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Le Souvenir d'une nuit



Description ajoutée par dadotiste 2014-04-19T23:49:42+02:00

Résumé

Présentation de l'éditeur (Harlequin) :

Piégée dans son cottage par une tempête de neige, en compagnie de James Rocchi, le séduisant propriétaire du manoir voisin… Autrefois, Jennifer se serait réjouie de cette intimité contrainte. Mais pas aujourd’hui. Car jamais elle n’a pu oublier cette nuit où, quatre ans plus tôt, elle s’est offerte à James, persuadée que ce dernier partageait ses sentiments, et où il l’a repoussée sans qu’elle comprenne pourquoi. Ce souvenir est encore si douloureux que Jennifer, face à celui qui l’a autrefois humiliée, sent de nouveau la colère l’envahir. La colère, et des sentiments plus confus, contradictoires, intenses, qu’elle va devoir tout faire pour cacher à James si elle ne veut pas souffrir de nouveau…

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Classement en biblio - 15 lecteurs

extrait

Extrait ajouté par Underworld 2019-09-18T23:25:50+02:00

** Extrait offert par Cathy Williams **

1.

L’année en question se prolongea par une deuxième, une troisième, et puis une autre encore. Et, tout au long de ces quatre ans, pas une fois Jennifer ne revit James.

La première année, qu’elle avait compté mettre à profit pour parfaire son français, s’était prolongée, et ce laps de temps l’avait vue grimper les échelons de l’entreprise, sa paie augmentant en conséquence. A Noël, elle s’était arrangée pour faire venir son père à Paris — qu’il avait adoré. Un rituel sans cesse renouvelé depuis. Elle avait pu l’emmener aussi en vacances à l’étranger. Quand elle était rentrée en Angleterre, elle avait veillé à n’y faire que de courts séjours, à des périodes où James ne s’y trouvait pas.

Quatre ans plus tôt, il avait quitté le cottage, et de son côté elle s’était envolée pour Paris, blessée à vif. Elle ne pouvait concevoir de se retrouver face à lui. Cette distance était devenue une habitude. Il lui avait adressé des e-mails auxquels elle avait été heureuse de répondre. Mais, quand il s’était déplacé dans la capitale française pour affaires, elle avait prétexté un surcroît de travail, d’autres engagements, une grippe… n’importe quoi pour éviter de le voir ! Sa rebuffade restait gravée en elle — telle une ombre au tableau que formait sa nouvelle vie si réussie.

Sauf que, tout à coup…

* * *

Jennifer sursauta, arrachée à sa somnolence alors que le train s’arrêtait en gare. A travers la vitre, elle constata que les flocons de neige épars qu’elle avait quittés à Londres étaient nettement plus denses ici, dans le Kent, et tombaient avec régularité. A 18 h 30, les wagons étaient pleins de banlieusards, et elle dut batailler pour récupérer son bagage dans la bousculade générale. Mais enfin elle fut sur le quai, bravant la neige et la température glaciale.

Elle n’avait pas l’intention de s’éterniser. Juste de rester le temps nécessaire pour régler les problèmes au cottage. C’était James qui l’avait avertie de la situation par e-mail. En l’absence de sa mère, il était venu s’assurer que tout allait bien au manoir, puis avait poussé jusqu’au cottage pour y jeter un coup d’œil. Car, comme tous les ans après Noël, le père de Jennifer était en Ecosse pour trois semaines, auprès de son frère.

James avait constaté un écoulement d’eau par-dessous la porte close. Son courriel disait entre autres :

Tu peux transmettre l’information à John, mais je crois que tu es au pays, alors tu préféreras peut-être régler ça toi-même au lieu de gâcher les parties de pêche de ton père. A condition, bien sûr, de pouvoir faire une entorse à ton emploi du temps surchargé.

Cette missive électronique avait porté le coup de grâce à leur longue amitié. Le fossé s’était si bien creusé entre eux qu’il était aujourd’hui infranchissable. Les courriers de James, chaleureux et pleins de sollicitude au début, étaient devenus au fil du temps plus secs et plus formels : une réaction logique aux tactiques qu’elle avait employées pour le fuir. Soudain, elle réalisa qu’il ne lui avait pas donné signe de vie depuis au moins six mois.

