Le Trône des regrets

Une immense salle de trône.

Aucune lumière n’est allumée, aucune autre lueur que la pâleur tremblotante des fenêtres, striées par les cicatrices de la pluie, n’éclaire le sol en damier. Un roi avance lentement.

Ses pas résonnent à l’infini sous les voûtes aussi brisées que lui. Il est tout vêtu de noir, comme une ombre encore vivante, une silhouette découpée dans le vide. Un vide qui lui ronge le cœur. Il s’arrête devant le siège du pouvoir.

La pluie martèle les vitres, cherchant à peupler l’espace de murmures que le temps a pourtant effacés. Il s’assoit. La couronne pèse terriblement lourd sur son front.

Il a froid.

Il est seul.

Effroyablement seul.

Ses yeux se perdent dans le vide. Des formes apparaissent petit à petit autour de lui, autant d’échos du passé, de fantômes échoués à la lisière de ses souvenirs. Il revoit un homme à genoux à ses pieds, un homme au visage suppliant, terrifié. Une foule les entoure, mais il ne regarde ni les chevaliers, ni les ministres, ni les courtisans, personne d’autre que cet homme qu’il a aimé si fort qu’il en a toujours mal.

Comme dans un cauchemar, il s’entend répéter les mots qui hantent ses nuits depuis.

– Coupable. Traitre. Qu’il soit exécuté.

Sa voix se répercute comme un hurlement sous les ogives muettes. La pluie cogne plus fort contre les vitres, comme si elle cherchait à rentrer pour le frapper lui, le blesser, le briser. Mais que pourrait-elle faire qu’il ne s’était déjà infligé ?

Les figures s’estompent, les fantômes s’effacent. Ne reste qu’un roi en pleurs, assis sur un trône de regrets.