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Puis j’entre dans les bois avec, comme à chaque fois, le sentiment de rentrer chez moi. Ce que j’aime surtout, c’est le bruissement des feuilles dans les arbres. C’est un bruit qui me rassure et me donne le sentiment d’être un aventurier, une espèce d’homme des bois rusé et redoutable. Au loin, le rugissement d’une tronçonneuse me rappelle que la civilisation n’est pas loin. Je sais à peu près où je vais quitter le sentier pour trouver l’endroit de ma future cabane. Plus loin, il y a un sous-bois sombre envahi de rochers recouverts de mousse. Personne ne doit se promener dans ce coin là, et donc personne ne trouvera ma cabane, qui sera mon refuge secret. Je l’imagine fixée à quatre troncs d’arbres, en l’air, à un mètre du sol. On y entrera par une trappe dans le plancher. Le plus difficile sera de trouver suffisament de planches. Mais j’ai déjà récupéré un vieux rouleau de lino qui me servira pour le toit, ainsi il sera étanche. Soudain, quelque chose me gêne au pied gauche. Je ne sais comment, un petit caillou est entré dans ma basket. Je l’enlève et le fait glisser dans ma main droite. Je le regarde attentivement. Il ressemble à une pyramide minuscule.
Ses arêtes sont si régulières qu’on le dirait avoir été taillé par quelqu’un. Il me plaît bien. Je le glisse dans une poche de mon pantalon. Puis je me rechausse, et pile au moment où je me relève, je vois une forme noire comme la nuit en plein milieu du chemin.
Immobile. Deux cornes sur la tête et le regard mauvais.
Je suis si surpris que je ne comprends pas tout de suite ce que je vois.
C’est une chèvre. Je ne l’ai pas du tout entendue. Pour moi, c’est comme si elle venait d’apparaître par magie au milieu du chemin. Face à cet animal au regard sévère, je me rends compte que mes connaissances sur les animaux féroces, et surtout les dinosaures, ne me servent à rien. Elles sont même complètement ridicules, étant donné qu’il n’y a aucune chance que je croise un tigre ou un tyranosaure ici, dans le massif vosgien. Que faire en face d’une chèvre qui se tient immobile en face de vous ?
— Ça va, la noiraude ? je dis.
La chèvre ne bronche pas. Mais entendre ma voix chasse ma peur. La bête me fixe intensément et de mon côté je l’observe aussi, mais sans la regarder dans les yeux. Ça je le sais, regarder un animal dans les yeux peut être interprété par lui comme un défi.
Lentement, très lentement, je me baisse, ramasse une poignée de cailloux et me relève tout aussi lentement, prêt à les lui lancer pour l’effrayer.
Et puis hop, le temps d’un claquement de doigts, la chèvre bondit sur le côté et disparaît derrière un taillis. Son départ a été si rapide qu’un instant je doute l’avoir vraiment vue. Je cours jusqu’à l’endroit où elle se trouvait, j’observe les alentours, mais je ne la vois pas. Je suis épaté par sa rapidité. J’aimerais pouvoir m’enfuir et disparaître comme elle, en quelques bonds.
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