A Paris, elle pouvait facilement se dire qu’elle s’en fichait ; que c’était ainsi qu’avaient tourné les choses ; que leur amitié était destinée à s’effilocher parce que rien n’était vraiment possible entre un riche héritier et une fille toute simple comme elle…

Mais maintenant qu’elle était ici, dans le Kent, le courriel de James lui rappelait de façon troublante ce qu’elle avait toujours désiré partager avec lui… Jennifer roula sa valise jusqu’à la file des taxis, qui empêchaient les flocons de s’attarder sur leurs toits en laissant tourner leurs moteurs. Partout, la neige formait un tapis blanc.

Au cottage, les eaux d’infiltration avaient été évacuées ; mais l’inondation avait causé pas mal de dégâts que Jennifer devrait évaluer pour la déclaration d’assurance. James avait réussi à remettre le chauffage en route, alors, elle ne gèlerait pas en arrivant. Elle espéra qu’il lui avait aussi laissé quelques provisions avant de s’envoler pour Singapour où, l’informait-il poliment dans son courriel, il avait une série de rendez-vous. Mais elle ne s’attendait pas à trouver un frigo plein.

En songeant à James et à leur ancienne amitié, Jennifer sentit sa gorge se serrer de tristesse, et elle dut se forcer à évoquer cette nuit terrible où elle s’était ridiculisée. Une personne meilleure et plus forte qu’elle aurait réussi à en rire, à tourner la page afin de préserver leur amitié. Pour sa part, elle n’y était pas parvenue. L’épisode avait marqué dans sa vie un tournant dévastateur — dont elle avait tiré la leçon !

Elle regarda à travers la vitre du taxi roulant en pleine campagne, mais la neige drue brouillait le paysage. Dans ces conditions, le trajet au cœur du Kent rural prendrait au moins une heure, pensa-t-elle, laissant dériver librement ses pensées…

Il y avait un moment qu’elle n’avait séjourné au cottage. Son père et elle avaient passé les vacances d’été à Majorque — deux semaines de soleil et de mer. Puis il était venu la voir à intervalles réguliers, pour le week-end. Il était enchanté de voyager et ainsi elle évitait de revenir dans les lieux qui se rattachaient tant à James. Elle mettait à profit tous ses déplacements à Londres pour déjeuner avec Daisy Rocchi, la mère de celui-ci. Au début, cette dernière s’était montrée curieuse de savoir pourquoi elle et son fils ne se voyaient plus. Jennifer avait fourni des réponses évasives et, pour finir, James avait disparu de leurs conversations.

Jennifer frissonna à la pensée qu’il avait fait des allées et venues dans le cottage. Parfois, comme surgie de nulle part, son odeur fraîche, masculine et boisée lui revenait, et cela la troublait profondément. Elle espéra que cette senteur ne rôderait pas dans l’atmosphère — d’autant qu’il faisait trop froid pour aérer.

Quand le taxi parvint à destination, la route de campagne menaçait de devenir impraticable.

— Et ils annoncent que ça va durer au moins une semaine ! pesta le chauffeur. Déjà que les affaires ne marchent pas fort, alors si le mauvais temps s’en mêle !

— Cela ne durera pas, affirma Jennifer, optimiste. Je dois être de retour à Londres après-demain.

— Ça fait beaucoup de vêtements pour quarante-huit heures, maugréa le chauffeur, bataillant pour traîner jusqu’à l’entrée la valise qui patinait sans rouler dans la neige.

— Je vais laisser des choses ici en repartant. Je me débarrasse de vieilles affaires.

Elle paya la course et prit congé du chauffeur, songeant à la tâche qui l’attendait : inspecter les lieux, trier ses anciens vêtements… Elle était devenue adepte du chic parisien. Elle avait perdu du poids grâce à son footing quotidien, ce qui lui valait des sifflets et des regards admiratifs, et elle n’avait plus honte de porter des vêtements tendance et près du corps. Ses cheveux disciplinés grâce aux ciseaux d’un coiffeur, coupés en dégradé, tombaient en boucles harmonieuses sur ses épaules au lieu de frisotter.

