Le voyage des lycéens : des jeunes de cité découvrent la Shoah
Auteur
- Samia Essabaa (Écrivain)
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extrait
« Le 11 Septembre, c'est bien fait pour les Juifs ! »
– Any volunteer to read this text ? Karim, do you…
– Madame Essabaa, à New York, y a deux gratte-ciels qui brûlent, y a des avions qui sont rentrés dedans…
– Qu'est-ce que c'est que ces histoires ? Arrête de raconter des bêtises, Mohammed !
– Je vous jure sur le Coran !
– Pas la peine de jurer sur le…
– Mais si, madame, il s'est passé quelque chose…
– Oui, ils l'ont dit à la télé, je l'ai vu chez mes parents tout à l'heure !
– Oui, moi aussi !
Bizarre, cette unanimité à inventer un canular, pensé-je en faisant taire ma classe de première bac pro. Je reprends mon cours d'anglais et décide de vérifier à la pause.
16 h 15. La cloche de la récréation retentit dans le lycée. Alors que les élèves s'égaillent, je me rends en salle des professeurs. L'atmosphère y est plus électrique que d'habitude : on a effectivement entendu parler de « quelque chose », essentiellement par nos élèves respectifs. Mais rien n'est confirmé. Aucun de nous n'a de radio, et le lycée n'a jamais jugé utile de se doter d'un poste de télévision. Quant à Internet… Seuls deux PC poussifs sont connectés. Personne ne songe d'ailleurs à surfer, occupés que nous sommes à mettre à profit chaque minute de la pause pour finir de taper le prochain cours ou imprimer les exercices du lendemain.
En ce 11 septembre 2001, la « société de l'information », le « village mondial » et l'« interconnexion planétaire » s'arrêtent aux portes du lycée professionnel Moulin-Fondu de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis). Nous enchaînons avec nos classes suivantes sans avoir eu le fin mot de l'histoire.
Les choses deviennent plus concrètes en fin de journée, alors que je patiente devant le conservatoire municipal pour inscrire l'une de mes deux filles aux cours de solfège et de guitare. Là, dans la file des parents qui attendent comme moi, le récit des attentats tourne en boucle, agrémenté des commentaires que chacun formule sous le coup de l'inquiétude et de l'incompréhension. « Vous vous rendez compte ? Tous les aéroports bloqués là-bas… », « Sûrement un coup de la CIA », « Ça va tourner mal… ».
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Le voyage des lycéens : des jeunes de cité découvrent la Shoah
- France : 2009-03-11 - Poche (Français)
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Résumé
Samia Essabaa a 42 ans. Elle est professeur d’anglais au lycée professionnel Moulin-Fondu de Noisy-le-Sec (93).
Elle y enseigne à des adolescents majoritairement musulmans, et majoritairement issus de l’immigration arabe et africaine.
A l’occasion du 11 Septembre, elle prend conscience du racisme et de l’antisémitisme qui règnent dans ses classes. Aux yeux de cette professeur, elle-même musulmane et d’origine marocaine, le constat est accablant : parmi ses élèves, les Juifs sont stigmatisés et dépréciés, responsables de beaucoup des malheurs du monde, et notamment des leurs.
Refusant de rester sans réagir, Samia décide de frapper fort en organisant un premier voyage scolaire à Auschwitz en 2005. La préparation de ce voyage est l’occasion pour elle de constater également de graves lacunes dans les connaissances des jeunes : le nom d’Auschwitz est bien souvent inconnu, et la Shoah ne dit rien à personne, ou alors son existence est mise en doute.
Samia n’est pas la première enseignante à emmener ses élèves dans un camp de concentration. En revanche, elle est l’une des très rares à rééditer l’expérience et à y mêler par la suite, en 2007, une classe d’un lycée juif de Pavillon-sous-Bois (93) et une classe d’un lycée mixte juif-musulman de Casablanca.
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