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La métamorphose est prodigieuse. La question que je me pose en regardant cette transformation, c’est si Picasso l’avait anticipée ou si elle lui est apparue au cours de son travail. Et me revient une réponse que m’avait faite le peintre Soulages alors que je lui demandais, pour un mauvais livre jadis publié, quelle différence existe, selon lui, entre l’artiste et l’artisan. A quoi il m’avait répondu : « L’artiste et l’artisan savent où ils vont, mais l’artiste ne connaît pas le chemin.»
Afficher en entierIl voit juste, Apollinaire. Peut-être connaît-il un dessin de Picasso datant de l’époque où il avait peint Les Derniers Moments pour l’Exposition universelle de 1900. Il s’était représenté en compagnie de ses copains espagnols. Il ouvre la marche, les autres suivent. Les noms de chacun sont inscrits sous leurs silhouettes respectives. Sous le plus petit de tous, qui n’avait pas encore découvert le Bateau-Lavoir, on lit cette inscription toute simple : Moi.
Afficher en entierL’histoire commence un matin, dans les premières années du XXe siècle, à la terrasse d’un café, Dôme ou Rotonde selon l’inclinaison du soleil. Il y a là un homme qui déplie Paris-Journal et s’arrête en page 2. Il découvre un gros titre qui l’intrigue : Le vol de la Joconde. Il lit. Et plus il lit, plus il se tasse sur sa chaise. Il voudrait devenir invisible. Se lever et filer sur la pointe des pieds, descendre le boulevard Raspail, traverser Saint-Germain, longer la Seine jusqu’à chez lui, s’y enfermer, n’ouvrir à personne, attendre. Téléphoner à Picasso et le faire rentrer. Après, ils aviseraient. Dans le bordel du Bateau-Lavoir, on trouverait certainement.
Guillaume Apollinaire replie le journal et se lève. Il porte un chapeau ce jour-là. Un canotier en toile légère qui l’abrite du soleil et qu’il abaisse sur son front pour ne pas être reconnu. Il entre à l’intérieur de la Rotonde et demande au père Libion s’il peut téléphoner.
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