Le cottage était plongé dans l’obscurité, mais le portail, bizarrement, n’était pas verrouillé. Jennifer poussa sa valise à l’intérieur puis claqua le battant, et jouit un instant de la tiédeur des lieux, les yeux clos, négligeant d’appuyer sur l’interrupteur, pour savourer son retour sans voir les dégâts causés par l’inondation.

Quand elle leva les paupières, il était là, sur le seuil de la cuisine. Celle-ci, située à l’arrière de la maison, était éclairée mais elle ne s’en était pas aperçue avant qu’il ouvre la porte.

Jennifer se figea. Seigneur, il n’avait pas changé ! Il était toujours aussi beau, et demeurait cet homme de haute stature qui dominait les autres. Ses cheveux étaient plus courts qu’autrefois, et l’ombre bleutée de sa mâchoire révélait qu’il n’était pas rasé. En quelques secondes bouleversantes, elle vit tout : le long corps mince en jean et vieux pull aux manches retroussées, les magnifiques yeux d’un bleu profond fixés sur elle.

— James ! Mais qu’est-ce que tu fais ici ? énonça-t-elle d’une voix tremblante en actionnant l’interrupteur. Tu devais partir pour Singapour !

— Je devrais être en plein ciel, mais le mauvais temps m’en a empêché. Ça fait longtemps, Jennifer…

Elle lâcha avec un sourire contraint, le cœur battant à se rompre :

— Oui… Comment vas-tu ?

Le silence s’étira, et Jennifer dut lutter pour garder son sang-froid. Elle avait passé quatre ans à tenter d’oublier cet homme, à gagner sa liberté… et voici que tous ses efforts menaçaient d’être réduits à néant. Pour un peu, elle en aurait pleuré. Au lieu de ça, elle laissa l’amertume et la colère lui nouer de nouveau l’estomac, tandis qu’elle se débarrassait de son manteau déjà trempé par la neige.

— J’ai pensé t’attendre pour être sûr que tu arriverais à bon port. Je ne savais pas si tu venais en voiture ou en train…

— Je… j’ai pris le train. Mais ce n’était pas la peine de m’attendre. Je n’ai besoin de personne.

— Tu t’es très bien débrouillée à Paris, c’est clair. Maman m’a tenu au courant de tes promotions successives.

Jennifer n’avait toujours pas bougé, comme clouée dans le vestibule. James fut le premier à rompre l’enchantement, pivotant pour entrer dans la cuisine, la laissant libre de le suivre. Il n’avait émis aucun commentaire sur sa nouvelle allure. Comment avait-il pu ne rien remarquer ? Il était vrai qu’il n’avait jamais fait attention à elle… Dépourvue de son ancienne aisance avec lui, elle chercha en vain un autre sujet de conversation.

— Cette expérience s’est révélée très fructueuse, dit-elle poliment. Je n’aurais pas imaginé que je resterais là-bas quatre ans ! Mais, plus on me confiait de responsabilités, plus je me piquais au jeu.

— A te voir rester debout, on te croirait en visite dans ta propre maison ! Assieds-toi donc ! Tu ne vas pas t’atteler à la tâche dès ce soir. Nous réfléchirons à l’organisation de ce qu’il faudra faire ici.

— « Nous ? » Il n’est pas nécessaire que tu me donnes un coup de main, je te le répète. J’ai l’intention de régler ça en une journée pour repartir après-demain à la première heure.

Ce n’était pas ainsi qu’elle aurait dû réagir envers un vieil ami. Mais, si elle s’effarait de son intonation tranchante, Jennifer réalisait aussi que c’était un moyen de défense nécessaire. Car, quand elle regardait James, occupé à fouiller dans le réfrigérateur, ses pensées s’orientaient dans une direction qu’elle ne voulait pas prendre.

— Encore faudrait-il que le mauvais temps ne joue pas contre toi, observa-t-il sans se retourner.

— Que cherches-tu ?

