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Jusqu'à cet instant, Mosca avait cru qu'elle connaissait le blanc. Le blanc était vieux et laid, c'était quelque chose qu'on avait laissé dans l'eau trop longtemps.
Jusqu'à cet instant, Mosca avait cru qu'elle connaissait la richesse. La richesse était l'odeur de la graisse d'oie, c'était un bourrelet rubicond sur le ventre et les joues qui protégeait du froid.
Cet étrange nouveau monde était parsemé d'une multitude de gouttes de pluie, mais chaque goutte était une perle.
Mosca n'avait encore jamais vu de perles. Elles étaient innombrables, occupées à jouer à la ronde sur des prairies de soie immaculée ou à se suspendre en longs chapelets au poignet et au cou de l'unique occupante du carrosse.
Un visage flottait dans les ténèbres, d'une pâleur de porcelaine et d'une beauté parfaite. Il était surmonté d'un édifice compliqué de boucles et de tortillons si bien maintenus par des épingles et abondamment poudrés qu'on aurait cru une sculpture en marbre. Si jamais ce visage avait exprimé quelque émotion humaine, elle avait été effacée et étouffée depuis longtemps par une épaisse couche de poudre. D'un seul coup, Mosca comprit que l'authentique richesse n'était pas un feu ronflant ni un manteau de laine rouge. La richesse était un paysage de neige.
Afficher en entierVoilà sept ans que ces événements se sont produits, déclara Écrivien Plumedoy à sa fille. Aujourd’hui, le Royaume attend toujours la décision du Comité. Veux-tu savoir ce qui s’est passé depuis lors ? Je vais te montrer notre pays. C’est…
Il tendit la main vers l’assiette de son dîner.
- C’est ce biscuit.
La Mouche contempla docilement le biscuit, essayant peut-être d’imaginer que le sol à ses pieds était lui aussi croquant et rempli d’amandes.
- Voici à quoi ressemble notre « royaume ».
Écrivien abattit son poing sur le biscuit, lequel s’effrita de toutes parts.
- Tu comprends ? On dirait encore un biscuit entier, mais il est cassé sans remède. Chaque fragment défend les couleurs d’une reine ou d’un roi différent.
Afficher en entier- Mais les noms sont importants ! protesta la bonne d’enfants.
- Absolument, répliqua Écrivien Plumedoy. Et l’exactitude aussi est importante.
- Quand même, qu’est-ce qu’une petite demi-heure ? Personne ne saura que la petite est née après le coucher de soleil. Songez qu’elle serait placée sous l’invocation du Bon Seigneur Boniface, une enfant du Soleil ! Vous pourriez l’appeler Aurore, Solina ou Luminelle. Il existe une foule de jolis noms pour les filles du Soleil.
- C’est vrai, mais hors de propos. Après le coucher du soleil, ce jour du calendrier est consacré au Bon Seigneur Palpitaon, Celui-qui-écarte-les-mouches-des-pots-de-confiture-et-des-barattes-de-beurre.
La bonne s’appelait Carotte Fauvette. Elle était née un jour consacré à Cramflick, Celle-qui-conserve-leur-fraîcheur-aux-légumes-du-potager. Carotte était bien placée pour apprécier l’importance des noms. Ses yeux avaient la couleur pâle et la douceur humide de raisins qu’on vient de peler, mais en cet instant lesdits raisins brillaient d’une résolution opiniâtre.
[…]
- Appelons-la Mosca et n’en parlons plus, déclara Écrivien.
Mosca était un nom passablement démodé pour une native de la mouche, mais c’était toujours mieux que Mouchette ou Bourdonienne.
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