des voix emplies de fureur qui se joignaient au fracas de portes qu’on brise. Blair s’immobilisa, tétanisée par la frayeur.

— Ils sont entrés dans le château ! Ils sont entrés !

Lorna la tira en avant.

— Par là ! Vite !

Elles parvinrent jusqu’à un escalier de service qui menait aux cuisines. De là, il leur suffirait de traverser encore deux couloirs pour atteindre une porte dérobée et arriver enfin aux écuries. Avec de la chance, et en étant assez rapides, elles…

Lorna se figea brusquement. Elle se tourna vers Blair, qui la regarda sans comprendre.

— Qu’est-ce que tu fais ? Par tous les saints, Lorna, viens !

— Rejoins Connor et ton père. Fuyez ensemble jusqu’à notre endroit spécial, sans m’attendre. Je vous y retrouverai ensuite, dès que je pourrai.

— Mais qu’est-ce que tu racontes ?

— Lady Ailis et la petite Sorcha. Je ne partirai pas sans m’assurer qu’elles sont en sécurité.

— As-tu perdu l’esprit ? Jamais tu ne pourras les…

Impulsivement, Lorna l’étreignit étroitement. C’était très certainement un adieu, elle en était douloureusement consciente, mais elle devait écouter ce que lui dictait son cœur.

— Peut-être, mais je dois essayer. Je t’en supplie, Blair, fais ce que je te demande. Pars, à présent, et reste en vie !

Sans un regard en arrière, Lorna s’élança dans l’autre sens, vers les entrailles du château. Derrière elle retentissaient les appels déchirants de son amie.

Veillez sur elle, par pitié ! pria-t-elle intérieurement. Veillez sur nous tous !

Autour d’elle, c’était le chaos. Les gens hurlaient, couraient, tombaient et se relevaient pour repartir, leurs maigres possessions sur le dos. Tous cherchaient à fuir la forteresse, tandis qu’elle, elle s’y enfonçait ! De la fumée ! Il y avait le feu ! Se frayant un chemin dans les couloirs, elle avançait sans s’arrêter. Ses poumons commençaient à la brûler, et elle fut prise d’une quinte de toux. Partout, par-dessus le ronflement des flammes, des bruits de combat retentissaient. Les Comyn semblaient déterminés à détruire tout aussi bien le château que ses habitants !

Elle parvint enfin devant l’escalier qui menait à l’étage où se situaient les appartements de Lady Ailis. De la fumée s’en échappait ! Priant pour ne pas arriver trop tard, elle s’y précipita et grimpa les marches. Une fois en haut, elle dut se retenir au mur pour ne pas vaciller. Respirer était devenu si difficile ! Des restes de tentures brûlaient, retombaient en lambeaux sur le sol. La fumée âcre piquait ses yeux, intensifiait sa toux. Plus elle progressait, plus la chaleur redoublait, plus les cris des combattants et les bruits des lames s’entrechoquant s’amplifiaient ! Elle manqua de trébucher plus d’une fois sur l’un des corps qu’ils laissaient dans leur sillage. Le doute n’était plus permis : les Comyn se taillaient un chemin vers les appartements de Lady Ailis !

Ne regarde pas les cadavres, ne les regarde pas et continue d’avancer ! s’intima-t-elle.

Un cri soudain la fit bondir.

C’était Lady Ailis !

— Ne nous approchez pas ! hurlait-elle. Je vous interdis de la toucher !

Luttant contre son impulsion de foncer directement dans la chambre dont la porte était grande ouverte, Lorna s’approcha prudemment, pour ne pas signaler sa présence. Si elle agissait sans réfléchir, elle se ferait prendre et ne pourrait plus aider personne. Son cœur battait si fort, cependant, qu’elle craignit que cela suffise à la trahir. Ce qu’elle vit ensuite l’emplit de frayeur et de colère. Lady Ailis, par terre, serrait fermement contre elle son enfant. Deux hommes leur faisaient face. Des guerriers aux couleurs honnies des Comyn, ce vert et ce rouge que Lorna n’oublierait jamais. Ils riaient, provoquaient la châtelaine qui reculait en rampant presque pour coller son dos au mur, près de la cheminée où on l’acculait.

Comment faire pour les aider ? Lorna était seule, désarmée, et ces hommes savaient se battre, bien mieux qu’elle ! Entre elle et les soldats ennemis gisaient au sol les cadavres de gardes de son clan, ainsi que ceux d’un Comyn, de la nourrice et plus près de la porte, celui de… Margaret ! La dague de Lady Ailis était enfoncée dans sa gorge jusqu’à la garde.

Lorna s’accroupit pour s’en emparer, priant pour y parvenir en silence. Les Comyn, trop occupés à provoquer Lady Ailis, ne la remarquèrent pas.

— Je m’demande quelle récompense on va en tirer, s’exclama l’un.

— Sûrement une belle, tu peux me croire ! La femme du traître, et sa morveuse, ça vaut son pesant d’or ! répliqua l’autre.

