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L'eau glacée de la rivière



Description ajoutée par siegrid 2012-10-09T10:41:27+02:00

Résumé

Sensible et généreuse, Marie élève seule Aurore, sa fille adolescente. Une vie simple et heureuse au milieu des fleurs. Quand sa meilleure amie lui présente Jacques, son cousin, Marie tombe immédiatement sous le charme. Après quelques semaines, on parle déjà mariage. Aurore voit cette union d’un mauvais œil. Elle pressent que derrière ses airs de prince-charmant, Jacques cache une personnalité bien plus sombre. Mais l’amour rend aveugle, et il est déjà trop tard...

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Classement en biblio - 1 lecteurs

extrait

Extrait ajouté par siegrid 2012-10-09T10:41:10+02:00

Extrait

1

Marie ouvrit les volets, aussitôt le soleil envahit la chambre. Elle tira la couverture du lit, la renversa sur la rambarde du balcon puis la battit du plat de la main. Un nuage poudré s’éleva dans l’atmosphère. Impalpables et oscillantes, les poussières jouaient dans la lumière. Comme chaque année, le printemps venu, la gagnait l’irrésistible envie de faire le ménage.

Ce matin Marie s’était levée de bonne heure avec l’intention de traquer poussière, de chasser les toiles d’araignées en même temps que les miasmes de l’hiver. Tout en s’activant, elle goûtait à la quiétude des premières heures du jour, à la tiédeur d’avril. De son enfance elle gardait un amour irraisonné pour les arbres. Il lui suffisait d’admirer le jardin pour se sentir heureuse. Elle était fière du cerisier qui, d’année en année, forcissait, au point d’aller couvrir de son ombrage une partie du gazon. L’arbre lui disait les saisons qui passent. Il témoignait de l’accomplissement, chaque année répété, du même miracle. Miracle de la floraison, miracle de la mutation de la fleur en fruit, miracle de la feuillaison, à laquelle succédait le lent dépouillement dont les tonalités vibrantes étaient les derniers feux avant la mise en sommeil. Petite mort qui allait dévoiler la sévère et majestueuse ramure.

Chaque saison Marie se faisait le témoin attentif de ce prodige. Elle pensait n’éprouver aucune nostalgie du temps qui passe et se disait qu’elle n’était pas de celles que les souvenirs retiennent au bord du chemin. La nature lui avait appris que tout n’était qu’un éternel recommencement et qu’en cas de tempête, tel l’oiseau, il lui suffirait d’attendre les vents favorables pour reprendre son vol et se laisser porter par les courants ascendants. Pourtant, depuis quelques mois, la mélancolie s’était emparée d’elle.

Marie refaisait son lit. Ses gestes, bien que rapides et précis, s’imprégnaient de délicatesse, comme si le bonheur risquait de se briser. Parfois, une peur incontrôlable s’insinuait en elle. Pensées fugaces, aussi menaçantes qu’une lame appuyée contre sa peau, aussi pénétrantes qu’un clou vrillé dans sa chair.

Marie s’affairait. Dans l’espoir de chasser ses craintes elle lissait les draps, tapotait les oreillers, tirait le dessus-de-lit qu’aucun corps d’homme n’était venu chiffonner… L’étau se resserra. Elle se posta à la fenêtre. Son regard erra, rencontra un bout de ciel bleu, effleura le haut du portillon. L’angoisse sourdait. Elle pensa qu’elle devrait repeindre la grille, trouverait-elle seulement le même ton de vert ? Son regard survola la pelouse, s’appesantit sur la bordure fraîchement plantée. Cette année elle avait choisi d’associer tulipes jaunes, iris mauves et impatientes aux teintes profondes et chatoyantes de l’améthyste. Si l’association était réussie elle se promettait de l’immortaliser en une aquarelle ou une huile.