— Je prends du fromage et des œufs. Quand la neige a commencé, j’ai réalisé que je pourrais me retrouver coincé ici, et toi aussi. Du coup, je me suis arrangé pour faire quelques provisions.

— C’est très gentil de ta part, merci.

Attrapant une bouteille, il remplit deux verres et lança :

— Il y a de quoi rire, non ? Quatre ans de séparation, et nous voici à ne pas savoir comment meubler la conversation. Raconte-moi donc ce que tu as fait en France.

— Je viens de te le dire. J’ai un travail stimulant. Un appartement merveilleux.

— Bref, tout est conforme à tes attentes…

James s’assit sur une chaise et avala une grande gorgée de vin, tout en l’observant par-dessus le bord de son verre. Bon sang, ce qu’elle avait changé ! Réalisait-elle à quel point ? Il n’arrivait pas à croire que leur dernière entrevue remontait à des années ! Mais Jennifer s’était arrangée pour être indisponible chaque fois qu’il était passé par Paris, et quand elle était venue au Royaume-Uni, c’est lui qui était ailleurs.

Elle avait rompu tous les liens qui les rattachaient, après cette fatale nuit… Bien entendu, il ne regrettait pas l’issue de cette soirée. Il n’avait pas eu d’autre choix que de lui opposer une rebuffade. Elle était alors si jeune et si vulnérable, et trop sexy pour son propre bien ! Confiante et naïve, elle s’était offerte à lui et, d’instinct, il avait su qu’il n’aurait pu combler son attente, quelle qu’elle fût. Elle était alors tout le contraire des beautés pressées dont il avait l’habitude, ravies de saisir ce qui se trouvait à leur portée.

Mais jamais il ne se serait douté que Jennifer sortirait de sa vie. Et changerait. Sans regarder en arrière.

Maniant son verre, Jennifer lâcha :

— Mes désirs sont comblés. Ma vie n’a jamais été aussi gratifiante. Et toi, James ? Que deviens-tu ? J’ai vu ta mère, au fil des ans, mais nous avons rarement parlé de toi.

— Le monde se rétrécit, mais heureusement de nouveaux marchés s’ouvrent en Asie. Je peux entrer dans les détails si tu y tiens, mais je doute que ça te passionne. En dehors du boulot, comment est ta vie à Paris ? Très différente de ce qu’elle était dans ce trou, j’imagine.

— Oui.

— Tu comptes développer un peu, ou me laisser le soin de trouver quelque chose à dire ?

— Désolée, James, mais le voyage a été long et je me sens fatiguée. Il vaut mieux que tu rentres chez toi, nous rattraperons le temps perdu une autre fois.

— Tu n’as pas oublié, hein ?

— Oublié quoi ?

— Notre dernière entrevue.

— Je ne vois pas du tout de quoi tu parles.

— Si. Je crois que tu vois très bien, Jen.

— Il n’y a rien à gagner à ressasser cette histoire.

Jennifer se leva et alla se poster près du seuil de la cuisine, les bras croisés. Non seulement ils étaient étrangers l’un à l’autre, mais voici qu’ils devenaient des combattants, se jaugeant de part et d’autre du ring ! Elle n’osait ouvrir la porte aux regrets car elle réalisait qu’elle demeurait profondément sensible au charme de James. Etait-ce un effet des retrouvailles ou bien son attirance refaisait-elle surface ? Elle n’avait nulle envie d’en avoir le cœur net.

— Si tu te changeais pendant que je te prépare à manger ? suggéra-t-il. Ne prétexte pas que tu es trop lasse pour souper, ou je commencerai à croire que tu cherches à éviter ma compagnie. Ce qui n’est pas le cas, n’est-ce pas, Jen ?

— Bien sûr que non, assura-t-elle — mais une légère rougeur lui enflamma les pommettes.

— N’attends rien d’extravagant, tu sais que mes talents culinaires sont limités.

Le sourire qu’il lui offrit lui rappela de façon poignante les bons moments qu’ils avaient partagés et leur douce complicité perdue. Elevant la main comme pour couper court à toute interruption, il continua.

— Et ne me dis pas que tu peux te passer de mon aide. Je suis conscient de l’indépendance que tu as acquise.