— Et sa bâtarde ? On touchera plus encore si on la ramène aussi, ajouta-t-il en se retournant vers Lady Ailis. Ça serait fort aimable de votre part, milady, que de nous dire où la trouver, vu que vous avez tué notre espionne quand elle allait nous le révéler. Dommage, elle était plutôt jolie, et rusée. Enfin, pour une femme !

Il éclata d’un rire gras. Lorna frémit. L’espionne dont il parlait, c’était forcément Margaret ! Cette garce les avait trahis ! Voilà pourquoi Lady Ailis l’avait tuée ! Bon débarras !

Cependant, Lorna se préoccupait bien plus de ce qu’avait ajouté le Comyn : ils cherchaient la bâtarde du laird ! Il ne pouvait s’agir que d’elle ! Cette maudite Margaret leur avait appris son existence, évidemment ! Alors qu’elle cherchait quoi faire, l’un des soldats se pencha sur Lady Ailis et tenta de lui arracher Sorcha des bras. La châtelaine le gifla.

— Je vous ai interdit de… Ah !

L’homme la frappa à son tour, encouragé par son comparse.

— Si elle refuse de répondre, recommence. Le laird ne nous en voudra pas si elle est un peu abîmée. Tous les McWilliams vont y passer, de toute façon, autant que…

Ses mots moururent dans sa gorge quand Lorna la lui trancha. Il se tourna lentement pour la regarder avec des yeux exorbités. L’étonnement se lisait dans ses pupilles sombres où la vie disparaissait. Sa bouche gargouilla quelque chose, il tendit le bras vers Lorna qui recula, puis il s’effondra lourdement. Il se serait écrasé sur elle si elle ne s’était pas écartée à temps.

Un cri rauque et sauvage la fit bondir. L’autre Comyn se ruait sur elle ! Il agrippa son cou et la plaqua si brutalement contre le mur qu’elle en lâcha son arme. Suffocant, elle se débattit de toutes ses forces, le frappa de ses jambes, de ses poings, essaya vainement de desserrer l’impitoyable emprise qui lui broyait la gorge.

— Sale garce ! Tu vas payer ! Tu…

— Non ! Laissez-la tranquille !

Elle entendait à peine Lady Ailis, qui suppliait son tortionnaire. Tout se brouillait autour d’elle, sa vue, son ouïe, ses forces l’abandonnaient. Mais alors qu’elle sombrait dans les ténèbres, le soldat la lâcha et elle retomba lourdement à terre. Toussant et haletant, une main plaquée sur sa gorge meurtrie, elle chercha à retrouver son souffle.

— La fille de McWilliams ? C’est bien ça que vous avez dit, milady ? cracha l’homme en s’adressant à Lady Ailis. Si c’est vrai, alors vous venez de lui sauver la vie… pour le moment.

Il se pencha sur Lorna, lui agrippa les cheveux et lui tira fermement la tête en arrière, pour mieux la dévisager d’un regard torve.

— En effet, c’est possible, grogna-t-il enfin.

D’un geste brusque, il déchira sa robe, exposant la peau nue de son dos à sa concupiscence. Horrifiée, elle tenta de se retourner et de se couvrir, de se masquer à sa vue, mais le mal était fait. Elle le lisait dans le regard de son ennemi. Il avait vu la marque. Il savait.

Il la redressa de force et plaqua un baiser sonore sur sa bouche. La nausée la prit, et elle essaya de le repousser, mais il était trop fort. Tétanisée, elle n’eut pas le temps de réagir quand il la pressa contre son torse. Ses seins frottaient douloureusement contre la tunique rêche du Comyn. Un sourire lubrique se dessina sur son visage rougeaud. Une de ses mains alla jusqu’à tâter les fesses de Lorna.

— Juste comme on nous l’a décrite, s’exclama-t-il. Encore mieux, même. Ah, et au fait, merci bien, gamine. Grâce à toi, la récompense sera pour moi seul, finalement.

Il poussa du pied le cadavre de son camarade et projeta Lorna auprès de Lady Ailis. Toutes deux se pressèrent l’une contre l’autre, terrifiées, l’enfant entre elles. Elles étaient à la merci de ce monstre, sans armes, sans échappatoire ! À ce moment, un homme surgit dans la pièce. Ses vêtements étaient ensanglantés et il tenait à peine debout, mais Lorna n’en crut pas ses yeux : c’était Connor ! Il poussa un cri rauque et fondit sur le Comyn, qui, surpris, tomba au sol sous l’assaut. Lorna bondit à son tour pour aider Connor, mais il avait déjà terrassé son adversaire, plongeant la lame de son long couteau dans sa poitrine. Elle se jeta à son cou.

— Connor ! Tu nous as sauvées ! Merci, merci !

— Une fois Blair et son père en sécurité, j’ai couru ici aussi rapidement que possible, lâcha-t-il, essoufflé. Dieu merci, je suis arrivé à temps, et…

— Vous devez partir, murmura une voix faible derrière eux. Vite. Avant que d’autres ne viennent.

