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Il se retrouva une fois de plus à la gare et se planta près de l'entrée des voyageurs. Il n'y avait plus d'espoir en lui, plus qu'un instinct de bête dont le maître est mort, mais qui continue pourtant de le chercher parmi les vivants.
Elle était partie en voiture, mais il l'attendait là, près de ce portillon où disparaissaient des manteaux de fourrure et des cheveux blonds, bruns, roux... Il ne savait même pas de quelle couleur étaient aujourd'hui les siens.
Voilà : Quantin, c'était devenu cela. Un vieux sans force, un vieux dont les mains ouvertes pendaient de chaque côté de son corps. Deux grosses mains inutiles, marquées par une vie de peine, habituées à tout entreprendre et à tout mener à bien, mais qui n'avaient rien pu faire pour retenir Marie-Louise.
Afficher en entierIls vivaient là, sans se quitter, attelés au même chargement de petites misères et de petites joies, à marcher du même pas depuis des années, et voilà qu'il s'apercevait aujourd'hui qu'il connaissait à peine sa femme. Voilà qu'il n'osait même plus l'embrasser. Lorsqu'on vit ainsi, on croit se connaître, mais c'est seulement valable pour l'habituel, c'est à dire la peine et toutes les petites joies qui font l'existence. Mais qu'un évènement survienne qui vous jette brutalement en dehors de l'ornière, et voilà qu'on ne se retrouve plus. On se prend à regarder sa femme comme si on la rencontrait pour la première fois.
Afficher en entierBon Dieu ! ce que ça doit soulager, d'écraser une pareille gueule !
Quantin s'arrête. Il pense qu'il va devenir fou. Sa tête va peut-être éclater d'un coup, et puis ce sera fini.
Il est fou.
Il a quitté sa terre pour venir se perdre là et, en une nuit, cette ville à tué l'homme qu'il était depuis sa naissance pour faire de lui un déséquilibré prêt à tuer un individu qui l'a regardé d'un drôle d'air. Voilà ce qu'il est devenu. Et tout ça, parce qu'il pense que sa fille n'est peut-être pas restée dans le droit chemin. Il pense, mais il n'est sûr de rien. Et pour un peu, il alertait la police.
Afficher en entierPendant ce temps, Isabelle et Denise attendaient Marie-Louise, persuadées qu'il allait la ramener ce soir. Elles devaient être à table, devant leur soupe fumante et lui, le père à qui on pouvait tout reprocher, il ne pensait qu'à les rejoindre. Et il oserait sans crainte qu'on lui crache au visage; qu'on lui plonge le nez dans sa lâcheté. Il arriverait là-bas sans rien à leur dire. Ou bien, il dirait...
Et si tout ce qu'il avait découvert n'était que mensonge, calomnie, histoire montée de toutes pièces pour se moquer du paysan qu'il était ?
Il se leva et commença de marcher dans cette immense salle. Il essayait de mettre un peu d'ordre dans sa tête.
Vraiment, tout concordait. Tout était contre Marie-Louise. Le hasard seul ne pouvait pas avoir fait cela.
Afficher en entier« Il y avait ainsi beaucoup plus de lumière dans l’eau que sur le coteau d’en face où s’étageaient des maisons aux fenêtres éclairées. Plus les maisons étaient hautes et loin, plus leurs lumières se nimbaient d’un halo. Il n’y avait pas d’étoiles. La lueur qui montait de la ville semblait rencontrer comme un plafond cotonneux posé sur les toits les plus élevés. Quentin regardait tout cela sans rien voir vraiment. »
Afficher en entierDurant plus de huit jours, le ciel avait promis la neige. Tourmentées de bise et de vent d’ouest, les grisailles s’étiraient en voûtes basses d’un bord à l’autre de la terre, sans jamais ni s’arrêter ni s’ouvrir sur le ciel.
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