Jennifer haussa les épaules. Mais, tandis qu’elle prenait dans sa valise une tenue de rechange, un instant plus tard, elle avait du mal à rassembler ses esprits. S’étant hâtée de prendre une douche, elle fut bientôt de retour au rez-de-chaussée, vêtue d’un pantalon souple de couleur grise et d’un haut moulant à manches longues, les cheveux réunis en queue-de-cheval.

Le fait que James ne cuisinait pas avait toujours été un sujet de plaisanterie. Autrefois, il taquinait le père de Jennifer, qui adorait être aux fourneaux, en lui affirmant que ce n’était pas la place d’un homme. Puis il le défiait dans un bras de fer pour lui prouver que cette activité amollissait les muscles virils. Jennifer avait toujours adoré ces petites joutes, qui la faisaient se sentir proche, très proche de lui.

Or, voici qu’elle le trouvait en train d’achever la cuisson d’une généreuse omelette. Il y avait aussi une salade et du pain chaud sur une planche.

— On dirait que je ne suis pas la seule à avoir changé, commenta-t-elle.

— Me croirais-tu si je te disais que j’ai pris des cours ?

Elle haussa les épaules.

— Vraiment ?

S’étant attablée, elle regarda autour d’elle.

— Il y a moins de dégâts que je ne m’y attendais, ici. J’ai jeté un coup d’œil avant de me doucher. C’est presque intact au premier étage. Il y a des taches d’humidité sur le canapé et il faudra changer les tapis, je pense.

— Nous avons fini de rattraper le temps perdu, c’est ça ? lança-t-il en guise de commentaire, tout en l’encourageant à se servir avant de s’asseoir face à elle — impressionnant, comme d’habitude.

Jennifer trouva sa présence toujours aussi imposante, or elle n’était plus disposée à s’en laisser imposer.

— Je ne vois pas ce que je pourrais te dire de plus, répliqua-t-elle. Je peux te décrire mon appartement, si tu y tiens, mais ça m’étonnerait que ça te fasse grimper aux rideaux.

— Tu as changé.

— Que veux-tu dire par là ?

— Je te reconnais à peine. J’avais gardé l’image d’une jeune fille qui aimait rire et converser avec moi.

Jennifer éprouva une bouffée de colère parce que, pour sa part, il n’avait pas changé. C’était toujours le même James, arrogant et sûr de lui, convaincu de savoir quels étaient leurs rôles respectifs dans l’existence. Elle était celle qui pouffait et rougissait, et lui jouissait de son admiration béate.

— Pourquoi voudrais-tu que je rie alors que tu n’as rien dit de drôle ? rétorqua-t-elle.

— Voilà, qu’est-ce que je disais ! s’exclama-t-il, se levant de table. De deux choses l’une : soit tu as changé de personnalité, soit ton boulot te stresse au point de te faire perdre le sens de l’humour. Quelle est la bonne réponse, Jen ? Avec moi, tu t’es toujours montrée honnête. Alors, sois franche : t’es-tu attaquée à trop forte partie en acceptant ce job ?

— Tu aimerais que ce soit vrai, hein ? Que je te dise que je perds pied et ne suis pas à la hauteur !

— Cette déclaration est grotesque.

— Vraiment ? En fait, tu serais ravi de pouvoir jouer au type attentionné, inquiet pour moi… de mettre ton bras autour de mes épaules et de sortir ton mouchoir ! Eh bien, désolée, mais mon boulot est génial, et si on m’a promue c’est que j’y excelle.

— C’est ça que tu penses ? Que je suis étroit d’esprit, méchant et mesquin, et que je me réjouirais de te savoir en échec ?

Jennifer soupira, repoussant son assiette.

— Je sais que tu n’es ni méchant ni mesquin, et je n’ai pas envie de me disputer avec toi.

Elle commença à débarrasser, en cherchant que dire pour détendre l’atmosphère.

— Laisse tomber ça ! grommela James.

— Pas question. Moins j’en aurai à faire demain, mieux ça vaudra. Au fait, merci d’avoir préparé ce repas, c’est très gentil.

James marmonna quelque chose d’indistinct, mais se mit à essuyer la vaisselle à mesure qu’elle lavait et rinçait. Mais elle n’osait pas l’approcher de trop près. Elle avait cessé d’être immunisée contre lui, et cela lui faisait peur. Refusant de céder à cette sensation, elle se lança dans une conversation anodine au sujet de leurs parents respectifs. Elle lui dit que son père adorait Paris.

— Comme tu sais, il avait cessé de voyager après la disparition de maman. Il m’a dit un jour qu’ils projetaient de faire le tour du monde et que ce rêve était mort avec elle.

— La dernière fois que je suis venu en week-end, je l’ai vu qui attendait le taxi en lisant un guide du Louvre. C’était tout en haut de sa liste, et il avait coché toutes les choses à admirer.

— Ah oui ? fit en riant Jennifer.

James se figea. Il réalisait que le souvenir de ce rire s’était gravé en lui, tel un refrain qui ne saurait vous quitter tout à fait. Tout à coup, il avait envie de savoir sur Jennifer beaucoup d’autres choses. Il s’avouait, non sans honte, qu’elle lui avait toujours donné le sentiment d’être pour lui un « territoire connu ». Or, voici qu’il éprouvait une curiosité réelle à son sujet. Il en était tout ébahi.

L’essuyage terminé, il s’appuya au plan de travail, le torchon sur l’épaule, et reprit :

— Tu as élargi son horizon, et j’ai dans l’idée que ses week-ends à Paris ne vont pas tarder à lui manquer.

— On ne se contente pas de ça. On a fait des excursions ailleurs en Europe ! souligna Jennifer.

Mais elle était ravie de cet échange. Dans ce bref instant où elle avait baissé sa garde, ils avaient recouvré la familiarité perdue. Lui jetant un coup d’œil à la dérobée, elle s’écarta, redoutant un regain d’intimité qui aurait pu lui faire perdre l’indépendance qu’elle avait conquise avec tant de peine. Elle ne voulait pas redevenir la jeune fille d’autrefois, suspendue à la moindre de ses paroles.

— En fait, dès que le temps le permettra, nous irons à Prague, continua-t-elle. C’est une belle ville. Je suis sûre qu’elle lui plaira.

— Tu y es déjà allée, n’est-ce pas ?

— Oui, une fois.

— Et dire que tu étais toujours restée dans le Kent, exception faite de ce séjour à l’étranger quand tu avais quinze ans ! En classe de neige, il me semble.

— C’est ça, confirma-t-elle.

Jennifer se rappelait très bien les circonstances. Silvio Rocchi venait de mourir, James s’efforçait de répondre aux problèmes de l’entreprise dont il avait hérité, et il n’était pas souvent présent à l’époque. En le revoyant après plusieurs semaines, elle lui avait raconté un tas d’anecdotes sur le stage, les menues rivalités… Elle était sortie de sa coquille parce qu’elle était l’une des rares filles à être douée en ski.

— Qui t’a accompagnée à Prague ? demanda négligemment James. Je l’ai visitée deux fois. Une ville très romantique…

Il se retourna pour remplir la bouilloire, se surprenant à guetter la réponse.

Jennifer se rembrunit. Son premier réflexe fut de dire que sa vie privée ne le regardait pas. Mais, si elle lui opposait sans cesse des rebuffades, il s’interrogerait sur son attitude. Et ils en reviendraient fatalement au sujet qu’elle désirait éviter : les avances malheureuses qu’elle lui avait faites jadis. Il aurait beau jeu alors, pensa-t-elle, de prétendre qu’elle ne devait pas s’empoisonner l’existence avec ce souvenir, que leur amitié était plus importante qu’une stupide tentative de séduction… Quelle mortification ce serait !

— C’est vrai, Prague est romantique, dit-elle. J’adore cette ville, son architecture. Et quelle merveilleuse sensation d’avoir pénétré dans un lieu hors du temps ! Tu ne trouves pas ?

— Avec qui y es-tu allée ? Ou est-ce un grand et ténébreux secret ? fit James.