Lorna et Connor se tournèrent ensemble vers Lady Ailis. Elle était toujours à terre, serrant la petite Sorcha, hurlante, contre son sein. Le teint de la châtelaine devenait cireux et la vie dans ses yeux semblait s’éteindre. Lorna se précipita vers elle.

— Ne mourez pas ! s’écria-t-elle. Je vous l’interdis !

Lady Ailis esquissa une ombre de sourire, avant d’être secouée d’une violente quinte de toux. Lorna lui prit doucement l’enfant vagissant des bras et remarqua alors seulement la blessure que la pauvre femme avait au flanc. Et une autre, encore, plus profonde, près de l’aisselle. Ses vêtements étaient maculés de sang, et même le linge entourant la petite fille était taché. Comment n’avait-elle rien vu ?

Le cœur déchiré, Lorna se pencha sur celle qu’elle avait appris à aimer presque comme une mère. Les larmes lui montèrent aux yeux.

— Conservez vos forces, milady. Nous allons nous échapper, tous ensemble.

Sa voix fut un gémissement, alors qu’elle l’aurait voulue assurée. D’un geste hésitant, Lady Ailis caressa les boucles brunes de son bébé.

— Non, Lorna, il est trop tard. En tant qu’enfants du laird, vous êtes en grand danger, toutes les deux. Le roi Alexandre souhaite notre disparition à tous, mais plus encore la vôtre… Les Comyn… Ils connaissent ton existence, Lorna. Ils savent qui est ton père, et qui tu es. Margaret leur a tout révélé à ton sujet ! Quand j’ai compris ce qu’elle avait fait, qu’elle les avait guidés jusqu’à nous, je… je…

— Vous avez fait ce qu’il fallait, milady. Cette vipère ne nuira plus jamais à personne.

Blême, Connor jeta un coup d’œil dans le couloir :

— Les voilà déjà qui arrivent !

— Le passage secret. Vite !

Lady Ailis désignait d’une main tremblante l’imposante cheminée. Un passage secret ? Lorna n’en avait jamais entendu parler ! Mais elle avait une confiance absolue en Lady Ailis. Sans hésiter, elle s’approcha de l’âtre froid.

— Sous une des pierres, souffla la châtelaine, la plus sombre, il y a un levier…

Lorna délogea la grosse pierre sans difficulté. Le levier était bien là. Elle tira dessus et un grincement retentit, accompagné d’un bruit sourd, derrière une lourde tapisserie.

— La porte… Il y a une porte derrière ! s’exclama Connor.

Il se précipita pour soulever Lady Ailis, mais elle le repoussa.

— Non, c’est trop tard et je suis perdue, de toute façon. Sans moi, vous avez une vraie chance de vous échapper. Ne discutez plus, vous n’avez plus le temps !

Sorcha se mit à gigoter entre les bras de Lorna. La mort dans l’âme, cette dernière savait que Lady Ailis avait raison. La vie la quittait sans qu’ils puissent l’aider… Pour survivre, pour sauver l’enfant, ils devaient l’abandonner.

— Je vous promets qu’elle sera en sécurité, jura-t-elle à la mourante.

Lady Ailis esquissa un sourire, puis Lorna se faufila sous la lourde tenture et s’engouffra dans l’ouverture de la porte dérobée. Elle se retrouva dans une obscurité presque totale, regrettant de ne pas avoir eu la bonne idée de prendre une bougie avec elle. Connor entra à sa suite. La porte se referma derrière lui, et le silence les entoura. Un silence lugubre, renforcé par les ténèbres, jusqu’à ce que des voix étouffées leur parviennent. Les Comyn étaient dans la chambre ! Lorna serra plus étroitement Sorcha et la berça pour la rassurer pendant leur lente progression dans le tunnel humide.

— Chut, petite sœur, chuchota-t-elle à son oreille. Ne pleure pas… Nous serons bientôt en sécurité. Je l’ai promis à ta mère.

Penser au sort de Lady Ailis, mourante et à la merci de leurs ennemis, derrière cet épais mur de pierre, lui déchira le cœur. Luttant contre les sanglots, suivie de près par Connor, elle avança le pied, rencontra un vide et comprit qu’il s’agissait d’une marche. Tout en tâtonnant, pour ne pas tomber, elle descendit l’escalier avec précaution. Des toiles d’araignée se collaient à ses cheveux. L’humidité était de plus en plus prégnante, à mesure qu’ils progressaient. Une odeur de renfermé et de moisi accentua sa nausée. Elle glissa sur quelque chose. De la boue, supposa-t-elle sans s’arrêter. Où pouvait bien déboucher cet interminable tunnel ?

Tout en murmurant des mots apaisants au bébé qu’elle serrait contre son sein, elle continua à s’enfoncer dans les ténèbres.

Afficher en entier

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode