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Extrait ajouté par Underworld 2019-09-18T23:25:50+02:00

** Extrait offert par Cathy Williams **

1.

L’année en question se prolongea par une deuxième, une troisième, et puis une autre encore. Et, tout au long de ces quatre ans, pas une fois Jennifer ne revit James.

La première année, qu’elle avait compté mettre à profit pour parfaire son français, s’était prolongée, et ce laps de temps l’avait vue grimper les échelons de l’entreprise, sa paie augmentant en conséquence. A Noël, elle s’était arrangée pour faire venir son père à Paris — qu’il avait adoré. Un rituel sans cesse renouvelé depuis. Elle avait pu l’emmener aussi en vacances à l’étranger. Quand elle était rentrée en Angleterre, elle avait veillé à n’y faire que de courts séjours, à des périodes où James ne s’y trouvait pas.

Quatre ans plus tôt, il avait quitté le cottage, et de son côté elle s’était envolée pour Paris, blessée à vif. Elle ne pouvait concevoir de se retrouver face à lui. Cette distance était devenue une habitude. Il lui avait adressé des e-mails auxquels elle avait été heureuse de répondre. Mais, quand il s’était déplacé dans la capitale française pour affaires, elle avait prétexté un surcroît de travail, d’autres engagements, une grippe… n’importe quoi pour éviter de le voir ! Sa rebuffade restait gravée en elle — telle une ombre au tableau que formait sa nouvelle vie si réussie.

Sauf que, tout à coup…

* * *

Jennifer sursauta, arrachée à sa somnolence alors que le train s’arrêtait en gare. A travers la vitre, elle constata que les flocons de neige épars qu’elle avait quittés à Londres étaient nettement plus denses ici, dans le Kent, et tombaient avec régularité. A 18 h 30, les wagons étaient pleins de banlieusards, et elle dut batailler pour récupérer son bagage dans la bousculade générale. Mais enfin elle fut sur le quai, bravant la neige et la température glaciale.

Elle n’avait pas l’intention de s’éterniser. Juste de rester le temps nécessaire pour régler les problèmes au cottage. C’était James qui l’avait avertie de la situation par e-mail. En l’absence de sa mère, il était venu s’assurer que tout allait bien au manoir, puis avait poussé jusqu’au cottage pour y jeter un coup d’œil. Car, comme tous les ans après Noël, le père de Jennifer était en Ecosse pour trois semaines, auprès de son frère.

James avait constaté un écoulement d’eau par-dessous la porte close. Son courriel disait entre autres :

Tu peux transmettre l’information à John, mais je crois que tu es au pays, alors tu préféreras peut-être régler ça toi-même au lieu de gâcher les parties de pêche de ton père. A condition, bien sûr, de pouvoir faire une entorse à ton emploi du temps surchargé.

Cette missive électronique avait porté le coup de grâce à leur longue amitié. Le fossé s’était si bien creusé entre eux qu’il était aujourd’hui infranchissable. Les courriers de James, chaleureux et pleins de sollicitude au début, étaient devenus au fil du temps plus secs et plus formels : une réaction logique aux tactiques qu’elle avait employées pour le fuir. Soudain, elle réalisa qu’il ne lui avait pas donné signe de vie depuis au moins six mois.

A Paris, elle pouvait facilement se dire qu’elle s’en fichait ; que c’était ainsi qu’avaient tourné les choses ; que leur amitié était destinée à s’effilocher parce que rien n’était vraiment possible entre un riche héritier et une fille toute simple comme elle…

Mais maintenant qu’elle était ici, dans le Kent, le courriel de James lui rappelait de façon troublante ce qu’elle avait toujours désiré partager avec lui… Jennifer roula sa valise jusqu’à la file des taxis, qui empêchaient les flocons de s’attarder sur leurs toits en laissant tourner leurs moteurs. Partout, la neige formait un tapis blanc.

Au cottage, les eaux d’infiltration avaient été évacuées ; mais l’inondation avait causé pas mal de dégâts que Jennifer devrait évaluer pour la déclaration d’assurance. James avait réussi à remettre le chauffage en route, alors, elle ne gèlerait pas en arrivant. Elle espéra qu’il lui avait aussi laissé quelques provisions avant de s’envoler pour Singapour où, l’informait-il poliment dans son courriel, il avait une série de rendez-vous. Mais elle ne s’attendait pas à trouver un frigo plein.

En songeant à James et à leur ancienne amitié, Jennifer sentit sa gorge se serrer de tristesse, et elle dut se forcer à évoquer cette nuit terrible où elle s’était ridiculisée. Une personne meilleure et plus forte qu’elle aurait réussi à en rire, à tourner la page afin de préserver leur amitié. Pour sa part, elle n’y était pas parvenue. L’épisode avait marqué dans sa vie un tournant dévastateur — dont elle avait tiré la leçon !

Elle regarda à travers la vitre du taxi roulant en pleine campagne, mais la neige drue brouillait le paysage. Dans ces conditions, le trajet au cœur du Kent rural prendrait au moins une heure, pensa-t-elle, laissant dériver librement ses pensées…

Il y avait un moment qu’elle n’avait séjourné au cottage. Son père et elle avaient passé les vacances d’été à Majorque — deux semaines de soleil et de mer. Puis il était venu la voir à intervalles réguliers, pour le week-end. Il était enchanté de voyager et ainsi elle évitait de revenir dans les lieux qui se rattachaient tant à James. Elle mettait à profit tous ses déplacements à Londres pour déjeuner avec Daisy Rocchi, la mère de celui-ci. Au début, cette dernière s’était montrée curieuse de savoir pourquoi elle et son fils ne se voyaient plus. Jennifer avait fourni des réponses évasives et, pour finir, James avait disparu de leurs conversations.

Jennifer frissonna à la pensée qu’il avait fait des allées et venues dans le cottage. Parfois, comme surgie de nulle part, son odeur fraîche, masculine et boisée lui revenait, et cela la troublait profondément. Elle espéra que cette senteur ne rôderait pas dans l’atmosphère — d’autant qu’il faisait trop froid pour aérer.

Quand le taxi parvint à destination, la route de campagne menaçait de devenir impraticable.

— Et ils annoncent que ça va durer au moins une semaine ! pesta le chauffeur. Déjà que les affaires ne marchent pas fort, alors si le mauvais temps s’en mêle !

— Cela ne durera pas, affirma Jennifer, optimiste. Je dois être de retour à Londres après-demain.

— Ça fait beaucoup de vêtements pour quarante-huit heures, maugréa le chauffeur, bataillant pour traîner jusqu’à l’entrée la valise qui patinait sans rouler dans la neige.

— Je vais laisser des choses ici en repartant. Je me débarrasse de vieilles affaires.

Elle paya la course et prit congé du chauffeur, songeant à la tâche qui l’attendait : inspecter les lieux, trier ses anciens vêtements… Elle était devenue adepte du chic parisien. Elle avait perdu du poids grâce à son footing quotidien, ce qui lui valait des sifflets et des regards admiratifs, et elle n’avait plus honte de porter des vêtements tendance et près du corps. Ses cheveux disciplinés grâce aux ciseaux d’un coiffeur, coupés en dégradé, tombaient en boucles harmonieuses sur ses épaules au lieu de frisotter.

Le cottage était plongé dans l’obscurité, mais le portail, bizarrement, n’était pas verrouillé. Jennifer poussa sa valise à l’intérieur puis claqua le battant, et jouit un instant de la tiédeur des lieux, les yeux clos, négligeant d’appuyer sur l’interrupteur, pour savourer son retour sans voir les dégâts causés par l’inondation.

Quand elle leva les paupières, il était là, sur le seuil de la cuisine. Celle-ci, située à l’arrière de la maison, était éclairée mais elle ne s’en était pas aperçue avant qu’il ouvre la porte.

Jennifer se figea. Seigneur, il n’avait pas changé ! Il était toujours aussi beau, et demeurait cet homme de haute stature qui dominait les autres. Ses cheveux étaient plus courts qu’autrefois, et l’ombre bleutée de sa mâchoire révélait qu’il n’était pas rasé. En quelques secondes bouleversantes, elle vit tout : le long corps mince en jean et vieux pull aux manches retroussées, les magnifiques yeux d’un bleu profond fixés sur elle.

— James ! Mais qu’est-ce que tu fais ici ? énonça-t-elle d’une voix tremblante en actionnant l’interrupteur. Tu devais partir pour Singapour !

— Je devrais être en plein ciel, mais le mauvais temps m’en a empêché. Ça fait longtemps, Jennifer…

Elle lâcha avec un sourire contraint, le cœur battant à se rompre :

— Oui… Comment vas-tu ?

Le silence s’étira, et Jennifer dut lutter pour garder son sang-froid. Elle avait passé quatre ans à tenter d’oublier cet homme, à gagner sa liberté… et voici que tous ses efforts menaçaient d’être réduits à néant. Pour un peu, elle en aurait pleuré. Au lieu de ça, elle laissa l’amertume et la colère lui nouer de nouveau l’estomac, tandis qu’elle se débarrassait de son manteau déjà trempé par la neige.

— J’ai pensé t’attendre pour être sûr que tu arriverais à bon port. Je ne savais pas si tu venais en voiture ou en train…

— Je… j’ai pris le train. Mais ce n’était pas la peine de m’attendre. Je n’ai besoin de personne.

— Tu t’es très bien débrouillée à Paris, c’est clair. Maman m’a tenu au courant de tes promotions successives.

Jennifer n’avait toujours pas bougé, comme clouée dans le vestibule. James fut le premier à rompre l’enchantement, pivotant pour entrer dans la cuisine, la laissant libre de le suivre. Il n’avait émis aucun commentaire sur sa nouvelle allure. Comment avait-il pu ne rien remarquer ? Il était vrai qu’il n’avait jamais fait attention à elle… Dépourvue de son ancienne aisance avec lui, elle chercha en vain un autre sujet de conversation.

— Cette expérience s’est révélée très fructueuse, dit-elle poliment. Je n’aurais pas imaginé que je resterais là-bas quatre ans ! Mais, plus on me confiait de responsabilités, plus je me piquais au jeu.

— A te voir rester debout, on te croirait en visite dans ta propre maison ! Assieds-toi donc ! Tu ne vas pas t’atteler à la tâche dès ce soir. Nous réfléchirons à l’organisation de ce qu’il faudra faire ici.

— « Nous ? » Il n’est pas nécessaire que tu me donnes un coup de main, je te le répète. J’ai l’intention de régler ça en une journée pour repartir après-demain à la première heure.

Ce n’était pas ainsi qu’elle aurait dû réagir envers un vieil ami. Mais, si elle s’effarait de son intonation tranchante, Jennifer réalisait aussi que c’était un moyen de défense nécessaire. Car, quand elle regardait James, occupé à fouiller dans le réfrigérateur, ses pensées s’orientaient dans une direction qu’elle ne voulait pas prendre.

— Encore faudrait-il que le mauvais temps ne joue pas contre toi, observa-t-il sans se retourner.

— Que cherches-tu ?

— Je prends du fromage et des œufs. Quand la neige a commencé, j’ai réalisé que je pourrais me retrouver coincé ici, et toi aussi. Du coup, je me suis arrangé pour faire quelques provisions.

— C’est très gentil de ta part, merci.

Attrapant une bouteille, il remplit deux verres et lança :

— Il y a de quoi rire, non ? Quatre ans de séparation, et nous voici à ne pas savoir comment meubler la conversation. Raconte-moi donc ce que tu as fait en France.

— Je viens de te le dire. J’ai un travail stimulant. Un appartement merveilleux.

— Bref, tout est conforme à tes attentes…

James s’assit sur une chaise et avala une grande gorgée de vin, tout en l’observant par-dessus le bord de son verre. Bon sang, ce qu’elle avait changé ! Réalisait-elle à quel point ? Il n’arrivait pas à croire que leur dernière entrevue remontait à des années ! Mais Jennifer s’était arrangée pour être indisponible chaque fois qu’il était passé par Paris, et quand elle était venue au Royaume-Uni, c’est lui qui était ailleurs.

Elle avait rompu tous les liens qui les rattachaient, après cette fatale nuit… Bien entendu, il ne regrettait pas l’issue de cette soirée. Il n’avait pas eu d’autre choix que de lui opposer une rebuffade. Elle était alors si jeune et si vulnérable, et trop sexy pour son propre bien ! Confiante et naïve, elle s’était offerte à lui et, d’instinct, il avait su qu’il n’aurait pu combler son attente, quelle qu’elle fût. Elle était alors tout le contraire des beautés pressées dont il avait l’habitude, ravies de saisir ce qui se trouvait à leur portée.

Mais jamais il ne se serait douté que Jennifer sortirait de sa vie. Et changerait. Sans regarder en arrière.

Maniant son verre, Jennifer lâcha :

— Mes désirs sont comblés. Ma vie n’a jamais été aussi gratifiante. Et toi, James ? Que deviens-tu ? J’ai vu ta mère, au fil des ans, mais nous avons rarement parlé de toi.

— Le monde se rétrécit, mais heureusement de nouveaux marchés s’ouvrent en Asie. Je peux entrer dans les détails si tu y tiens, mais je doute que ça te passionne. En dehors du boulot, comment est ta vie à Paris ? Très différente de ce qu’elle était dans ce trou, j’imagine.

— Oui.

— Tu comptes développer un peu, ou me laisser le soin de trouver quelque chose à dire ?

— Désolée, James, mais le voyage a été long et je me sens fatiguée. Il vaut mieux que tu rentres chez toi, nous rattraperons le temps perdu une autre fois.

— Tu n’as pas oublié, hein ?

— Oublié quoi ?

— Notre dernière entrevue.

— Je ne vois pas du tout de quoi tu parles.

— Si. Je crois que tu vois très bien, Jen.

— Il n’y a rien à gagner à ressasser cette histoire.

Jennifer se leva et alla se poster près du seuil de la cuisine, les bras croisés. Non seulement ils étaient étrangers l’un à l’autre, mais voici qu’ils devenaient des combattants, se jaugeant de part et d’autre du ring ! Elle n’osait ouvrir la porte aux regrets car elle réalisait qu’elle demeurait profondément sensible au charme de James. Etait-ce un effet des retrouvailles ou bien son attirance refaisait-elle surface ? Elle n’avait nulle envie d’en avoir le cœur net.

— Si tu te changeais pendant que je te prépare à manger ? suggéra-t-il. Ne prétexte pas que tu es trop lasse pour souper, ou je commencerai à croire que tu cherches à éviter ma compagnie. Ce qui n’est pas le cas, n’est-ce pas, Jen ?

— Bien sûr que non, assura-t-elle — mais une légère rougeur lui enflamma les pommettes.

— N’attends rien d’extravagant, tu sais que mes talents culinaires sont limités.

Le sourire qu’il lui offrit lui rappela de façon poignante les bons moments qu’ils avaient partagés et leur douce complicité perdue. Elevant la main comme pour couper court à toute interruption, il continua.

— Et ne me dis pas que tu peux te passer de mon aide. Je suis conscient de l’indépendance que tu as acquise.

Jennifer haussa les épaules. Mais, tandis qu’elle prenait dans sa valise une tenue de rechange, un instant plus tard, elle avait du mal à rassembler ses esprits. S’étant hâtée de prendre une douche, elle fut bientôt de retour au rez-de-chaussée, vêtue d’un pantalon souple de couleur grise et d’un haut moulant à manches longues, les cheveux réunis en queue-de-cheval.

Le fait que James ne cuisinait pas avait toujours été un sujet de plaisanterie. Autrefois, il taquinait le père de Jennifer, qui adorait être aux fourneaux, en lui affirmant que ce n’était pas la place d’un homme. Puis il le défiait dans un bras de fer pour lui prouver que cette activité amollissait les muscles virils. Jennifer avait toujours adoré ces petites joutes, qui la faisaient se sentir proche, très proche de lui.

Or, voici qu’elle le trouvait en train d’achever la cuisson d’une généreuse omelette. Il y avait aussi une salade et du pain chaud sur une planche.

— On dirait que je ne suis pas la seule à avoir changé, commenta-t-elle.

— Me croirais-tu si je te disais que j’ai pris des cours ?

Elle haussa les épaules.

— Vraiment ?

S’étant attablée, elle regarda autour d’elle.

— Il y a moins de dégâts que je ne m’y attendais, ici. J’ai jeté un coup d’œil avant de me doucher. C’est presque intact au premier étage. Il y a des taches d’humidité sur le canapé et il faudra changer les tapis, je pense.

— Nous avons fini de rattraper le temps perdu, c’est ça ? lança-t-il en guise de commentaire, tout en l’encourageant à se servir avant de s’asseoir face à elle — impressionnant, comme d’habitude.

Jennifer trouva sa présence toujours aussi imposante, or elle n’était plus disposée à s’en laisser imposer.

— Je ne vois pas ce que je pourrais te dire de plus, répliqua-t-elle. Je peux te décrire mon appartement, si tu y tiens, mais ça m’étonnerait que ça te fasse grimper aux rideaux.

— Tu as changé.

— Que veux-tu dire par là ?

— Je te reconnais à peine. J’avais gardé l’image d’une jeune fille qui aimait rire et converser avec moi.

Jennifer éprouva une bouffée de colère parce que, pour sa part, il n’avait pas changé. C’était toujours le même James, arrogant et sûr de lui, convaincu de savoir quels étaient leurs rôles respectifs dans l’existence. Elle était celle qui pouffait et rougissait, et lui jouissait de son admiration béate.

— Pourquoi voudrais-tu que je rie alors que tu n’as rien dit de drôle ? rétorqua-t-elle.

— Voilà, qu’est-ce que je disais ! s’exclama-t-il, se levant de table. De deux choses l’une : soit tu as changé de personnalité, soit ton boulot te stresse au point de te faire perdre le sens de l’humour. Quelle est la bonne réponse, Jen ? Avec moi, tu t’es toujours montrée honnête. Alors, sois franche : t’es-tu attaquée à trop forte partie en acceptant ce job ?

— Tu aimerais que ce soit vrai, hein ? Que je te dise que je perds pied et ne suis pas à la hauteur !

— Cette déclaration est grotesque.

— Vraiment ? En fait, tu serais ravi de pouvoir jouer au type attentionné, inquiet pour moi… de mettre ton bras autour de mes épaules et de sortir ton mouchoir ! Eh bien, désolée, mais mon boulot est génial, et si on m’a promue c’est que j’y excelle.

— C’est ça que tu penses ? Que je suis étroit d’esprit, méchant et mesquin, et que je me réjouirais de te savoir en échec ?

Jennifer soupira, repoussant son assiette.

— Je sais que tu n’es ni méchant ni mesquin, et je n’ai pas envie de me disputer avec toi.

Elle commença à débarrasser, en cherchant que dire pour détendre l’atmosphère.

— Laisse tomber ça ! grommela James.

— Pas question. Moins j’en aurai à faire demain, mieux ça vaudra. Au fait, merci d’avoir préparé ce repas, c’est très gentil.

James marmonna quelque chose d’indistinct, mais se mit à essuyer la vaisselle à mesure qu’elle lavait et rinçait. Mais elle n’osait pas l’approcher de trop près. Elle avait cessé d’être immunisée contre lui, et cela lui faisait peur. Refusant de céder à cette sensation, elle se lança dans une conversation anodine au sujet de leurs parents respectifs. Elle lui dit que son père adorait Paris.

— Comme tu sais, il avait cessé de voyager après la disparition de maman. Il m’a dit un jour qu’ils projetaient de faire le tour du monde et que ce rêve était mort avec elle.

— La dernière fois que je suis venu en week-end, je l’ai vu qui attendait le taxi en lisant un guide du Louvre. C’était tout en haut de sa liste, et il avait coché toutes les choses à admirer.

— Ah oui ? fit en riant Jennifer.

James se figea. Il réalisait que le souvenir de ce rire s’était gravé en lui, tel un refrain qui ne saurait vous quitter tout à fait. Tout à coup, il avait envie de savoir sur Jennifer beaucoup d’autres choses. Il s’avouait, non sans honte, qu’elle lui avait toujours donné le sentiment d’être pour lui un « territoire connu ». Or, voici qu’il éprouvait une curiosité réelle à son sujet. Il en était tout ébahi.

L’essuyage terminé, il s’appuya au plan de travail, le torchon sur l’épaule, et reprit :

— Tu as élargi son horizon, et j’ai dans l’idée que ses week-ends à Paris ne vont pas tarder à lui manquer.

— On ne se contente pas de ça. On a fait des excursions ailleurs en Europe ! souligna Jennifer.

Mais elle était ravie de cet échange. Dans ce bref instant où elle avait baissé sa garde, ils avaient recouvré la familiarité perdue. Lui jetant un coup d’œil à la dérobée, elle s’écarta, redoutant un regain d’intimité qui aurait pu lui faire perdre l’indépendance qu’elle avait conquise avec tant de peine. Elle ne voulait pas redevenir la jeune fille d’autrefois, suspendue à la moindre de ses paroles.

— En fait, dès que le temps le permettra, nous irons à Prague, continua-t-elle. C’est une belle ville. Je suis sûre qu’elle lui plaira.

— Tu y es déjà allée, n’est-ce pas ?

— Oui, une fois.

— Et dire que tu étais toujours restée dans le Kent, exception faite de ce séjour à l’étranger quand tu avais quinze ans ! En classe de neige, il me semble.

— C’est ça, confirma-t-elle.

Jennifer se rappelait très bien les circonstances. Silvio Rocchi venait de mourir, James s’efforçait de répondre aux problèmes de l’entreprise dont il avait hérité, et il n’était pas souvent présent à l’époque. En le revoyant après plusieurs semaines, elle lui avait raconté un tas d’anecdotes sur le stage, les menues rivalités… Elle était sortie de sa coquille parce qu’elle était l’une des rares filles à être douée en ski.

— Qui t’a accompagnée à Prague ? demanda négligemment James. Je l’ai visitée deux fois. Une ville très romantique…

Il se retourna pour remplir la bouilloire, se surprenant à guetter la réponse.

Jennifer se rembrunit. Son premier réflexe fut de dire que sa vie privée ne le regardait pas. Mais, si elle lui opposait sans cesse des rebuffades, il s’interrogerait sur son attitude. Et ils en reviendraient fatalement au sujet qu’elle désirait éviter : les avances malheureuses qu’elle lui avait faites jadis. Il aurait beau jeu alors, pensa-t-elle, de prétendre qu’elle ne devait pas s’empoisonner l’existence avec ce souvenir, que leur amitié était plus importante qu’une stupide tentative de séduction… Quelle mortification ce serait !

— C’est vrai, Prague est romantique, dit-elle. J’adore cette ville, son architecture. Et quelle merveilleuse sensation d’avoir pénétré dans un lieu hors du temps ! Tu ne trouves pas ?

— Avec qui y es-tu allée ? Ou est-ce un grand et ténébreux secret ? fit James.

Il lâcha un léger rire en se tournant pour lui tendre une tasse de café. Puis il s’assit, utilisant une deuxième chaise comme repose-pieds afin d’être tout à fait à l’aise.

— Oh ! juste un mec que j’ai rencontré.

— Un mec ?

— Patric. Patric Alexander. Je l’ai connu à une soirée…

— Tiens donc.

Il ne comprit pas pourquoi il était choqué d’entendre ça. Jennifer avait toujours été sexy, même si, en toute justice, elle n’en avait jamais eu conscience. Sexy, elle le restait. Sauf qu’elle s’en rendait compte, désormais !

— Un Français, j’imagine ? s’enquit-il.

— A moitié. Sa mère est anglaise.

Elle engloutit son café d’un trait ou presque, puis se leva et lâcha d’un ton un peu brusque :

— Eh bien, le moment est venu pour toi de rentrer, James. Je dois défaire mes bagages, et je veux me lever tôt demain pour établir mon programme de la journée. Il ne sera pas trop chargé, j’espère. J’ai vu que tu as déjà roulé le tapis du salon, merci.

— Pourquoi ce Patric n’est-il pas venu t’aider ?

— Parce qu’il est à Paris.

Elle gagna le seuil, fronçant les sourcils en constatant qu’il demeurait assis.

— Son nom ne me dit rien, lâcha-t-il. Ton père l’aurait sûrement mentionné…

— Pourquoi ?

— Parce que John et moi sommes amis ? suggéra James. Depuis combien de temps sors-tu avec lui ?

— Je ne tiens pas à en parler avec toi.

— Ça te met mal à l’aise ?

— Je suis fatiguée et je veux dormir !

— Rien de plus légitime, énonça James, se levant sans hâte. Je ne voudrais pas me montrer indiscret, et encore moins te gêner…

— Je suis parfaitement à l’aise, soutint-elle.

Il marcha vers elle et, plus il approchait, plus elle se sentait tendue. S’immobilisant à un pas, en mâle dominateur résolu à satisfaire sa curiosité, il lâcha d’un air songeur :

— Je me demande si tu ne m’as pas évité par réticence à me présenter ton homme…

— Je ne t’ai pas évité, marmonna-t-elle. Nous avons échangé pas mal d’e-mails, il me semble.

— Pourtant, chaque fois que j’allais à Paris, tu étais occupée, et quand tu venais en Angleterre, j’étais absent…

— Ça s’est trouvé comme ça, fit-elle, même si ses joues s’empourprèrent.

Elle fixa le sol, puis, ne supportant pas le silence qui s’étirait, elle finit par reprendre.

— Nous ne sommes plus ensemble, Patric et moi. Mais nous sommes restés bons amis. En fait, c’est mon plus proche confident…

Cette fois, elle leva les yeux et, à la chaleur de son sourire, James sut qu’elle était tout à fait sincère. La fille qui autrefois s’en remettait à lui était devenue une femme pendant ces quatre ans d’éloignement. Elle avait maintenant quelqu’un d’autre vers qui se tourner.

— Et toi ? s’enquit-elle. Y a-t-il quelqu’un d’important dans ta vie, James ?

Elle avait aussi le droit de poser des questions personnelles, non ?

James inclina la tête, semblant réfléchir.

— Non. Il y a peu, j’étais lié à une actrice…

— Blonde à cheveux longs ? glissa malgré elle Jennifer, qui fronça les sourcils en le voyant acquiescer. Petite ? Fan de talons super hauts et de robes super moulantes ?

— Ma mère t’en a parlé ? J’avais l’impression qu’elle n’était pas très emballée par Amy…

— Elle ne m’a rien dit du tout. En fait, nous n’avons presque jamais parlé de toi. J’ai deviné parce que tu as toujours eu un faible pour ce genre de femme.

Jennifer n’avait pu tenir sa langue, même si ce sujet risquait de raviver l’insécurité qu’elle avait ressentie du temps où elle se comparait aux jeunes filles qu’il amenait parfois à la maison. Une époque qu’elle aurait préféré oublier !

James baissa les yeux et elle lâcha avec dédain :

— Rien de nouveau sous le soleil !

— Ah ? Je ne dirais pas ça.

— Comme avant, tu sors avec des blondes évaporées. Comme avant, Daisy s’en désole. Comme avant, tes liaisons durent cinq semaines au maximum.

— Mais tu n’as plus le béguin pour moi…

Cette remarque émise d’une voix douce, cette question formulée comme un constat, fit à Jennifer l’effet d’une douche froide. Elle recula comme si elle avait reçu une gifle. Avait-elle oublié qu’il avait le don de l’exaspérer ? Elle avait su garder ses distances. Alors, comment diable en étaient-ils arrivés à cette conversation si personnelle ?

— Tout ça remonte à loin, James, et, comme je disais, ça n’avance à rien de remuer le passé.

Enfin, il se dirigea vers son manteau suspendu à la rampe d’escalier. Elle s’étonna d’avoir raté ce détail révélateur en entrant. Il était vrai qu’elle ne s’était pas du tout attendue à trouver James ici.

— Je me sauve, fit-il. Mais je reviendrai demain, et ne me dis pas que c’est inutile, s’il te plaît. Je roulerai les autres tapis, je les transporterai dans une des remises pour les mettre au sec. Comme ça, les dégâts seront plus faciles à évaluer quand la neige s’arrêtera et qu’on pourra faire venir un type de la compagnie d’assurances.

— Je suis sûre que ça peut attendre, soutint-elle. Je pense repartir demain soir, au grand maximum après-demain très tôt.

James enroula sans hâte son écharpe, puis ouvrit la porte d’entrée. Jennifer découvrit le spectacle incroyable des flocons qui tourbillonnaient dehors, si dru qu’on distinguait à peine les champs dans le lointain.

— Bonne chance avec la neige, alors, commenta-t-il. A mon avis, on risque de se retrouver coincés ici…

Ensemble. Jennifer s’efforça de juguler sa joie à cette idée. James ne resterait pas au manoir s’il jugeait qu’elle avait besoin d’aide. Il serait ici. Allez savoir pour combien de temps… La neige ne semblait pas près de s’arrêter, et ni la maison ni le cottage n’étaient à portée des voies principales, déneigées en priorité. Ils se trouvaient au milieu de nulle part, à vrai dire. Il était arrivé plus d’une fois qu’ils soient bloqués par un fort enneigement.

Peut-être était-ce un heureux hasard ? Elle ne pouvait pas fuir James indéfiniment. Un jour ou l’autre, elle reviendrait vivre en Angleterre. Son père ne rajeunissait pas. Et, avec son expérience, elle était assurée de trouver un bon job, en tout cas c’était à espérer. Alors, elle reverrait James pendant les week-ends…

Avec bravade, elle lança :

— Tu pourrais avoir raison. En ce cas, ce sera une chance que tu sois là ! Je veux dire, j’adore Patric, mais, en toute honnêteté, un artiste ne me serait pas d’un grand secours dans cette situation…

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Extrait ajouté par Underworld 2019-09-18T23:24:08+02:00

** Extrait offert par Cathy Williams **

Prologue

Restaurant somptueux, plats divins, toilettes super chic — en marbre clair, avec de délicates serviettes éponge individuelles… Un rêve ! Tout allait pour le mieux, non ? pensa Jennifer en examinant dans le miroir ses joues rosies et ses yeux brillants.

Elle se pencha et, pour une fois, ne fut pas frappée par ses défauts. Elle n’était plus la fille trop vite montée en graine et fortement charpentée avec des cheveux rebelles et une bouche trop grande. Elle était une femme sexy au seuil de la vie. Et, surtout, James l’attendait dans la salle.

Jennifer Edwards connaissait James Rocchi depuis l’enfance. De la petite fenêtre de sa chambre, dans le cottage paternel, elle pouvait admirer tous les jours la splendeur de la « Grande Maison » : c’était ainsi qu’elle et son père avaient toujours appelé la demeure des Rocchi, à l’imposante architecture victorienne.

Petite, Jennifer avait adoré James, trottant sans cesse derrière lui quand il se divertissait avec ses amis dans l’immense domaine qui entourait le manoir. Devenue adolescente, elle s’était entichée de lui — amoureuse maladroite et rougissante chaque fois qu’il revenait de son internat — même si, nettement plus âgé qu’elle, il n’avait pas prêté la moindre attention à son manège. Mais elle n’était plus une ado, maintenant ! Elle avait 21 ans, un diplôme de français en poche, et, d’ici à quelques jours, elle occuperait un poste dans le cabinet d’affaires où elle avait travaillé tous les étés pendant ses études. Aujourd’hui, elle était une vraie femme. Et la vie était belle !

Avec un soupir de contentement, elle appliqua une énième couche de gloss, tapota ses cheveux qu’elle avait mis des heures à coiffer, puis regagna la salle de restaurant. Pendant un instant, elle contempla à la dérobée James qui regardait par la fenêtre.

James Rocchi avait le physique typique du beau mâle assuré et triomphant sur lequel se retournent les passantes. Comme son diplomate de père, un Italien, il était doté de cheveux noirs, d’une peau brune. Le seul trait que lui avait légué sa mère anglaise était une superbe paire d’yeux bleu roi. Avec son port altier, son corps musclé et bien modelé, il était l’incarnation même de la séduction masculine et du sex-appeal. Jennifer l’avait souvent vu avec des femmes — des blondes sophistiquées qui le couvaient du regard avec fascination.

Jennifer n’en revenait toujours pas de dîner avec lui ! Elle se rappela que c’était lui qui l’avait invitée, et cela lui donna assez de confiance pour regagner leur table. Quand il se tourna vers elle en souriant, elle rougit.

— J’ai préparé une petite surprise pour toi, commença-t-il.

— Non ! Qu’est-ce que c’est ?

— Il va falloir que tu patientes pour le savoir, répondit-il avec un large sourire.

Il se renversa sur sa chaise et allongea ses longues jambes en continuant :

— Je n’en reviens pas que tu aies fini tes études universitaires et que tu partes à l’étranger…

— Un travail à Paris, ça ne se refuse pas. Tu sais comment c’est, ici…

— Oui, approuva-t-il immédiatement.

Une des choses merveilleuses, avec Jennifer, pensa-t-il, c’était qu’ils n’avaient pas besoin de se lancer dans des explications, ni même parfois de finir leurs phrases : ils se connaissaient depuis si longtemps ! Ce serait génial pour elle, cette année à Paris. En dehors de son « escapade » à l’université de Canterbury, elle n’avait jamais quitté la région. Si belle et si paisible que soit cette partie du Kent, il était bon que Jennifer puisse déployer un peu ses ailes, élargir son champ de vision. Mais James admettait qu’elle lui manquerait.

Jennifer, qui se versait encore du vin, continua en pouffant :

— Trois boutiques, une banque, deux entreprises, un bureau de poste et aucun boulot correct ! Bon, je pourrais toujours migrer à Canterbury, voir si j’y trouverai quelque chose…

— Un beau gâchis en perspective, vu ton diplôme, acheva James. Je suppose que tu vas manquer à John.

Jennifer eut envie de lui demander s’il la regretterait pour sa part. Lui manquerait-elle quand il reviendrait ici pour le week-end, les vacances ? Il travaillait à Londres, où il avait repris l’entreprise familiale après la mort de son père, six ans plus tôt — une époque où rôdaient les vautours, prêts à s’emparer de l’affaire à vil prix. James sortait juste de l’université, à cette époque-là. Tirant un trait sur l’année sabbatique qu’il s’apprêtait à entamer, il avait pris la tête de la compagnie et l’avait fait entrer dans le XXI e siècle. Londres était sa base, mais il se rendait souvent à l’étranger.

— Je ne pars pas définitivement, fit-elle valoir avec un sourire, pensant à son père, John. Je crois que papa se débrouillera. Il a sa petite entreprise de paysagiste, plus l’entretien de votre propriété, bien sûr. Et je lui ai appris à utiliser un ordinateur pour qu’on puisse se voir et se parler.

Prenant son visage entre ses mains, Jennifer contempla James. Il n’avait que vingt-sept ans mais paraissait plus âgé. Etait-ce parce qu’il avait assumé des responsabilités de très haut niveau alors qu’il était à peine sorti de l’adolescence ? Il n’avait guère été impliqué dans l’entreprise de son père, avant la mort de ce dernier. D’ailleurs, Silvio Rocchi lui-même ne s’était pas engagé dans la direction des affaires. Assumant pour sa part ses devoirs diplomatiques, il avait remis les rênes à ses adjoints — ce qui s’était révélé une assez mauvaise initiative. James avait dû tailler dans le vif, faire des choix délicats. Etait-ce cette difficile nécessité qui lui avait forgé un caractère d’acier et l’avait mué en homme fait ?

Jennifer aurait sans doute ressassé un moment cette idée si elle n’avait réalisé que James lui parlait de son père :

— … juste une idée comme ça, mais John sera peut-être content d’avoir le cottage à lui tout seul.

— Il s’y habituera, il le faudra bien, commenta-t-elle.

Mais prendrait-il plaisir à sa solitude ? Cela, elle ne le pensait pas. Aussi loin que remontaient ses souvenirs, elle et son père avaient « fait la paire ». Ils avaient affronté ensemble la tourmente qu’avait été la mort de sa mère, et depuis ils étaient tout l’un pour l’autre.

— Je crois, murmura James en se penchant pour poser sa main sur la sienne, que ta surprise arrive…

Jennifer se retourna vivement, vit deux serveurs se diriger vers elle, et sentit la déception l’envahir. Ils apportaient un gâteau surmonté d’une bougie et une énorme coupe de crème glacée parsemée de vermicelles colorés. C’était le genre de chose qui aurait ravi un enfant, mais pas une femme. Elle jeta un coup d’œil à James. Renversé sur son siège, les bras repliés derrière la nuque, il souriait d’un air satisfait. Alors, elle sourit aussi, et continua à sourire après avoir soufflé la bougie sous les applaudissements des autres dîneurs.

Le dessert posé devant elle était énorme, et la Jennifer gauche et maladroite d’autrefois fut près de refaire surface tandis qu’elle contemplait le cadeau de James.

— Vraiment, tu n’aurais pas dû…

Posant ses coudes sur la table, il retira la bougie avec précaution.

— Tu le mérites, Jen. Tu as brillé dans tes études, et c’est un coup de maître d’avoir décroché ce job à Paris.

— Je ne vois pas ce qu’il y a de génial à prendre un boulot.

— Oui, mais à Paris… Quand ma mère m’a annoncé qu’on te faisait cette offre, je n’étais pas sûr que tu aurais le cran de sauter sur l’occasion.

— Comment ça ? dit-elle en avalant une bouchée de gâteau — il aurait été très impoli de le dédaigner.

— Tu sais très bien ce que je veux dire. Tu n’as pratiquement jamais quitté le giron familial… Tu t’es inscrite dans une fac toute proche pour voir John plusieurs fois par semaine alors que tu étais en résidence universitaire…

— Oui, mais…

— Ce n’était pas une mauvaise chose, s’empressa de préciser James. Le monde serait meilleur, s’il y avait davantage de gens comme toi. On aurait moins souvent droit à des reportages sur les parents vieillissants abandonnés à eux-mêmes…

— A t’entendre, je suis une sainte, ironisa Jennifer en nappant un morceau de gâteau d’un peu de crème glacée.

— Tu fais pareil chaque fois.

— Quoi ?

— Tu te mets de la glace au coin de la bouche.

Il allongea le bras pour ôter le surplus au bord de ses lèvres, et ce contact fugace faillit la faire sursauter. Il lécha son doigt puis haussa les sourcils d’un air gourmand.

— Délicieux ! Rapproche un peu ta coupe, qu’on partage.

Jennifer se détendit. C’était davantage dans le style de leur relation. Trois verres de vin lui avaient permis de se relaxer, mais elle n’avait pas réussi à bannir toutes ses inhibitions. Celles-ci risquaient de revenir en force, puisqu’il la traitait comme une gamine. Mais, alors que leurs cuillers cliquetaient contre leur coupe commune, qu’ils se donnaient la becquée et riaient… elle éprouva une fois encore une sensation d’excitation et d’attente.

Elle veilla à se pencher très en avant pour lui laisser voir la naissance de ses seins, révélée par une toilette audacieuse. Elle portait des tenues plus banales, d’habitude : de gros chandails en hiver et des robes amples en été. Mais pour ce rendez-vous elle avait passé une jupe courte et un petit haut de soie au décolleté plutôt osé.

Bizarrement, alors qu’elle ne se gênait pas pour mettre des jeans et des hauts moulants à la fac — l’uniforme des étudiantes —, elle avait toujours répugné à porter des vêtements serrés en présence de James. Chaque fois qu’il avait posé sur elle son regard bleu nonchalant, elle avait ressenti un vif embarras. Il sortait avec des filles si petites et si menues ! Elle avait sans cesse l’impression d’entendre les comparaisons qu’il devait faire dans sa tête quand il la regardait, alors qu’elle aurait voulu les éviter.

— Alors, murmura-t-il, vas-tu laisser quelque cœur brisé derrière toi ?

C’était la toute première fois qu’il lui posait une question aussi intime. Elle frissonna de plaisir et fit signe que non : en aucun cas elle n’aurait voulu lui donner l’impression qu’elle n’était pas libre !

— Pas du tout, dit-elle.

— Tu m’étonnes. Qu’est-ce qui ne va pas chez tous ces étudiants ? Ils auraient dû se battre pour sortir avec toi.

Elle rougit.

— J’ai eu un ou deux rendez-vous, mais je trouvais les garçons tellement immatures ! Toujours à se soûler en boîte ou à rester scotchés devant leur ordinateur. Aucun n’avait l’air de prendre la vie au sérieux.

— A dix-huit ou dix-neuf ans, il est normal de ne pas prendre la vie au sérieux.

— Tu l’as fait, toi, et tu étais à peine plus âgé.

— Comme tu le sais, je n’ai pas eu le choix.

Jennifer était la seule femme qui pouvait se permettre d’aborder le sujet de sa vie privée, pensa-t-il. Elle était, en réalité, la seule à être au courant de certains détails de son existence. Et, même ainsi, il y avait bien des choses dont elle n’avait pas idée.

— J’en ai conscience, dit-elle. Et je réalise que ça a dû être dur. Mais, franchement, je ne connais personne qui aurait su être à la hauteur, comme toi. Tu n’avais aucune véritable expérience et pourtant tu t’es attelé à la tâche et tu as renversé la situation.

— Quand on m’adoubera chevalier, je veillerai à ce que tu sois l’invitée d’honneur !

Elle éclata de rire. Puis, repoussant la coupe de glace en train de fondre, elle choisit de se verser un nouveau verre de vin, ignorant le haussement de sourcils de James.

— Je suis sérieuse, insista-t-elle. Aucun des garçons que j’ai approchés à l’université n’aurait été capable d’assurer.

— Tu es jeune. Tu devrais être en quête d’un type qui aime s’amuser, pas d’un héros capable de porter le monde sur ses épaules. Tu as tout le temps de réaliser que l’existence n’est pas une partie de plaisir, crois-moi.

— Je ne suis pas jeune ! protesta Jennifer d’un ton léger. J’ai vingt et un ans. Il n’y a pas une très grande différence d’âge entre nous, en fait.

James, rieur, fit signe au serveur d’apporter la note.

— Tu n’as pas rendu justice aux desserts, dit-il, changeant de sujet alors qu’elle aurait aimé s’attarder sur ce thème personnel. J’ai toujours été épaté par ton faible pour les douceurs. C’est rafraîchissant. Pour certaines de mes anciennes copines, manger des sucreries revenait à commettre un crime capital.

— C’est pour ça qu’elles sont si maigres et moi pas, observa Jennifer, espérant un compliment.

Mais l’attention de James était concentrée sur la note que le serveur plaçait devant lui. Maintenant que la soirée touchait à sa fin, elle commençait à se sentir de nouveau nerveuse, malgré l’effet du vin. Quand elle se mit debout, elle vacilla légèrement, et James tendit le bras pour la soutenir.

— Ne me dis pas que tu as trop bu, murmura-t-il, l’air inquiet. Cramponne-toi à moi, je veillerai à ce que tu ne tombes pas.

— Je ne vais quand même pas m’effondrer ! Je suis une grande fille, je peux supporter quelques verres de vin !

Elle adora sentir son bras viril autour de sa taille alors qu’ils quittaient le restaurant. En plein mois d’août, il régnait encore une tiédeur agréable dehors. Le crépuscule naissant enveloppait de son ombre les êtres et les choses et, les réverbères n’étant pas encore allumés, l’atmosphère ambiante était douce et intime. Jennifer se nicha plus étroitement contre James et, d’un geste timide, l’enlaça à son tour. Son cœur battait à se rompre.

Elle mesurait près d’un mètre quatre-vingts, et ses talons la grandissaient encore. Mais, même s’il était à peine plus grand qu’elle, James lui donnait la sensation d’être petite et féminine. Il ne lui aurait pas déplu de marcher ainsi avec lui, en silence, mais il se mit à la questionner au sujet de Paris, quêtant des détails sur son futur travail, sur l’appartement qu’elle aurait… et lui assurant qu’en cas de besoin elle pourrait toujours bénéficier d’un des logements que possédait sa propre compagnie ; il serait plus qu’heureux de lui en réserver un.

Elle ne désirait rien de tel. Elle ne voulait pas qu’il se comporte en grand frère, qu’il s’imagine qu’elle souhaitait qu’il veille sur elle de loin. Elle éluda donc sa proposition, lui rappelant qu’elle n’avait nul besoin d’un chaperon.

— D’où vient ce brusque accès d’indépendance ? s’enquit-il d’un ton espiègle.

Elle sentit son haleine tiède lui effleurer les cheveux. Comme ils étaient parvenus près de la voiture de James, elle éprouva une sensation de manque alors qu’il lâchait son bras pour lui ouvrir la portière.

Quand ils furent en voiture, il se tourna vers elle tout en mettant le contact, et dit dans un sourire :

— Je me rappelle une fois, quand tu avais quinze ans… Tu avais déclaré que tu ne réussirais jamais ton contrôle de maths si je ne t’aidais pas à réviser.

— Je devais être une vraie plaie ! commenta-t-elle, sincère.

— Ou une distraction agréable…

— Comment ça ?

— J’étais débordé de boulot, je me débattais pour sortir l’entreprise de sa situation désastreuse. Quand je t’aidais, que j’écoutais tes bavardages sur l’école, c’était souvent une pause bienvenue.

— Mais… et tes petites amies ?

— On pourrait croire qu’elles représentaient une détente, fit piteusement James, mai, à ce moment de ma vie, je me serais passé de leurs exigences.

— C’est si loin ! Je ne me rappelle même pas les bavardages dont tu parles.

— Si j’ai bonne mémoire, tu avais eu « A » en maths…

Jennifer garda le silence. Le restaurant n’était qu’à une demi-heure de route de chez elle. Ils seraient vite arrivés au cottage, et elle pourrait alors prouver à James qu’elle n’était plus du tout la gamine qui quêtait son aide pour ses devoirs ou lui racontait les menus faits de sa vie. Peut-être n’en serait-il pas vraiment surpris ? Après tout, c’était lui qui l’avait invitée à sortir !

Elle revécut en pensée l’agréable sensation d’être enlacée par lui, et résista à la tentation de poser sa main sur la sienne.

Ils rejoignirent le cottage dans un silence complice. Situé sur le domaine du manoir, il avait été destiné à l’origine à héberger le majordome. Mais, des années avant l’installation des Rocchi, un investisseur immobilier peu scrupuleux en avait fait un lot séparé pour rafler encore plus d’argent. Par une heureuse coïncidence, le père de Jennifer avait acheté la petite habitation au moment où les Rocchi emménageaient de leur côté dans le manoir. La mère de Jennifer étant morte, Daisy Rocchi, qui ne pouvait plus avoir d’autre enfant après James, avait « adopté » la fillette, au mépris des conventions et idées reçues selon lesquelles deux familles d’un statut social si différent ne pouvaient devenir proches.

— Papa n’est pas là, ce soir, dit Jennifer à James après s’être éclairci la gorge. Tu… tu veux entrer boire un verre ? Tu n’as pratiquement rien pris, ce soir.

— Je n’ai pas eu la présence d’esprit de commander un taxi au lieu de prendre le volant.

— Eh bien, il y a du vin au frais, et je crois que papa garde une bouteille de whisky dans le placard. Son « vice d’une fois par mois », comme il l’appelle.

Elle fut soulagée de le voir accepter, même s’il réclama plutôt une tasse de café.

Une fois à l’intérieur, elle alluma la lampe et non le plafonnier à la lumière trop vive, et invita James à s’installer tandis qu’elle allait préparer du café.

Elle était si perdue dans ses pensées qu’elle faillit lâcher les tasses lorsque, en se retournant, elle vit James sur le seuil de la cuisine. Elle déposa deux tasses sur la table, puis, en deux pas, franchit la distance qui les séparait.

C’est maintenant ou jamais, pensa-t-elle avec une résolution fiévreuse. Il y avait trop longtemps qu’elle avait le béguin pour James. A la fac, elle s’était efforcée de trouver séduisants les garçons qui l’avaient invitée à sortir avec eux, mais elle avait toujours fini par en revenir à James. Son sex-appeal incroyable et leur longue complicité formaient un tout fascinant, ensorceleur, dont elle n’avait pu rompre l’envoûtement.

Nerveuse, les paumes moites, elle risqua :

— Je… j’ai bien aimé ce que tu as fait tout à l’heure…

— Le gâteau et la glace ? fit-il en riant. Je sais que tu es friande de douceurs.

— En fait, je parlais d’après.

— Désolé, je ne te suis pas…

— Quand tu m’as enlacée pour aller jusqu’à la voiture. Ça m’a plu.

Elle glissa une main sur son torse et crut s’évanouir en sentant sous ses doigts sa chair ferme.

— James, murmura-t-elle.

Et, avant d’en perdre le courage, elle se hissa sur la pointe des pieds pour atteindre sa bouche. Son premier contact avec ses lèvres fraîches lui procura une décharge d’adrénaline. Gémissante, elle approfondit son baiser, nouant les bras autour de son cou, lovant son corps contre le sien. Ses seins étaient douloureusement tendus, son cœur battait comme un tambour. Tous ses nerfs exaltés lui envoyaient des sensations inconnues, et les baisers qu’elle avait échangés avec d’autres garçons étaient balayés par la fougue de celui-ci. Elle sentit que James réagissait, lui rendait sa caresse, et cela lui donna l’audace de saisir sa main virile pour la glisser sous son top flottant, la poser à même le soutien-gorge en dentelle qu’elle avait choisi exprès pour cette occasion.

Noyée dans l’instant, elle mit plusieurs secondes à réaliser qu’il se détachait d’elle en douceur, plusieurs autres à comprendre que ce n’était pas dans l’intention de la mener à l’étage. Cette soirée tant désirée ne s’achèverait pas dans sa chambre, à faire l’amour à la lueur des bougies. Elle avait hésité à n’en plus finir sur le choix des draps, remplacé son couvre-lit fleuri par quelque chose de plus classique. Il ne verrait rien de tout cela.

— Jennifer…

Incapable de supporter le ton trop aimable de sa voix, elle s’écarta en lui tournant le dos, repliant ses bras autour d’elle.

— Je suis désolée… Va-t’en, s’il te plaît…

— Nous devons discuter de… ce qui vient de se passer.

— Non.

Elle refusa de lever les yeux alors qu’il la contournait pour lui faire face. Elle était à la fois brûlante et glacée d’humiliation. Elle avait cessé d’être une femme sexy en rendez-vous avec son béguin de toujours pour n’être plus qu’une fille maladroite, pas très séduisante, parée d’une tenue grotesque, et qui venait de se ridiculiser.

— Jen, regarde-moi, je t’en prie.

— Je me suis méprise, James, pardon. J’ai cru… Je ne sais pas ce que j’ai cru.

— Tu es gênée et je le comprends, mais…

— Arrête, ne dis plus rien !

— Il faut que je parle. Nous sommes amis. Si nous ne crevons pas cet abcès, ce ne sera plus jamais pareil entre nous. J’aime ta compagnie. Je ne voudrais pas perdre ce qui nous unit. Bon sang, Jennifer, regarde-moi, au moins !

Elle leva les yeux et, pour la première fois, elle ne se sentit pas frémir en posant les yeux sur lui.

— Ne te flagelle pas inutilement, Jen. Je t’ai rendu ton baiser et je m’en excuse. Je n’aurais pas dû.

Mais il l’avait fait, et elle savait pourquoi. Quel homme aurait résisté à une femme se jetant à sa tête ? Il était révélateur qu’il ait recouvré ses esprits en quelques secondes. Même prête à tout donner, elle n’avait pas réussi à le tenter.

— Tu es au seuil de la vie. Tu t’apprêtes à te lancer dans une grande aventure…

— Epargne-moi ta pitié, marmonna-t-elle.

— Ce n’est pas de la pitié !

Il fourra ses mains dans ses poches, secouant la tête dans sa frustration.

— Si, justement ! Je me suis comportée comme une idiote et je nous ai mis dans une situation impossible. Tu n’y es pour rien ! Bon, d’accord, quand tu m’as invitée, j’ai cru que cela allait au-delà d’un dîner en amis. Je me suis imaginé que tu commençais peut-être à me considérer comme une femme et pas comme une vieille copine ! Une vieille copine sans aucun charme et pas appétissante du tout.

— Arrête de te dénigrer, je n’aime pas ça.

— Je ne me dénigre pas, dit-elle, réussissant par un suprême effort de volonté à le regarder bien en face. Je suis honnête. J’ai un faible pour toi…

— Et il n’y a rien de mal à ça, dit James avec tant de sincérité qu’elle eut envie de le gifler. Mais tu es très jeune. Tu m’as fait remarquer que nous avions juste quelques années de différence, mais, du point de vue de l’expérience, nous sommes à des années-lumière. Dans un an, tu auras oublié tout ça. Tu auras rencontré un garçon sympa…

— Si tu le dis, murmura-t-elle, n’aspirant qu’à terminer cette conversation pour monter se réfugier dans son lit.

James soupira, secouant la tête. C’était là une Jennifer qu’il ne reconnaissait pas. Envolée la fille souriante, pleine d’entrain. Avait-il su qu’elle s’était entichée de lui ? Oui, bien sûr, même s’il n’avait jamais abordé la question. Maintenant, pour la première fois, il la sentait se fermer à lui. Il le comprenait, mais c’était une sensation bizarre et qu’il n’aimait pas.

— Tes sentiments pour moi ne sont pas appropriés, lui dit-il rudement. J’étais sérieux en disant que tu dois profiter de ta jeunesse avec des garçons pas compliqués qui aiment s’amuser.

— Tu parles comme si… comme si je cherchais autre chose que… que…

— Qu’une partie de jambes en l’air ?

Mortifiée, Jennifer haussa les épaules.

— Tu mérites beaucoup plus que ce que je peux te donner.

Autrement dit, traduisit-elle, tu n’as aucune envie de m’accorder autre chose qu’un baiser de temps à autre et un tas de bons conseils sur la façon dont je dois mener ma vie.

Il se montrait condescendant, et le pire était qu’il n’en avait même pas conscience.

— Ne t’inquiète pas pour moi, murmura-t-elle avec un sourire contraint, pour lui éviter d’avoir à la ménager, en type bien qu’il était. Ça ira. Ce sont des choses qui arrivent.

Elle recula, instaurant une nette distance entre eux, puis ajouta :

— Je ne te reverrai sans doute pas avant mon départ.

— Non.

— Je resterai en contact…

— Bien sûr.

James eut une hésitation, passa la main dans ses cheveux.

— Merci pour le dîner, James… et à un de ces jours…

Elle resta figée sur place alors qu’il la dépassait, puis s’immobilisait soudain, comme s’il hésitait à partir.

Que s’imaginait-il ? Qu’elle allait se jeter par la fenêtre parce qu’il l’avait rejetée ? Etait-elle si pathétique à ses yeux qu’il la jugeait incapable de surmonter ça ?

Le déclic de la porte refermée lui signala son départ, et, sûre alors qu’il avait quitté le cottage, elle accusa le coup. Les yeux clos, elle se revit en train d’acheter une toilette pour ce grand rendez-vous, en plein émoi à l’idée d’avoir James à elle seule pour la soirée, de le séduire et de satisfaire enfin son désir. Cette Jennifer-là semblait soudain si loin ! Un CDD d’un an, ce n’était pas bien long. Mais cela suffirait pour lui dire adieu…

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