Il lâcha un léger rire en se tournant pour lui tendre une tasse de café. Puis il s’assit, utilisant une deuxième chaise comme repose-pieds afin d’être tout à fait à l’aise.

— Oh ! juste un mec que j’ai rencontré.

— Un mec ?

— Patric. Patric Alexander. Je l’ai connu à une soirée…

— Tiens donc.

Il ne comprit pas pourquoi il était choqué d’entendre ça. Jennifer avait toujours été sexy, même si, en toute justice, elle n’en avait jamais eu conscience. Sexy, elle le restait. Sauf qu’elle s’en rendait compte, désormais !

— Un Français, j’imagine ? s’enquit-il.

— A moitié. Sa mère est anglaise.

Elle engloutit son café d’un trait ou presque, puis se leva et lâcha d’un ton un peu brusque :

— Eh bien, le moment est venu pour toi de rentrer, James. Je dois défaire mes bagages, et je veux me lever tôt demain pour établir mon programme de la journée. Il ne sera pas trop chargé, j’espère. J’ai vu que tu as déjà roulé le tapis du salon, merci.

— Pourquoi ce Patric n’est-il pas venu t’aider ?

— Parce qu’il est à Paris.

Elle gagna le seuil, fronçant les sourcils en constatant qu’il demeurait assis.

— Son nom ne me dit rien, lâcha-t-il. Ton père l’aurait sûrement mentionné…

— Pourquoi ?

— Parce que John et moi sommes amis ? suggéra James. Depuis combien de temps sors-tu avec lui ?

— Je ne tiens pas à en parler avec toi.

— Ça te met mal à l’aise ?

— Je suis fatiguée et je veux dormir !

— Rien de plus légitime, énonça James, se levant sans hâte. Je ne voudrais pas me montrer indiscret, et encore moins te gêner…

— Je suis parfaitement à l’aise, soutint-elle.

Il marcha vers elle et, plus il approchait, plus elle se sentait tendue. S’immobilisant à un pas, en mâle dominateur résolu à satisfaire sa curiosité, il lâcha d’un air songeur :

— Je me demande si tu ne m’as pas évité par réticence à me présenter ton homme…

— Je ne t’ai pas évité, marmonna-t-elle. Nous avons échangé pas mal d’e-mails, il me semble.

— Pourtant, chaque fois que j’allais à Paris, tu étais occupée, et quand tu venais en Angleterre, j’étais absent…

— Ça s’est trouvé comme ça, fit-elle, même si ses joues s’empourprèrent.

Elle fixa le sol, puis, ne supportant pas le silence qui s’étirait, elle finit par reprendre.

— Nous ne sommes plus ensemble, Patric et moi. Mais nous sommes restés bons amis. En fait, c’est mon plus proche confident…

Cette fois, elle leva les yeux et, à la chaleur de son sourire, James sut qu’elle était tout à fait sincère. La fille qui autrefois s’en remettait à lui était devenue une femme pendant ces quatre ans d’éloignement. Elle avait maintenant quelqu’un d’autre vers qui se tourner.

— Et toi ? s’enquit-elle. Y a-t-il quelqu’un d’important dans ta vie, James ?

Elle avait aussi le droit de poser des questions personnelles, non ?

James inclina la tête, semblant réfléchir.

— Non. Il y a peu, j’étais lié à une actrice…

— Blonde à cheveux longs ? glissa malgré elle Jennifer, qui fronça les sourcils en le voyant acquiescer. Petite ? Fan de talons super hauts et de robes super moulantes ?

— Ma mère t’en a parlé ? J’avais l’impression qu’elle n’était pas très emballée par Amy…

— Elle ne m’a rien dit du tout. En fait, nous n’avons presque jamais parlé de toi. J’ai deviné parce que tu as toujours eu un faible pour ce genre de femme.

Jennifer n’avait pu tenir sa langue, même si ce sujet risquait de raviver l’insécurité qu’elle avait ressentie du temps où elle se comparait aux jeunes filles qu’il amenait parfois à la maison. Une époque qu’elle aurait préféré oublier !

James baissa les yeux et elle lâcha avec dédain :

— Rien de nouveau sous le soleil !