Oppressée, elle chercha sa respiration. Quand, par hasard, ses yeux se portèrent sur la tente plantée près du muret, elle vit la toile frissonner. Elle se pencha : fusa un rire, bondit une boule de poil. Après le chat apparurent deux jambes nues suivies d’une tête ébouriffée. « Aurore ! Elle n’avait donc pas dormi dans sa chambre ? Et dire qu’elle n’avait pas osé descendre préparer le petit déjeuner de peur de la réveiller ! »

Aussitôt elle sourit, redevint légère, presque joyeuse : sa fille, son enfant… L’étau se desserra. Pieds nus dans l’herbe humide de rosée, Aurore se tourna vers la maison :

— Marilie ! appela-t-elle souriante.

— Tu as dormi sous la tente ? s’étonna Marie.

Une fois de plus, la beauté sauvage de sa fille la frappa. Ses cheveux cuivrés ondulaient jusqu’au creux des reins : « une vraie tignasse ! » maugréait-elle chaque fois qu’elle essayait de les discipliner. Mais à quoi bon ? Aurore était à nulle autre pareille. Elle possédait les couleurs de la terre brûlée et des yeux qui passaient du gris orage au vert des mers du Sud. Dans toute cette harmonie d’eau-forte, ses prunelles irradiaient comme deux lacs posés au creux d’un paysage volcanique.

« Tant de vigueur », pensa encore Marie. À côté de sa fille elle avait le sentiment d’être banale. Elle déplorait un teint clair, des cheveux blonds à la texture délicate. À voir sa fille si différente, elle se demandait comment elle avait pu engendrer pareille splendeur ; si proche et si distincte d’elle-même. Du géniteur elle ne gardait que peu de souvenirs. Il avait été la rencontre d’un soir. Heures inoubliables d’une étreinte passionnée, folie d’une nuit d’échanges éblouissants dont elle avait gardé longtemps le goût du sel, le goût des morsures et des baisers. Souvenir d’images crépitantes et syncopées, toutes torrides ; souvenir de l’exaltation des sens, de la fusion et de la confusion des corps ; souvenir du parfum subtil de la chair moite ; souvenir des sucs aux accents de musc ; souvenir des essences légères et fleuries associées aux arômes plus puissants de la chair offerte, de la chair ouverte, de la chair enfiévrée, de la chair enferrée dans la chair onctueuse, jusqu’à ce qu’enfin la sève et le miel se fondent en une ultime et fulgurante étreinte.

Le fruit de la passion vit le jour neuf mois plus tard. L’homme n’était pas d’ici. Il lui avait dit, en anglais, des mots forts et passionnés. Avant la fin de la nuit il était parti. Il avait griffonné son nom et son adresse sur un papier. Il habitait le Canada mais son nom – O’Connel – fleurait bon l’Écosse ou l’Irlande. Marie n’avait pas écrit à son amant d’une nuit pour lui dire qu’une fille leur était née. Elle avait gardé son secret pour elle mais dès qu’Aurore avait été en âge de comprendre, elle lui avait remis le bout de papier où étaient écrits le nom et l’adresse de son père. Elle ne lui avait rien caché de ses amours. Comme elle en savait peu sur l’homme qui l’avait aimée et que la fillette voulait en savoir plus, faute de réponse, elle lui avait fabriqué un père mythique. Pour terre d’origine elle avait choisi l’Irlande car elle ne doutait pas que l’île peuplée d’âmes viriles convînt à sa fille. Tout ce qui avait trait à Aurore lui paraissait si singulier, à commencer par sa naissance.

Aurore était venue au monde une fin d’après-midi caniculaire. Entre deux douleurs, seule pour enfanter, Marie se souvenait qu’un soleil flamboyant perçait sous un ciel bouillonnant de nuages sombres. Ce soir-là tout était fournaise, incendie, chaos en elle et autour d’elle. Après un ultime effort, dans un ultime cri, elle avait enfanté d’une chair rouge et vagissante.

Entre deux coups de tonnerre l’enfant poussa son premier cri. Alors que le jour et la nuit s’unissaient avec violence, elle avait donné naissance à une sanguine aux traits parfaits. Incapable de trouver le sommeil, le bébé dans ses bras elle avait écouté la tempête. Le calme était revenu alors qu’une aube aux tonalités soyeuses et délicates s’était levée. C’est alors qu’elle avait décidé de prénommer sa fille Aurore.

— Maman, regarde comme il est malin ! s’exclama Aurore en montrant du doigt le chat qui se frottait à ses jambes en miaulant.

Aurore oscillait entre l’enfance et l’adolescence. Elle raisonnait comme une grande personne et jouait comme une petite fille. Pourtant son corps se transformait, ses gestes devenaient ceux d’une femme. « Une femme, déjà ! Tout va trop vite », se dit Marie. Et comme pour retenir le temps qui passe et faire que son enfant restât encore enfant, elle suggéra :

— Et si tu allais acheter des croissants pour le petit déjeuner ? Pendant ce temps je prépare le thé.

— Bonne idée ! Je meurs de faim !

Aurore entra en courant dans la maison. Marie entendit ses pas précipités dans l’escalier, un claquement de volet, un grincement de placard, des froissements de vêtements. Quelques secondes plus tard, elle sortit habillée d’un jeans et d’un tee-shirt, les cheveux relevés à la va-vite et maintenus par une pince. Sans se retourner elle cria à l’adresse de sa mère :

— J’ai pris de l’argent dans la boîte en fer !

Tandis qu’Aurore passait le portillon, le chat se leva, s’étira, bâilla. Après quelques secondes d’hésitation, se voyant délaissé, il sauta de l’autre côté du muret dans le jardin des voisins où il avait aussi ses habitudes. De sa fenêtre, Marie le regarda s’éloigner. Il allait de son pas tranquille, ondulant de la croupe sous le soleil du printemps. Sa robe, fauve et zébrée, tirait sur le roux. Ses yeux variaient ; suivant ses humeurs, ils passaient du vert au jaune et du jaune à l’or. « Il est mon ami et mon frère », se plaisait à dire Aurore, toute fière qu’il lui ressemblât autant par les couleurs que par le caractère. « Il a la même indépendance, la même noblesse, la même violence rentrée », se dit Marie qui aussitôt regretta cette dernière remarque. Sa gorge se serra. Pour chasser l’angoisse, elle termina de mettre de l’ordre dans sa chambre, puis elle descendit faire chauffer l’eau du thé, sortir les confitures, tirer la table du jardin au soleil et dresser un joli couvert. Chaque jour qu’elle partageait avec sa fille était jour de fête.

2

Penchée sur son ouvrage, Marie cousait. Elle avait promis que la paire de rideaux serait prête cet après-midi. Toujours à l’heure, elle tenait à sa réputation, même si les clients n’avaient pas la même correction vis-à-vis d’elle. Certains tardaient à honorer leur facture, d’autres payaient en plusieurs fois et laissaient traîner le solde. À force, elle tirait le diable par la queue.

Marie soupira : « Cette commande sera encore un cadeau. » Aucune amertume ne perçait dans cette remarque, juste une pointe de regret. Car si elle facturait le temps réel et le soin qu’elle mettait dans les finitions, elle devrait doubler les prix. Mais elle aimait trop son métier pour le bâcler. Des mains adroites, le goût du bel ouvrage, des beaux objets l’avaient amenée à devenir à la fois décoratrice et maître d’œuvre. Elle savait tout faire : tendre les murs de tissu, poser la moquette, recouvrir un canapé, retaper une bergère. Au début elle avait travaillé pour des amis, puis pour des amis d’amis. Le bouche à oreille avait fait le reste.

Marie remonta le pied-de-biche, coupa le fil, éteignit la lampe brûlante de la machine à coudre. Le rideau entre les mains, elle se dirigea vers la planche à repasser installée devant la fenêtre : le temps de donner un coup de fer, de préparer le déjeuner, Aurore serait de retour. Aurore… Il lui semblait déjà entendre ses pas : « Marilie ! » appellerait-elle du portillon. Son cœur se gonfla de tendresse.

Marie voulait pour sa fille tout ce qu’elle-même n’avait jamais eu : une éducation solide, des principes religieux, une vie ouverte sur le monde. Le monde… Elle ne l’avait jamais vu qu’au travers des films ou des livres. À vingt ans elle avait rêvé voyager, découvrir d’autres pays, d’autres continents ; franchir des cols, descendre des fleuves, fouler la terre des îles. Elle avait rêvé vivre sous d’autres cieux, admirer d’autres ciels, pénétrer d’autres mondes, respirer d’autres parfums. Elle avait rêvé migrer d’une terre à une autre. Au lieu de quoi elle avait laissé son existence se faufiler dans une impasse. Il lui semblait vivre la vie derrière une porte, l’œil collé au judas.

Marie maniait le fer. Attentive, elle souleva l’étoffe, en inspecta les contours, redonna un coup par-ci, par-là. Tout en s’appliquant elle calculait : augmenter ses prix lui ferait perdre une partie de sa clientèle, en fin de compte elle ne vivrait pas mieux. Découragée, elle pensa à Camille. Elle était sa meilleure amie. Au moins ne s’embarrassait-elle pas de préjugés : « Tant que les hommes me trouveront à leur goût, j’en profiterai ! » avouait-elle en riant. Après quinze ans d’amitié, cette désinvolture la subjuguait toujours autant. Grâce à Camille elle avait eu la force de mener à terme sa grossesse. Les premières semaines alors qu’elle hésitait à se faire avorter, Camille était intervenue : « Tu rêvais d’un enfant, alors garde-le ! » Logique implacable à laquelle elle avait fini par se rallier. Depuis Camille remplissait son rôle de marraine avec un dévouement qui faisait dire à Aurore : « J’ai deux mamans ! » Loin d’en prendre ombrage Marie se félicitait de cette entente. Depuis des années, les médecins lui répétaient qu’elle avait le cœur fragile, qu’elle devait se ménager. Et il était vrai que, de plus en plus souvent, son cœur s’emballait. Il cognait dans sa poitrine à coups désordonnés. Dans la forêt elle était le chêne marqué d’une croix rouge ; trace indélébile que la pluie n’effacerait pas et qui rappellerait au bûcheron, quand il passerait par là, que ce chêne-là était le chêne à abattre. Alors, le jour dit, le bûcheron s’arrêterait devant l’arbre, il lèverait les yeux pour admirer une dernière fois sa ramure, il cracherait dans ses mains pour éviter les ampoules, il prendrait sa hache et il frapperait. Il frapperait l’écorce qui volerait en éclats, jusqu’à dévoiler le bois lisse et velouté ; il frapperait et atteindrait la sève qui coulerait comme des larmes. Impassible, il frapperait et frapperait encore. Puis, d’un dernier coup de hache, il ferait vaciller l’arbre. Celui-ci hésiterait, dodelinerait de la tête, basculerait. Dans un froissement de branches et de feuilles, il se coucherait lentement et de tout son long.

Marie s’y attendait, elle mourrait debout comme l’arbre encore plein de sève et de vie. Ce serait un bruit sourd, obstiné et patient qui, à coups répétés, l’anéantirait. Le cœur de Marie cognait à coups désordonnés dans sa poitrine comme la hache du bûcheron sur l’écorce. « Vous avez le cœur fragile, il faut vous ménager », lui disait son médecin. Alors de savoir Camille au côté d’Aurore la tranquillisait.

Le bébé mis au monde, Marie avait quitté son studio pour s’installer dans la Maison Rose. Elle s’était endettée pour l’acheter. Comme son métier de décoratrice ne lui rapportait pas assez, elle avait exposé ses tableaux dans une galerie, elle avait bien vendu mais la création demandait du temps. Pour parer au plus pressé elle s’était épuisée à faire des heures supplémentaires comme retoucheuse ou vendeuse.

— Pourquoi te fatiguer à courir d’un travail à l’autre ? lui avait répété Camille. Suis mon exemple, prend un amant, et riche de préférence !

Ce jour-là Marie n’avait pas répondu. Elle savait Camille mutilée dans sa chair comme dans son cœur. À dix-huit ans, son grand amour s’était soldé par un avortement. Depuis, elle était stérile. Blessure secrète qui se rappelait à elle chaque fois qu’un regard d’enfant croisait le sien. Camille ne parlait jamais de cette fêlure, mais à une flexion de voix, à des silences, à ce besoin qu’elle avait de toujours bouger, de toujours s’étourdir, elle mesurait sa souffrance.

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L'eau glacée de la rivière

  • France : 2012-11-08 - Poche (Français)

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