— Ah ? Je ne dirais pas ça.

— Comme avant, tu sors avec des blondes évaporées. Comme avant, Daisy s’en désole. Comme avant, tes liaisons durent cinq semaines au maximum.

— Mais tu n’as plus le béguin pour moi…

Cette remarque émise d’une voix douce, cette question formulée comme un constat, fit à Jennifer l’effet d’une douche froide. Elle recula comme si elle avait reçu une gifle. Avait-elle oublié qu’il avait le don de l’exaspérer ? Elle avait su garder ses distances. Alors, comment diable en étaient-ils arrivés à cette conversation si personnelle ?

— Tout ça remonte à loin, James, et, comme je disais, ça n’avance à rien de remuer le passé.

Enfin, il se dirigea vers son manteau suspendu à la rampe d’escalier. Elle s’étonna d’avoir raté ce détail révélateur en entrant. Il était vrai qu’elle ne s’était pas du tout attendue à trouver James ici.

— Je me sauve, fit-il. Mais je reviendrai demain, et ne me dis pas que c’est inutile, s’il te plaît. Je roulerai les autres tapis, je les transporterai dans une des remises pour les mettre au sec. Comme ça, les dégâts seront plus faciles à évaluer quand la neige s’arrêtera et qu’on pourra faire venir un type de la compagnie d’assurances.

— Je suis sûre que ça peut attendre, soutint-elle. Je pense repartir demain soir, au grand maximum après-demain très tôt.

James enroula sans hâte son écharpe, puis ouvrit la porte d’entrée. Jennifer découvrit le spectacle incroyable des flocons qui tourbillonnaient dehors, si dru qu’on distinguait à peine les champs dans le lointain.

— Bonne chance avec la neige, alors, commenta-t-il. A mon avis, on risque de se retrouver coincés ici…

Ensemble. Jennifer s’efforça de juguler sa joie à cette idée. James ne resterait pas au manoir s’il jugeait qu’elle avait besoin d’aide. Il serait ici. Allez savoir pour combien de temps… La neige ne semblait pas près de s’arrêter, et ni la maison ni le cottage n’étaient à portée des voies principales, déneigées en priorité. Ils se trouvaient au milieu de nulle part, à vrai dire. Il était arrivé plus d’une fois qu’ils soient bloqués par un fort enneigement.

Peut-être était-ce un heureux hasard ? Elle ne pouvait pas fuir James indéfiniment. Un jour ou l’autre, elle reviendrait vivre en Angleterre. Son père ne rajeunissait pas. Et, avec son expérience, elle était assurée de trouver un bon job, en tout cas c’était à espérer. Alors, elle reverrait James pendant les week-ends…

Avec bravade, elle lança :

— Tu pourrais avoir raison. En ce cas, ce sera une chance que tu sois là ! Je veux dire, j’adore Patric, mais, en toute honnêteté, un artiste ne me serait pas d’un grand secours dans cette situation…

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Commentaires récents

Commentaire ajouté par Vitany 2019-12-20T07:32:35+01:00
Lu aussi

C'était plutôt sympa.

Ce qui est très réussi, c'est la relation amitié/amour du couple principal. Enfin des gens qui se parlent, discutent, construisent une relation en-dehors du sexe !

Ce qui m'a un peu moins plu, c'est le côté très autoritaire de James, même si Jennifer ne se laisse pas faire.

Pour un moment de détente.

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Commentaire ajouté par Petite-Lune 2015-10-06T22:05:29+02:00
Bronze

Une lecture très sympathique, que j'ai rapidement terminée. L'histoire se lit vite et la situation entre les deux personnages est intéressante à découvrir. De quoi passer un petit moment agréable, sans se prendre la tête.

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Dates de sortie

Le Souvenir d'une nuit

  • France : 2013-03-01 - Poche (Français)
  • USA : 2014-09-22 (English)

Activité récente

Titres alternatifs

  • The Girl He'd Overlooked - Anglais
  • A rapariga que nunca olhara - Portugais
  • L'amica del milionario - Italien
  • Endstation Sehnsucht - Endstation Glück? - Allemand

Les chiffres

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